En Suisse, un tiers des adultes souffre d’hypertension
De quoi on parle
Des chercheurs genevois ont trouvé de petites modifications de notre patrimoine génétique à l’origine de l’hypertension. Leur étude pourrait avoir des implications médicales. En améliorant la compréhension de l’hypertension, elle ouvre la voie au développement de nouveaux médicaments contre ce dérèglement très fréquent.
Le problème concerne un grand nombre d’entre nous. En Suisse, un tiers des adultes ont une tension artérielle trop élevée – et même davantage au-delà de 65 ans. Lorsqu’on sait que l’hypertension est souvent à l’origine de crises cardiaques et d’attaques cérébrales, on comprend l’importance de se faire dépister afin de pouvoir être traité. D’autant que «l’on dispose actuellement de médicaments efficaces», souligne Georg Ehret, médecin adjoint au service de cardiologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Moitié innée, moitié acquise
C’est devenu une routine. A chaque consultation, le médecin nous glisse autour du bras un brassard gonflable relié à un manomètre. Comme son nom l’indique, ce tensiomètre est destiné à mesurer notre tension artérielle, en d’autres termes la force exercée par le sang sur les parois de nos artères. Cette pression est maximale – «systolique» – quand, en réponse à une contraction cardiaque, le sang est éjecté dans nos vaisseaux sanguins; elle est minimale – «diastolique» – quand le cœur se relâche et ses cavités se remplissent de sang. On est considéré comme hypertendu quand, de manière répétée, notre tension systolique est égale ou supérieure à 140 millimètres de mercure (mmHg) ou à 90 mmHg pour la diastolique. Ces limites maximales, fixées par les normes internationales, «sont arbitraires», constate le cardiologue, mais elles n’en sont pas moins largement admises et respectées par le corps médical.
Les origines de l’hypertension sont «pour moitié génétiques (lire encadré), pour moitié liées à l’environnement». Les principaux facteurs de risque sont l’âge (les vaisseaux deviennent plus durs à mesure que l’on vieillit) et l’obésité. Le mode de vie intervient aussi. A commencer par le stress – «dont le rôle est difficile à quantifier», précise Georg Ehret –, l’abus d’alcool ainsi que la sédentarité.
L’effet protecteur de l’activité physique peut paraître surprenant car, pendant l’effort, la pression augmente. Mais en fait, l’exercice produit aussi une dilatation des vaisseaux sanguins qui persiste, même au repos, et fait baisser finalement la tension. Quant au sel, qui est souvent incriminé, son rôle est important, mais «il fait encore l’objet d’une controverse».
Quoi qu’il en soit, s’il est impossible de rajeunir, on peut agir sur les autres facteurs favorisant l’excès de pression, notamment tenter de réduire son poids. «Il suffit de perdre un kilo pour diminuer sa pression d’un millimètre de mercure.»
Panoplie de médicaments
Quand une hypertension élevée est installée, la seule solution est de la traiter. Mais il s’agit d’un trouble pernicieux. La plupart du temps, il ne s’accompagne d’aucun symptôme et les individus concernés ne s’aperçoivent de rien. C’est ce qui explique qu’en Suisse, de nombreuses personnes sont hypertendues sans le savoir. Le phénomène est d’autant plus préoccupant que, lorsqu’elle n’est pas prise en charge, l’hypertension peut conduire à de graves complications. «Elle est à l’origine de 30 à 40% des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux (AVC)», souligne Georg Ehret. Elle favorise aussi l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale et les maladies de la rétine.
Il est donc important de se faire dépister régulièrement et pas seulement lors des visites chez son généraliste. Car la tension artérielle peut fluctuer rapidement et de manière importante chez chacun d’entre nous. Elle peut monter en flèche lors d’un effort physique ou sous l’effet du stress – comme celui vécu lors d’une visite chez le médecin, le fameux «effet blouse blanche». C’est pour cette raison que le cardiologue des HUG recommande, en cas de doute, le «dépistage ambulatoire qui se fait à l’aide d’un MAPA, un appareil que l’on porte pendant 24 heures et qui fournit une centaine de mesures de la pression».
Quant au traitement, il fait appel à une large panoplie de médicaments: des diurétiques (qui augmentent l’élimination du sodium dans les urines), des anticalciques (qui dilatent des vaisseaux sanguins) et les bloqueurs du système rénine-angiotensine (qui diminuent la contraction des petites artères). «Tous donnent de bons résultats, constate le cardiologue, et ils ont peu d’effets indésirables.» En outre, «ils existent sous forme de génériques et sont peu coûteux». Les médecins combinent souvent ces médicaments et plusieurs d’entre eux peuvent être inclus dans un seul comprimé. Cela facilite la vie du patient et améliore son observance du traitement.
Lorsque, malgré cette prise en charge, la tension reste très élevée, il est aussi possible de faire appel à la chirurgie qui pose un stent sur l’artère rénale afin de la dilater. Mieux vaut tout faire pour ne pas en arriver là.
Les HUG ont découvert des variants génétiques à la maladie
Si l’hypertension est favorisée par l’âge et le mode de vie, elle trouve aussi son origine dans notre ADN. Des chercheurs des HUG et de l’Université de Genève ont donc tenté d’identifier davantage de «variants génétiques» qui influencent son développement. On nomme ainsi d’infimes variations dans notre ADN, dont certaines ne concernent qu’une seule paire de «lettres» parmi les 3 milliards que compte notre patrimoine génétique. Elles méritent pourtant qu’on s’y intéresse, car certaines d’entre elles contribuent au développement de divers maladies ou dérèglements.
Mettant à contribution 265 institutions de soins dispersés à travers le monde, les chercheurs genevois ont pu recueillir des centaines de milliers de variants génétiques provenant de 342 000 personnes dont ils connaissaient la pression artérielle. L’échantillon est gigantesque. «Chacun de ces variants a très peu d’influence sur la tension artérielle, explique Georg Ehret, médecin adjoint au service de cardiologie des HUG. Il fallait donc étudier un très grand nombre de personnes pour mettre en évidence un effet.» La tâche a été longue, mais elle n’a pas été vaine. «Jusqu’ici, on ne connaissait que 90 variants influençant la tension, maintenant, nous en avons 160. C’est peu, car cela ne représente vraisemblablement que quelques pour-cent de tous ceux qui interviennent, reconnaît le cardiologue, mais c’est déjà ça.» D’autant que l’analyse du rôle de ces variants pourrait changer le regard que l’on porte sur l’hypertension. Elle suggère en effet que les vaisseaux sanguins sont impliqués dans l’apparition du dérèglement, alors que jusqu’ici on considérait que le rein en était le principal acteur.
Cette découverte pourrait conduire à l’élaboration de médicaments plus ciblés et donc plus efficaces encore que ceux dont on dispose actuellement. A plus long terme, on peut même imaginer qu’on pourra, en analysant le génome d’un individu, évaluer son risque de souffrir plus tard d’hypertension.
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On parle d'hypertension artérielle lorsque la pression systolique est supérieure à 140 millimètres de mercure (mmHg) et/ou lorsque la pression diastolique est supérieure à 90 mmHg.