Bronzage artificiel: les mensonges des commerçants
Bronzer, certes. Mais pourquoi et à quel prix? Il y a un siècle que nous (disons «les populations occidentales») avons commencé à prendre goût à l’exposition au soleil et, conséquence mécanique, au bronzage. Il reste à en comprendre les raisons. Jadis la blancheur de la peau était synonyme de beauté et de rang social élevé. Et ne s’exposaient aux rayons du soleil que ceux, paysans puis ouvriers, qui ne pouvaient pas faire autrement. Puis la vogue du naturisme prit son essor, suivie de celle de la libération du corps et des premiers bains de mer. Vinrent progressivement les congés payés, la croissance de l’héliotropisme ainsi, dans la foulée, que celle du bronzage «en cabine» grâce au maniement des rayons ultra-violets (UV).
Ce phénomène à visée esthétique a vraiment commencé à prendre de l’importance dans les années 1980. Il fallait bronzer pour être belle, pour ne pas arriver blancs à la plage, pour donner l’impression que l’on vivait des vacances perpétuelles… Et ce phénomène n’a en rien été freiné par le développement des allégations sanitaires des loueurs de cabines bronzantes. Un quart de siècle plus tard on commence à disposer du recul nécessaire pour juger de l’impact sanitaire de cette pratique. On sait aussi ce qu’il peut en être de la réalité médicale et scientifique des arguments publicitaires qui sont régulièrement avancés. Qu’en est-il de ces arguments? Ils viennent d’être analysés dans le dernier numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut national français de veille sanitaire par un groupe de spécialistes dirigés par Julie Gaillot-de-Saintignon et Isabelle Tordjman (Institut national français du cancer). Qu’apprend-on?
«Malgré l’avancée des connaissances scientifiques qui démontrent sans ambiguïté que la pratique du bronzage en cabine UV, même encadrée par des dispositions réglementaires strictes, augmente le risque de cancer cutané, la pratique du bronzage par UV artificiels connaît depuis quelques années une réelle expansion, écrivent-ils. Certaines idées reçues sur les bienfaits supposés des UV artificiels sont encore solidement ancrées dans la croyance populaire.» Aussi est-il important selon eux de délivrer une information précise sur les dangers associés à ces expositions mais aussi de lutter contre des opinions qui banalisent et encouragent le recours à cette pratique en la présentant comme utile, voire bénéfique pour la santé.
Le bronzage artificiel n’est pas plus «sûr» que l’exposition au soleil
En théorie les réglementations en vigueur (du moins les plus complètes) prévoient de réduire au maximum le risque d’exposition à des doses énergétiques très fortes et de limiter l’éclairement en UVB par rapport aux UVA. «Néanmoins, compte tenu du potentiel cancérigène du rayonnement émis par les lampes UV, aucune mesure réglementaire, même correctement appliquée, ne permettrait d’éliminer les risques de cancer cutané, en particulier dans sa forme la plus grave qu’est le mélanome» préviennent les spécialistes français. Selon eux une séance dans une cabine de bronzage UV en France ou en Suisse, loin d’être une pratique anodine, correspond à une exposition de même durée au soleil de midi sur une plage des Caraïbes et sans protection solaire!
Les utilisateurs/utilisatrices peuvent néanmoins ressentir (à tort) un sentiment de sécurité car cette technique est moins fréquemment associée à l’apparition d’un coup de soleil et n’entraîne pas de sensation de chaleur. C’est si vrai que lors d’expositions prolongées aux UV artificiels, des accidents de brûlures cutanées (pouvant s’étendre à 90% de la surface corporelle) ont pu être observés.
Le bronzage artificiel ne «prépare» pas efficacement la peau au soleil
«Vos séances d’UV artificiels prépareront votre peau au soleil ». Voilà l’exemple même de l’idée fausse mais fortement ancrée. En France près d’un quart de l’ensemble des personnes interrogées sur ce sujet partagent cette opinion et 40% de celles qui fréquentent les cabines UV. La vérité c’est que lorsque l’on est artificiellement bronzé, il faut toujours (et peut-être même plus) se protéger des expositions fortes aux UV. Car contrairement aux mécanismes biologiques qui découlent d’une exposition aux UV naturels, lors d’une exposition aux UV artificiels la pigmentation de la peau n’est pas associée à un épaississement naturellement protecteur de l’épiderme. A retenir: la pigmentation acquise après exposition aux cabines UV ne représente pas une protection efficace vis-à-vis des expositions ultérieures au soleil. Elle peut même donner, à tort, un sentiment de sécurité incitant à ne plus respecter les principes de prévention solaire adéquats.
