Le soleil, ami ou ennemi?
«Laissons, laissons entrer le soleil», chantait Julien Clerc en 1969, à une époque où les standards esthétiques donnaient raison aux corps bronzés, dans une certaine inconscience collective. Le bronzage comme symbole de vacances réussies. Depuis, on a rangé les monokinis, réalisant les dangers d’une exposition irréfléchie –au point de diaboliser le moindre rayon. Aujourd’hui, si on ne nie pas les dégâts qu’il peut causer sur la peau, on reconnaît par ailleurs son influence positive voire indispensable sur la santé, raison pour laquelle les spécialistes prônent finalement une exposition modérée et raisonnable.
S’exposer au soleil pour…
Le plein de vitamine D
Le soleil est la source principale de vitamine D, essentielle pour la santé de nos os et de nos muscles. Un déficit fragilise les os, augmente le risque de chutes, de fractures et d’ostéoporose. Pour préserver sa santé musculaire et osseuse, il est recommandé de se mettre régulièrement au soleil. Car l’exposition aux rayons ultraviolets B (UVB) déclenche la synthèse de la vitamine D dans l’épiderme. Quinze à vingt minutes sur le visage et le dos des mains, trois fois par semaine, suffisent pour faire le plein.
On n’en est pas encore certain, mais la vitamine D pourrait être bénéfique à d’autres titres encore. Il se pourrait en effet qu’elle joue un rôle central dans notre santé globale et que son manque soit impliqué dans de nombreuses maladies: cardio- vasculaires, métaboliques (diabète, hypertension), neurologiques (sclérose en plaques) et cancers. «Nos cellules contiennent beaucoup de récepteurs en vitamine D, tandis que cette dernière régule 3% de notre génome», justifie le Pr Idris Guessous, médecin adjoint au service de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Des recherches visent actuellement à déterminer si un déficit en vitamine D n’est qu’un marqueur de mauvaise santé ou s’il y a un lien de causalité dans ces pathologies.
Une humeur positive
Le déficit en vitamine D pourrait même être en lien avec les troubles de l’humeur, en particulier la dépression saisonnière: «la présence de récepteurs à la vitamine D au niveau de neurones cérébraux impliqués dans l’humeur le suggère», explique Hélène Richard-Lepouriel, médecin adjoint au service des maladies psychiatriques aux HUG. Des pistes intéressantes, mais qui méritent plus d’investigation. En revanche, c’est probant, la lumière du soleil fait du bien au moral. On l’a tous expérimenté lorsque la météo est clémente ou que les beaux jours reviennent. Mais certains y seraient particulièrement sensibles. Ainsi, chez ces personnes, la baisse de la luminosité en automne et en hiver provoque une dépression saisonnière, un mal qui touche 2 à 4% de la population. «Elles ont de la difficulté à synchroniser leur horloge interne avec le rythme circadien jour/nuit», explique la psychiatre. En cause, la mélatonine, l’hormone du sommeil sécrétée le soir, qui n’est pas suffisamment détruite et reste dans l’organisme chez les individus en proie à un trouble affectif saisonnier. Conséquences: fatigue, troubles de la concentration, anxiété, manque de plaisir, hypersomnie, crises hyperphagiques, etc. Ce n’est qu’au printemps, lorsque l’intensité lumineuse revient, que ces symptômes disparaissent. La luminothérapie –qui consiste à s’exposer à une lampe spéciale chaque jour– est d’une grande aide.
Le sommeil
Passer du temps à l’extérieur pour profiter de la lumière naturelle est bénéfique pour le sommeil également. La lumière du jour est en effet le plus puissant des synchronisateurs externes. S’y exposer permet de réguler notre horloge interne et d’avoir un rythme jour/nuit bien réglé.
S’en protéger à cause…
Du vieillissement de la peau
Le teint hâlé a toujours des adeptes, mais méfiance. Car les UVA surtout favorisent le vieillissement cutané. Les travailleurs en extérieur (jardiniers, ouvriers, agriculteurs, etc.) sont particulièrement touchés par les signes cutanés d’une exposition chronique. Plissement et relâchement de la peau, points noirs, marques autour des poils et de leurs glandes forment le syndrome de Favre et Racouchot. «Les chauffeurs professionnels aussi sont concernés, les UVA agissant à travers les vitres. On voit leur visage bruni du côté de la portière et lisse de l’autre côté», décrit Olivier Gaide, dermatologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Les filtres solaires avec le sigle UVA arrêtent une bonne partie de ces UV.
