Cancer du sein, une histoire de famille

Dernière mise à jour 13/08/12 | Article
Mains féminines de trois générations
Beaucoup de données et de la génétique. En croisant informations familiales et registre des cancers, une équipe genevoise fait avancer la compréhension des cancers héréditaires, celui du sein notamment.

C'est un fait, l’hérédité joue un rôle important dans la réaction de l’organisme face au cancer. On estime ainsi que si un membre du premier degré de votre famille (frère ou sœur, mère ou père) a eu un cancer, vous avez personnellement deux fois plus de chances d’avoir une même tumeur qu’un individu lambda.

Pour mieux comprendre cette problématique, le professeur Christine Bouchardy et son équipe du registre genevois des tumeurs ont mis en place l’un des premiers registres familiaux du cancer du sein. Cet outil inédit, soutenu par la Ligue suisse contre le cancer, leur a notamment permis de découvrir que le pronostic de cette tumeur était héréditaire.

Famille et conséquences

Mais reprenons avant de détailler ces résultats. Un registre familial? Oui, comprenez d’abord que les cas de cancers du sein sont enregistrés au registre cantonal comme l’est, depuis 1970, l’ensemble des tumeurs à Genève (cf. ci-dessous). Les cancers sont alors détaillés sous de très nombreux aspects de manière à suivre l’évolution de la maladie au sein de la population. La nouveauté de la démarche entreprise ici est l’ajout d’informations sur la famille du patient, à savoir qui dans sa famille a eu un cancer et s’il s’agit notamment d’un cancer du sein.

Ces données sont évidemment rendues anonymes; elles ont néanmoins pu être croisées (tout en restant anonymes) avec celles de l’Office cantonal de la population de manière à pouvoir identifier les liens familiaux présentes dans le registre sur les vingt années analysées.

«Nous avons voulu connaître tous les effets de ce lien familial, en comparaison avec les tumeurs non héréditaires, explique le professeur Bouchardy. L’âge auquel le cancer s’est déclaré, la nationalité des personnes concernées, la méthode par laquelle le cancer a été détecté, le stade auquel on l’a diagnostiqué. Nous avons examiné de nombreuses propriétés qui décrivent ces tumeurs, comment on les a traitées, comment s’est déroulé le traitement. Nous avons également étudié la survie des patientes, relevé si elles ont développé une deuxième tumeur et, enfin dans les cas où elles sont décédées, quelle a été la cause de leur mort.»

Mieux traiter

La première conclusion de cette recherche (publiée en mai 2012 dans l'International Journal of Cancer) est importante pour les malades et les médecins: la survie du cancer du sein est héréditaire.

Cette découverte est porteuse d'espoir. Pour le traitement d'abord: si, en effet, le pronostic de votre famille n'est pas très bon, on hésitera d'autant moins à mettre toutes les chances de votre côté en proposant tôt des traitements radicaux. A l'inverse, il y a une proportion importante des cancers du sein qui réagissent bien au traitement et peuvent être guéri. Dans ce cas de figure, si la famille de la patiente a connu des issues positives, elle pourra être rassurée que les choses ont la plus grande chance de bien se passer.

Haute surveillance

Une autre utilisation de ces données a permis de dresser le portrait de ces cancers touchant plusieurs fois une famille, et surtout de voir s'ils se distinguaient de leurs homologues isolés.

Globalement, les patientes concernées ont eu un cancer plus jeune, et plus souvent touchant les deux seins. Par contre, probablement du fait d'une meilleure sensibilisation, elles sont dépistées plus tôt et de manière égale selon les couches sociales (contrairement aux cancers non héréditaires). Elles bénéficient aussi plus souvent de traitements optimaux.

Malheureusement, ces personnes ont un risque huit fois plus important d'avoir une deuxième tumeur (située généralement dans le second sein) d’un type particulier, à savoir ne possédant pas de récepteurs aux œstrogènes. Ce risque peut même s'élever à cinquante fois si le premier cancer ne possédait pas non plus de récepteurs aux œstrogènes. «C'est un risqueparticulièrement élevé, s'alarme le professeur Bouchardy. La patiente concernée doit être sous haute surveillance. Elle doit le savoir ainsi que ses médecins.»

On le voit, le passage des registres au niveau familial est un outil important pour mieux connaître les cancers, leur évolution et guider le choix des traitements. Les recherches sur la base de données concernant le cancer du sein vont, bien entendu, continuer. A plus long terme, le professeur Bouchardy cible quatre autres types de tumeurs qui bénéficieraient de cette approche : cancer de la prostate, mélanome, cancer colorectal et cancer de la thyroïde.

Tumeur, vos papiers

«Pour bien travailler sur le cancer au niveau de la population, il nous faut un registre», résume le professeur Bouchardy. Utilisés à grande échelle pour le cancer depuis plus de quarante ans, ces outils répertorient les cas que leur annoncent hôpitaux et médecins. De nombreux détails sont alors enregistrés dans un dossier rendu anonyme, détails qui sont codés selon un standard international. Cela permet aux chercheurs de comparer directement les données de différents pays et d’établir l’évolution dans le temps des différents types de cancer.

«Les registres servent de thermomètre», poursuit le professeur Bouchardy. Ils donnent un reflet de l’évolution des cas et de leur traitement; ils permettent aussi de précieuses recherches quand on observe une recrudescence de tumeurs d’un type précis dans une zone géographique donnée. On a pu s’en servir pour mettre en évidence le lien entre le cancer de l’endomètre (corps de l’utérus) et la prise d’œstrogènes à la ménopause ou encore celui entre le cancer du foie et l’hépatite en Afrique.

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