L’immunothérapie, une arme contre le cancer du poumon

Dernière mise à jour 15/05/17 | Article
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De tous les cancers, celui qui touche les poumons est le plus mortel. Chaque année en Suisse, 3000 personnes y succombent. L’immunothérapie, visant à renforcer les défenses naturelles, donne à espérer.

Chaque année en Suisse, plus de trois mille personnes décèdent des suites du cancer du poumon, le plus mortel de tous les cancers. Les hommes sont les plus touchés mais, dans les pays industrialisés, leurs tumeurs sont en diminution car ils sont nombreux à avoir renoncé au tabac. En revanche, le nombre de cas augmente chez les femmes qui se sont mises à fumer il y a quelques décennies. La cigarette est en effet l’ennemie N°1 du système respiratoire.

Détection tardive

Il existe deux principaux cancers du poumon qui diffèrent de par leur vitesse d’évolution, leur pronostic et leur traitement. Le «carcinome non à petites cellules», qui est le plus fréquent (80% des cas), et le «carcinome à petites cellules». «Celui-ci est le plus rapide, le plus agressif et le plus difficile à guérir car, quand on le détecte, il y a toujours quelques cellules tumorales qui circulent déjà dans le reste de l’organisme», souligne Solange Peters, cheffe du Service d’oncologie médicale au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Quel que soit leur type, les tumeurs sont la plupart du temps détectées très tardivement. Il faut dire qu’au départ, elles ne se manifestent pas franchement. «On tousse, on peut avoir des expectorations (crachats) contenant du sang, on se sent très fatigué et on a un sentiment de faiblesse, précise Laurent Nicod, chef du Service de pneumologie du CHUV. Mais ces symptômes ne sont pas spécifiques.» Lorsqu’elle est diagnostiquée, la tumeur a donc eu le temps de grossir et de faire des métastases.

C’est ce qui explique que le taux de survie à cinq ans est globalement de 20% chez les femmes et 15% chez les hommes – «alors qu’il peut atteindre 60 à 70% si la tumeur est repérée au stade très précoce», selon le pneumologue.

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Les traitements utilisés dépendent du type de carcinome et du stade atteint par le cancer. Si la tumeur reste localisée, on l’élimine par la chirurgie ou la radiothérapie, parfois accompagnées d’une chimiothérapie. Cette technique reste la seule option aux stades les plus avancés, quand il y a des métastases.

Au cours des dernières années, l’arsenal thérapeutique s’est toutefois élargi avec l’arrivée de médicaments qui ciblent la tumeur en fonction de son profil biologique. Certaines tumeurs, principalement les carcinomes non à petites cellules, présentent une mutation génétique qui conduit à la formation d’une protéine altérée «induisant une prolifération folle des cellules, explique Solange Peters. Les traitements ciblés visent donc à "réparer" cette protéine.» Plusieurs médicaments de ce type sont actuellement disponibles en Suisse. Chez les personnes dont les tumeurs présentent la mutation visée, ils sont efficaces pendant un an à trois ans. Mais ensuite, «la tumeur trouve le moyen de recommencer à proliférer et le cancer récidive».

Les plus grands espoirs résident toutefois dans l’immunothérapie, qui a pour but d’aider nos défenses naturelles à mieux lutter contre le cancer. Notre système immunitaire possède des armes – des globules blancs, nommés lymphocytes T – capables d’éliminer les cellules tumorales. Mais si celles-ci sont trop nombreuses, il est débordé par la tâche. D’autant que la tumeur est vraiment maligne: quand un lymphocyte T entre en contact avec elle, «elle s’en défend en le "débranchant» ou en le faisant mourir», dit Solange Peters. L’immunothérapie cherche donc à l’empêcher d’agir ainsi.

Des médicaments efficaces

Plusieurs médicaments d’immunothérapie sont déjà utilisés en Suisse. Réservés aux patients – environ un sur deux – dont la tumeur possède des caractéristiques particulières, ils sont alors efficaces. «Soixante pour-cent des personnes traitées, dont la plupart avaient auparavant reçu une chimiothérapie, en tirent un bénéfice, selon l’oncologue. Chez 20% d’entre elles, la tumeur diminue de taille et chez les autres, elle cesse de grossir et se stabilise.» Etonnamment, ce sont les tumeurs qui se défendaient le mieux contre le système immunitaire et qui avaient auparavant les pronostics les plus sombres qui sont alors le plus facilement détruites. En outre, contrairement à la chimiothérapie, l’immunothérapie ne s’attaque pas aux tissus sains et entraîne très peu d’effets secondaires.

Les médecins comptent aussi beaucoup sur la thérapie cellulaire. Cette technique, encore expérimentale, consiste à prélever dans la tumeur du patient des lymphocytes T qui sont ensuite «boostés» et cultivés au laboratoire, puis réinjectés dans le sang du patient. Les oncologues du CHUV comptent lancer, en début d’automne prochain, un essai clinique pour tester l’efficacité de cette méthode. Il s’adressera d’abord aux personnes ayant un mélanome avancé puis, s’il est concluant, à celles souffrant d’un cancer du poumon.

Faut-il organiser un dépistage systématique?

Les cancers du poumon sont en général détectés trop tardivement pour être traités avec succès. Pourquoi ne pas envisager, comme on le fait pour le cancer du sein, un dépistage systématique chez les personnes à risque? La question fait débat.

L’expérience a été menée aux États-Unis sur plus de 50 000 volontaires entre 55 et 74 ans, qui fumaient depuis plus de vingt ans plus d’un paquet de cigarettes par jour. Le dépistage par scanner «a réduit considérablement la mortalité liée au cancer du poumon», constate Solange Peters, oncologue au CHUV. Le pneumologue Laurent Nicod est plus réservé. «La survie d’un certain nombre de personnes a certes été prolongée. Mais en fait, sur dix anomalies repérées au scanner, une seule s’est avérée être une tumeur.» De quoi inquiéter de nombreux individus faussement dépistés et les soumettre à des biopsies – voire à des traitements – inutiles.

Les deux médecins s’accordent toutefois pour souligner qu’avant de se lancer dans un dépistage à large échelle, de nombreux points devront être précisés. Il faudra savoir «à qui s’adressera le dépistage: aux personnes de quel âge? Fumant combien de paquets dans l’année? etc.» souligne Solange Peters. Une étude européenne dont on attend prochainement les résultats devrait clarifier ces critères. Il faudra aussi être capable «de mieux interpréter les images fournies par le scanner pour faire la part entre les simples anomalies et les «vraies» tumeurs», précise Laurent Nicod. «Ce qui ne pourra être fait que dans des centres hospitaliers ayant des équipes spécialisées dans cette tâche », ajoute sa collègue oncologue. Puis se posera la question du financement de ce dépistage qui, dit-elle, pour être utile «doit être systématique». Mieux vaut donc «activement l’étudier plus avant et attendre avant d’en faire une routine», conclut l’oncologue.

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Référence:

Paru dans Le Matin Dimanche, numéro du 7 mai 2017.

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