Le soleil est le premier facteur carcinogène pour la peau. «La majorité des cancers de la peau, dont le mélanome, sont clairement associés au soleil», prévient Olivier Gaide. La nocivité des rayons UV dépend de nombreux facteurs dont il faut tenir compte pour une protection adaptée: la saison, la météo, la latitude, l’altitude, l’âge et le type de peau. En été, le rayonnement du soleil est plus fort, de même que sous les tropiques. Mais à plus de 2000 mètres d’altitude aussi, en raison de la quantité élevée d’UV et de leur réverbération sur la neige. Par ailleurs, il faut savoir que plus on s’expose, plus on augmente les risques pour sa peau. Néanmoins, nous ne sommes pas tous égaux face au soleil. Les peaux claires et celle des enfants sont les plus vulnérables. Le Dr Gaide rappelle qu’il ne faut pas mettre directement au soleil les enfants de moins d’un an. Et qu’il est important de protéger les peaux des plus jeunes contre les coups de soleil pour éviter des conséquences plus tard dans la vie.
Pour rappel, une exposition sensée, c’est pas de bronzette aux heures les plus chaudes (entre 11 h et 15 h), rester à l’ombre, garder ses vêtements ou porter des textiles anti-UV: «c’est efficace et pratique car il y a moins de surface à crémer», commente Olivier Gaide. Chapeau et lunettes bienvenus. Enfin, il faut appliquer de la crème solaire sur les surfaces de la peau qui dépassent –ne pas oublier la tête, pour les Messieurs qui se dégarnissent.
En résumé, on peut se mettre au soleil avec modération, mais il faut absolument éviter les coups de soleil. Et il faut bien observer sa peau à chaque changement de saison. En cas de tache suspecte, consulter sans attendre son généraliste ou son dermatologue. Car pris assez tôt, ces cancers se soignent bien!
Bien choisir sa crème solaire
En lait, en crème ou en gel, les produits solaires, à eux seuls, ne suffisent pas à protéger la peau contre les méfaits du soleil et ne sont pas une excuse pour s’exposer sans limites. Ils ont leur place dans le sac de plage mais doivent être considérés comme un moyen supplémentaire par rapport aux autres mesures de protection (lire article).
Plus on a la peau claire, plus l’indice de protection (IP) contre les UVB, responsables des coups de soleil, doit être élevé, avec un minimum de 25. Les produits filtrant également les UVA sont préférables. L’application sur la peau doit être très généreuse pour espérer obtenir la protection avancée, soit en principe 1 mg/cm2, ce qui «n’est pas toujours facile à respecter», reconnaît le Dr Gaide. Afin de favoriser son application, «privilégiez un produit dont vous appréciez la texture, le parfum et la composition», conseille le spécialiste.Faut-il se méfier des filtres solaires chimiques? «On redoute l’accumulation dans l’organisme –et l’environnement– de substances indésirables (perturbateurs endocriniens, nanoparticules, etc.), mais aucune étude épidémiologique chez l’homme n’a permis de l’attester», répond Nathalie Chèvre, écotoxicologue à l’Université de Lausanne.
Chez l’enfant et la femme enceinte, la spécialiste prône toutefois le principe de précaution. Les alternatives? Les filtres minéraux (à base de zinc) qui assurent une protection physique ou le port de textiles, traités ou non contre les UV, afin de minimiser l’utilisation de crème solaire
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Paru dans Le Matin Dimanche le 20/05/2018.
Le mélanome détecté plus tardivement sur les peaux métisses ou noires
Crème solaire et mélanome
Mélanome
Le mélanome est un cancer de la peau. Il se développe à partir de grains de beauté qui changent d'aspect (forme, couleur, taille, épaisseur, etc.) ou en l’absence de lésion pré-existante.