Le «paradoxe français», mythe ou réalité?
Les Français mangent du foie gras, boivent du vin et pourtant leurs coronaires se portent bien mieux que celles de leurs cousins anglo-saxons. Ceux-ci parlent du «French Paradox», ou du «paradoxe français» pour rester dans la langue de Molière. L’expression, inventée il y a une vingtaine d’années, montre une certaine perplexité admirative devant cette exception française. Depuis, les chercheurs ont découvert que les populations des pays du sud de l’Europe étaient elles aussi protégées des maladies cardiovasculaires. Cela, en raison de leur alimentation, et non malgré elle. Et les atouts de ce que l’on appelle désormais le régime méditerranéen commencent à être bien connus. Mais que reste-t-il du «French Paradox»? Explications de Pauline Coti Bertrand, médecin associé à l’unité de nutrition clinique du CHUV.
Est-ce que le «paradoxe français» est toujours une réalité?
Pauline Coti Bertrand: Non, il n’a d’ailleurs jamais existé dans le sens d’une exception française. Grâce à l’étude Monica sur l’incidence des maladies cardiovasculaires en Europe, pilotée par l’OMS, nous savons désormais que le taux de maladies cardiovasculaires se répartit selon un gradient Nord-Sud: la Grande-Bretagne compte chaque année sept cent trente-six événements cardiaques pour mille habitants, la France deux cent soixante-quatorze et l’Espagne deux cent dix. De ce point de vue, on peut assimiler Lille à Gand ou Toulouse à Barcelone. Le «paradoxe français» illustre en fait un phénomène européen.
Le taux de maladies cardiovasculaires est particulièrement bas dans le sud-ouest de la France, haut lieu de la gastronomie et du foie gras. N’est-ce pas surprenant?
La chair d’oie et de canard est riche en graisses mono-insaturées. Ces graisses consommées sans prise de poids, donc dans des quantités modérées, ont un effet protecteur sur les vaisseaux sanguins, tout comme les graisses polyinsaturées dont les fameux oméga-3. Cela montre combien il est important de ne pas stigmatiser un aliment. Nous avons besoin de toutes les graisses, y compris des graisses saturées, mais en petite quantité. Aux Etats-Unis, où les régimes sans graisses étaient préconisés pendant des années, la mortalité cardiovasculaire a augmenté. Car en éliminant les graisses, on privait l’organisme d’un facteur protecteur des vaisseaux.
Une étude de l’Université de Laval, au Québec, montre que les Américains connaissent bien mieux le contenu en graisses de leur repas que les Français. Pourtant, le taux d’obésité est trois fois plus élevé aux Etats-Unis qu’en France. Encore un paradoxe?
Une trop grande attention à ce que l’on mange pourrait masquer des troubles du comportement. Toute la difficulté consiste à informer sans diaboliser. Par ailleurs, il est important de ne stigmatiser aucun aliment. Il vaut mieux promouvoir ceux qui sont bénéfiques. Une personne souhaitant éviter de manger du gras sera conduite à manger des additifs qui redonnent à l’aliment une certaine texture. Ce sont par exemple des fibres gélatineuses (FOS, GOS, inuline) qui ne sont pas digérées. Nous n’avons pas la moindre idée de leur effet sur notre métabolisme quand elles sont consommées en grande quantité. Le problème est le même avec les substituts du sucre. Entre autres, si je remplace le glucose par du fructose et que j’en mange beaucoup, cela stimulera peut-être d’autres voies métaboliques. Ce qui pourrait favoriser un stockage massif des graisses!
La curiosité alimentaire des Français qui leur fait apprécier même les grenouilles, leur culture gastronomique, constituent-elles un avantage du point de vue de la prévention?
On sait en tout cas que plus notre nourriture est variée, plus nous avons de chance de couvrir nos besoins nutritionnels.
Et le vin, est-il bénéfique?
A petite dose, deux verres par jour pour une femme, trois pour un homme, oui. Il contient notamment des antioxydants, qui jouent un rôle protecteur pour la santé.
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