Les technologies au service de la neuroréhabilitation

Dernière mise à jour 27/11/19 | Article
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Jeux vidéo, réalité virtuelle, robots : ces technologies peuvent aider à réduire l’impact des lésions cérébrales. Ludiques, elles motivent le patient et l’incitent à augmenter l’intensité et la durée de ses exercices. Personnalisées, elles s’adaptent aux progrès de chacun. Encore faut-il les évaluer. C’est l’objectif de la plateforme NeuroTech lancée par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne.

Que l’on ait subi un traumatisme crânien ou un accident vasculaire cérébral (AVC), ou encore que l’on souffre d’une maladie chronique comme la sclérose en plaques, le cerveau est lésé. Selon la zone affectée, il peut être incapable d’accomplir certaines tâches. Pour le rééduquer, les centres de neuroréhabilitation disposent de toute une panoplie de méthodes qui permettent au patient de retrouver – du moins en partie – les fonctions motrices ou cognitives perdues. L’utilisation de technologies numériques pourrait augmenter l’efficacité des traitements et accélérer la récupération. La plateforme NeuroTech, créée en 2016 par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) – associé à divers partenaires académiques et industriels, suisses et étrangers –, a pour objectif de les tester et de les évaluer de façon rigoureuse, mais aussi de développer de nouveaux outils destinés aux patients.

Rétablir des connexions

Notre cerveau dispose d’une étonnante faculté de plasticité qui lui permet de réorganiser ses réseaux de neurones. «Prise au sens large, cette capacité est à la base de l’apprentissage, pendant l’enfance et tout au long de la vie», constate le Pr Philippe Ryvlin, chef du Département des neurosciences cliniques au CHUV. C’est aussi cette flexibilité qui permet au cerveau, dans une certaine mesure, de se «réparer»: lorsque certains neurones sont détruits, d’autres viennent à la rescousse pour restaurer la fonction perdue.

Tirant parti de cette plasticité neuronale, la neuroréhabilitation vise à «activer des connexions entre des neurones qui n’ont pas été lésés ou, dans des stades stables d’un trouble neurologique, à stimuler le chemin atteint pour tenter de rétablir les connexions», explique Arseny Sokolov, médecin au Département des neurosciences cliniques du CHUV.

A côté des technologies déjà couramment utilisées par les thérapeutes – comme les robots ou les exosquelettes pour entraîner la marche –, apparaissent maintenant des montres et autres objets connectés (lire encadré), des interfaces cerveau-machines (implants ou électrodes), ainsi que des jeux vidéo «sérieux» dont certains immergent les patients dans la réalité virtuelle.

Des exercices ludiques

La réhabilitation est un processus long et fastidieux. Elle nécessite de répéter le même exercice cognitif ou de refaire le même mouvement de très nombreuses fois. «La progression est lente, ce qui est frustrant pour le patient», constate le Pr Andrea Serino, directeur du Laboratoire MySpace du CHUV. Pour augmenter la motivation, rien ne vaut des entraînements ludiques comme ceux offerts par les jeux vidéo. Pris par son désir de gagner des points, le patient augmente l’intensité de son effort et prolonge la durée de l’exercice. Il s’agit là d’un élément crucial car, plus la séance est longue, meilleur est l’effet thérapeutique. Sans compter que certains exercices mêlent effort cognitif et physique, ce qui est bénéfique (lire «Des jeux vidéo accélèrent les progrès»). En outre, le joueur peut avoir accès à son score et constater l’ampleur de ses progrès. De même que son thérapeute, pour qui c’est aussi un atout: «Au lieu de devoir réévaluer, de semaine en semaine, les progrès réalisés comme on le fait actuellement, on pourra mesurer les effets de la réhabilitation en temps réel», souligne Philippe Ryvlin.

Quant aux outils faisant appel aux interactions cerveau-machine, ils pourraient permettre des apprentissages pratiquement impossibles à réaliser aujourd’hui, comme redonner vie à un bras paralysé. L’une des méthodes expérimentées à l’hôpital vaudois consiste à implanter des électrodes dans les muscles du bras immobilisé de la personne, laquelle contrôle l’amplitude de la stimulation avec sa main valide, tout en faisant des petits mouvements avec sa main inerte. «Après deux semaines d’entraînement, les patients commencent à pouvoir bouger leur main et, à mesure que le temps passe, les progrès s’amplifient», précise la Pre Stephanie Clarke. La cheffe du Service de neuropsychologie et de neuroréhabilitation du CHUV cite même le cas d’un homme qui, «très fier, est revenu plusieurs mois plus tard à l’hôpital pour montrer à l’équipe de thérapeutes qu’il pouvait utiliser ses deux mains pour lacer ses chaussures».

