Cancer du sein: éviter la chimiothérapie grâce aux tests génétiques
Les femmes qui souffrent d’un cancer du sein peuvent se voir proposer, après la chirurgie, plusieurs options de traitements dits adjuvants, qui réduisent le risque de récidive. Pour éclairer ce choix, plusieurs critères sont pris en compte. L’analyse anatomo-pathologique de la tumeur permet d’obtenir des informations, telles que la présence de récepteurs hormonaux ou la quantité de facteurs de prolifération (KI67/MIB1 notamment) qui donnent une indication sur la capacité de la tumeur à croître et constituent donc un paramètre prédictif de son agressivité. Le pathologiste établit également le grade de la tumeur selon l’échelle «histo-pronostique» d’Elston-Ellis, qui va de I à III. La taille de la tumeur, la présence de ganglions, ainsi que des éléments liés à l’état de santé de la patiente ou à ses antécédents, personnels et familiaux, sont également pris en compte. Mais depuis plus d’une dizaine d’années déjà, l’analyse génétique des tumeurs est utilisée pour compléter ce tableau et contribue à déterminer si la patiente est à bas ou haut risque de récidive, et donc à orienter le choix du traitement adjuvant, qui est «toujours le résultat d’une discussion au sein de l’équipe et avec la patiente», rappelle le Dr Loïc Lelièvre, médecin adjoint à la consultation de sénologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
Sortir de la zone grise
OncotypeDX© est un des tests génétiques utilisés en clinique pour obtenir un score pronostique, sur la base de l’analyse d’un échantillon de la tumeur. Il porte sur 21 gènes et est utilisé pour les cancers du sein hormono-dépendants, HER2-négatifs, à un stade précoce et sans atteinte ganglionnaire. En quinze jours, les médecins obtiennent un score qui évalue le risque de récidive à dix ans et l’intérêt d’ajouter une chimiothérapie à l’hormonothérapie. «Les données disponibles jusqu’ici indiquaient qu’avec un score jusqu’à 10, la chimiothérapie n’apportait pas de bénéfice, et qu’elle diminuait par contre le risque de récidive pour les patientes avec un score au-dessus de 25, explique Loïc Lelièvre. Mais les patientes avec un score entre 11 et 25 étaient dans une sorte de “zone grise”. Or elles représentent jusqu’à 60-70% de nos patientes».
L’essai TAILORx, publié cet été dans la revue médicale New England Journal of Medicine, a enfin apporté de nouvelles données qui devraient permettre de modifier la prise en charge de nombreuses femmes traitées pour ce type de cancer du sein. Pour cet essai, près de 10’000 femmes avec un cancer du sein hormono-dépendant, HER2-négatifs, à un stade précoce sans ganglion, ont été suivies pendant neuf ans. Parmi ces patientes, 69% avaient un score compris entre 11 et 25, et ont reçu soit une hormonothérapie seule, soit une combinaison hormonothérapie-chimiothérapie. Les chercheurs ont ensuite comparé les taux de récidives et la survie dans les deux groupes.
Les femmes jeunes plus vulnérables
Les résultats indiquent que les femmes qui n’ont reçu que l’hormonothérapie ont une survie à neuf mois qui n’est pas différente des femmes ayant reçu en plus une chimiothérapie: 93,9% pour les premières et 93,8% pour les secondes. Les taux de récidives n’étaient pas non plus significativement différents entre les deux groupes. «Il y a une exception notable, relève le Dr Lelièvre. Une analyse par sous-groupe a en effet montré que les femmes de moins de 50 ans et avec un score entre 16 et 25, bénéficient de l’ajout d’une chimiothérapie.» L’âge est en effet un facteur important dans le risque de récidive: «Plus la patiente est jeune lorsque le cancer se déclare, plus ce risque est élevé», rappelle Loïc Lelièvre. Ces résultats devraient prochainement faire l’objet de discussions pour une mise à jour des recommandations. Mais un frein majeur à une utilisation large de ce test pourrait être son prix: 3850 CHF. «Une analyse anatomo-pathologique classique coûte 10 à 20 fois moins cher. En Suisse, pour l’heure, l’Oncotype DX© n’est pas utilisé de manière systématique. Il est remboursé depuis 2015, mais uniquement si son usage est justifié par le médecin», relève Loïc Lelièvre. Pour offrir aux patients cette médecine personnalisée que les Etats semblent appeler de leurs vœux, il faudra accepter de dépenser pas uniquement pour les traitements mais aussi pour les étapes de diagnostic (analyses génétiques, recherche de bio-marqueurs…) qui permettront ensuite de traiter de manière plus pertinente, et donc in fine moins coûteuse.
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Paru dans Planète Santé magazine N° 32 - Décembre 2018
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