Du flair pour dépister le cancer
Des chiens qui détectent le cancer? Cette nouvelle venue d'Autriche fin 2012 ne tombe pas du ciel, les médecins supputent en effet depuis vingt ans que le meilleur ami de l'homme aurait cette capacité. Pour en savoir plus, nous avons recueilli l'avis du professeur André-Pascal Sappino au Centre d'oncologie et d'hématologie de la clinique des Grangettes. Son verdict? On flaire une piste, mais le gibier est encore loin.
Premier point, ce sujet n'est pas nouveau: «Cela fait une dizaine d'années que s'accumulent ça et là des indices suggérant que l'odorat particulièrement développé des chiens pourrait être exploité pour détecter des cancers.» Tout a commencé en 1989 avec la publication par la revue scientifique Lancet de la lettre d'un médecin présentant un premier cas: un chien reniflait avec insistance un grain de beauté. Après examen, il s'agissait d'un mélanome. Depuis, des études ont été réalisées à ce sujet aux Etats-Unis, en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et au Japon, pour le cancer du poumon, de la vessie, colorectal, de la prostate, des ovaires et du sein, avec diverses races de chien.
Des composés inconnus
Généralement, on présente au chien des échantillons de souffle, d'urine ou de selles et l'on observe s'il fait la différence entre ceux de porteurs de cancer et ceux de personnes saines. Au préalable, le chien a été entraîné à reconnaître des échantillons, comme quand on dresse les chiens détecteurs de drogues ou de truffes. Pour le cancer du poumon, dans une recherche allemande parue en 2011, les chiens parvenaient à identifier correctement 71% des personnes atteintes du cancer et 93% des personnes saines, parmi 220 sujets.
«Biologiquement, il est vraisemblable que les tumeurs génèrent des composés organiques volatiles que nous n'avons pas encore formellement identifiés, explique le professeur Sappino. La cohérence entre les diverses études réalisées est suffisante pour que des chercheurs s'efforcent de déterminer quelles sont ces substances. Il faudrait ensuite préciser si, en plus de montrer la présence d'une tumeur, elles permettent de déterminer si elle est maligne.»
Truffe robotisée
«Si l’on pouvait détecter les lésions malignes, ce serait un outil extraordinaire»
Qu'y gagnerait-on? Du confort pour les patients et peut-être des diagnostics plus précoces. «Aujourd'hui, le test de choix pour le cancer colorectal, c'est la coloscopie, un examen pas exactement anodin. Si l'on pouvait détecter efficacement dans un échantillon de selles les lésions malignes et surtout prémalignes, ce serait un outil extraordinaire.»
Des entreprises y ont bien vu un marché potentiel puisqu'aux Etats-Unis notamment, elles essayent de développer un nez électronique, un appareil qui serait capable de détecter ces fameux composés volatiles que produisent les tumeurs. Pour autant, même s'il est positif sur le concept, le professeur Sappino est prudent sur l'horizon auquel nous pourrions bénéficier d'une telle technique. «Cela va prendre beaucoup de temps. Rappelez-vous qu'on n'a même pas encore identifié la ou les substances que semble reconnaître le chien. Je ne pense pas qu'on soit proche du moment où j'amènerai le mien au cabinet pour qu'il m'aide dans mes diagnostics.»
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Cancer du poumon
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 4100 nouveaux cas de cancer du poumon (carcinome bronchique), ce qui représente 10 % de toutes les maladies cancéreuses. Le cancer du poumon touche plus souvent les hommes (62 %) que les femmes (38 %). C’est le deuxième cancer le plus fréquent chez l’homme, et le troisième chez la femme. C’est aussi le plus meurtrier, avec 3100 décès par an.