Pas la panacée

A l’avenir, lorsque les différents dispositifs existants auront évolué, les patients traités dans un centre spécialisé pourront poursuivre, seuls, les exercices. Voire s’entraîner à domicile. La téléréhabilitation sera alors à portée de main.

Faut-il craindre pour autant qu’à terme, les machines remplacent les physiothérapeutes, ergothérapeutes, neuropsychologues et logopédistes? «Il serait naïf de penser qu’un outil peut se substituer à un professionnel qui a reçu une formation spécifique et qui a de l’expérience, répond Andrea Serino. Rien ne remplace la sensibilité de l’être humain.» Toutefois, Stephanie Clarke estime que «cela va changer la manière dont on aborde la réhabilitation. Les thérapeutes devront pouvoir déterminer quel patient va répondre à tel traitement». Car, aussi séduisants qu’ils soient, ces nouveaux outils ne sont pas la panacée. L’un d’eux pourra être utile à un individu et pas à un autre, en fonction de la nature de la lésion. Pour les utiliser au mieux, il faudra tenir compte des acquis récents des neurosciences, afin de comprendre quels sont les effets de chaque thérapie sur la réorganisation du cerveau.

Le domaine est en pleine effervescence et différentes technologies numériques potentiellement intéressantes sont déjà disponibles. Encore faut-il les tester et les valider de manière rigoureuse. Non seulement pour démontrer leurs performances technologiques, mais aussi, souligne Philippe Ryvlin, «pour s’assurer qu’elles améliorent bien l’état de santé et la qualité de vie des patients».

Même si la route est encore longue avant que tous les patients ne puissent en bénéficier, «les technologies développées actuellement ont un haut potentiel, constate le médecin. Ce sont les outils de demain». Nul doute qu’elles ouvrent de nouveaux horizons à la réhabilitation.

Epilepsie: des objets connectés pour anticiper les crises

Outre leur apport dans la neuroréhabilitation, les technologies de pointe étudiées dans le cadre du programme NeuroTech peuvent se révéler fort utiles en cas d’épilepsie convulsive. Ce trouble neurologique est dû à l’activité excessive de cellules nerveuses cérébrales qui provoque une sorte de «court-circuit» dans le cerveau. La personne perd alors brutalement connaissance et tombe – avec tous les dangers que cela représente –, avant d’être agitée de convulsions. Il est donc important de détecter l’attaque afin d’alerter rapidement l’entourage qui pourra prendre les précautions nécessaires pour limiter les risques.

Des bracelets et autres objets connectés ont été développés à cette fin. «Ils mesurent différents signaux permettant de détecter la crise, notamment la réaction électrodermale (celle qui nous fait transpirer et qui est d’ailleurs à l’origine du fameux détecteur de mensonges), et ils renferment des détecteurs de mouvements», précise Philippe Ryvlin, chef du Service de neurosciences cliniques du CHUV.

Les médecins disposent déjà d’un outil commercialisé: le bracelet Embrace (fabriqué par l’entreprise Empatica), qui est l’un des rares objets connectés à avoir été homologué par la FDA (l’agence américaine de régulation dans le domaine de la santé). Reste à savoir s’il est vraiment utile et surtout «s’il a un impact sur la qualité de vie des patients», précise Philippe Ryvlin. C’est pourquoi son équipe a lancé une étude clinique portant sur quarante d’entre eux.

L’épilepsie peut se manifester par d’autres formes de crises dont la détection est plus difficile. Il est alors nécessaire de capter un plus grand nombre de signaux (par exemple le rythme cardiaque). Il faut aussi personnaliser les paramètres mesurés, ce qui implique d’intégrer des outils d’intelligence aux objets connectés afin qu’ils apprennent à reconnaître les crises d’un individu donné. Se pose alors un problème de consommation d’énergie – si le dispositif fonctionne en permanence, sa batterie est vite déchargée –, ce qui nécessite le développement d’autres technologies de pointe. Un défi technologique que s’est lancé l’équipe du CHUV, en collaboration avec l’EPFL.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 36 - Décembre 2019

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