Contre le mélanome, des globules blancs dopés
Devant le cancer, le corps se défend, mais généralement pas assez. Renforcer son action de destruction des cellules de la tumeur, c'est la stratégie qu'explorent le professeur Olivier Michielin et son équipe du CHUV et de l'institut suisse de bioinformatique. Un essai clinique démarre à Lausanne en 2013 pour connaître l'efficacité de cette approche contre le mélanome, le cancer de la peau. Explications.
A la base du traitement que vous proposez, il y a les globules blancs
Olivier Michielin: Oui. En résumé, nous prélèverons des lymphocytes T, un type de globule blanc, à des patients qui ont un mélanome, nous les modifierons et nous les leur réinjecterons. Il s’agit d’intégrer un gène à ces cellules; celui-ci leur permet de produire, à leur surface, un récepteur qui les rend efficaces pour détruire les cellules cancéreuses. On voit les premiers effets de cette thérapie après quelques semaines.
Quels sont les patients qui pourront bénéficier de cette technique?
On estime que l'on pourra proposer cette thérapie à une personne atteinte d'un mélanome sur deux. Le patient doit en effet remplir deux conditions: ses cellules cancéreuses doivent produire un certain type de peptide, une suite d'acides aminés que reconnaît le lymphocyte T. Et pour que ce dernier puisse «lire» le peptide, les cellules du patient doivent aussi posséder un certain type de molécule de présentation, la structure qui «amène» le peptide au globule blanc.
Y a-t-il un risque que les globules blancs attaquent les cellules saines?
Non, seules les cellules cancéreuses expriment à leur surface le peptide que nous visons. D’autres cellules peuvent le produire mais elles ne le présentent pas à leur surface et ne sont donc pas visées par le globule blanc.
Quel bénéfice peut-on en attendre de ce traitement?
C'est une piste extrêmement prometteuse. Ces thérapies cellulaires peuvent établir des rémissions complètes de très longue durée, qu'on en vient de plus en plus à appeler des guérisons. Dans certaines thérapies ciblées de réinjection de globules blancs on parvient à éradiquer la tumeur dans 30 à 40% des cas.
A quel rythme démarrez-vous cet essai?
Il concernera d’abord moins d'une dizaine de personnes. Nous souhaitons suivre quelques centaines de patients d'ici quelques années. A Lausanne, ce traitement pourrait rapidement devenir standard.
Ce procédé de thérapie peut-il s'appliquer à tous les cancers?
Probablement, mais la preuve n'en est pas faite. Une efficacité est documentée dans le cas du mélanome. C'est probablement aussi le cas dans le cancer du rein.
Les chercheurs réalisent par ailleurs que des tumeurs qu’ils pensaient insensibles à l'immunothérapie comme le cancer du poumon pourraient en fait bénéficier de ces thérapies. Cette technique de pointe est en développement.
De la sélection naturelle à la sélection informatique
Vincent Zoete est bioinformaticien. Ce spécialiste de la conception de médicaments assistée par ordinateur travaille avec Olivier Michielin pour rendre encore plus efficace les traitements qu’il teste. «Jusqu'à présent, le travail dans cet essai a été réalisé sans utiliser la conception de molécules par l’informatique. Le récepteur que nous intégrons aux globules blancs provient ainsi d'un patient dont les lymphocytes reconnaissaient spontanément la signature du cancer avec succès».
Mais l'idée est d'aller au-delà et de modifier ce récepteur grâce à la bioinformatique pour augmenter encore son pouvoir de reconnaissance des cellules cancéreuses. Et espérer ainsi qu'on augmente la réponse thérapeutique contre le mélanome.
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