Une pratique qui accélère le vieillissement cutané
On nage ici en plein paradoxe puisque la motivation principale du recours au bronzage par UV artificiels est de nature esthétique. C’est une double preuve extérieure: de bonne santé et de réussite sociale. Certains recherchent aussi une réduction (transitoire) de certaines «imperfections cutanées légères». Or il faut savoir qu’il existe aussi un effet à plus long terme dont personne ne souhaite parler: l’accélération du vieillissement cutané. «L’exposition répétée aux UV (solaires et artificiels) s’accompagne après 10 à 20 ans de l’apparition de taches, de rides et d’un amincissement de la peau, préviennent les spécialistes. Cet effet est d’autant plus marqué pour les expositions artificielles qu’il est attribuable en très grande partie aux UVA qui pénètrent plus profondément dans la peau, atteignent le tissu conjonctif dermique, en altèrent l’élasticité et induisent une élastose dermique de façon irréversible.»
Pas d’effet protecteur prouvé contre certains cancers non cutanés
Certains messages récents, parus dans «la presse», évoquent un effet protecteur des UV sur l’incidence de certains cancers non cutanés (comme ceux du sein, du côlon ou de la prostate). «Les arguments avancés reposent principalement sur les conclusions d’études écologiques ayant mis en évidence, aux États-Unis, que l’augmentation du risque de certains cancers était corrélée à un niveau d’ensoleillement faible ou à une latitude de résidence éloignée des tropiques, expliquent les spécialistes. Certains scientifiques ont aussi postulé qu’une faible concentration sérique en vitamine D pouvait être à l’origine de l’augmentation du risque de certains cancers non cutanés.»
Les études menées sur ce thème par l’Institut national français du cancer ne permettent pas de retenir de tels arguments, scientifiquement infondés. Ce qui est démontré en revanche c’est le pouvoir cancérogène avéré des UV sur la peau et celui des expositions répétées aux UV artificiels des appareils de bronzage.
Une source dangereuse de vitamine D
La source principale de vitamine D (utile notamment contre le risque de fracture osseuse) est l’exposition cutanée aux UVB solaires. Pour une personne à la peau claire une exposition (des avant-bras et du visage) au soleil de midi pendant 5 à 10 minutes deux ou trois fois par semaine est suffisante pour produire (lors d’une journée ensoleillée) la vitamine D nécessaire à son organisme. Celle-ci est ensuite stockée dans ses masses graisseuses. Les expositions prolongées n’augmentent pas le taux de vitamine D mais provoquent une augmentation des dommages causés à l’ADN dans le noyau des cellules de la peau. Quelques (rares) études biologiques, réalisées (sur de faibles échantillons de volontaires) ont certes montrent une augmentation du taux de vitamine D après des expositions répétées aux lampes de bronzage. Mais il faut aussi tenir compte du potentiel cancérogène avéré des UV artificiels, de la fréquence des effets secondaires à très court terme observés dans ces études et de la possibilité d’apport en vitamine D par voie orale. Conclusion: avoir recours aux cabines UV pour couvrir les besoins en vitamine D est injustifiable du point de vue de la santé.
En conclusion
L’exposition aux UV artificiels dans des cabines et centres de bronzage ne peut avoir qu’une finalité esthétique immédiate et en aucun cas s’inscrire dans le cadre de la recherche d’un effet positif pour la santé. Bien au contraire puisque ces effets positifs n’existent pas et que les effets négatifs (cancers et mélanomes cutanés, cataracte, mais aussi affaiblissement des défenses immunitaires et, dans certains cas, photo-toxicité et photo-allergie) ne sont, eux, malheureusement plus à démontrer.
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