Mon enfant va chez le psy, est-ce grave?
Des enfants heureux, épanouis et bien dans leurs baskets. C’est sans doute le souhait de tout parent. Les conseils pour bien faire ne manquent pas, de même que les étiquettes qui épinglent les difficultés à vivre des plus jeunes. Hyperactif, avec un déficit d’attention, déprimé, anorexique, boulimique, haut potentiel, etc. C’est à se demander si l’enfant d’aujourd’hui va moins bien qu’hier. Pas forcément, répondent les experts rencontrés pour ce dossier. «Les enfants grandissent plus vite et sont exposés à ce qu’il se passe dans le monde, cela peut jouer un rôle», reconnaît toutefois la Pre Nadia Micali, nouvelle médecin-cheffe du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SPEA) des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Les connaissances actuelles permettent aussi de mieux identifier les problèmes psychiques. Et c’est une bonne chose, car «sans diagnostic, on ne peut pas soigner et recourir aux meilleurs outils thérapeutiques», souligne la Pre Micali.
Pour autant, demander l’aide d’un pédopsychiatre peut être stigmatisant ou vécu comme un échec par les parents. «Si on se casse un bras, on va chez l’orthopédiste. Cela devrait être pareil si les émotions débordent ou si l’anxiété est trop présente», commente le Dr Dante Trojan, responsable de l’Unité péri-hospitalière des HUG. Pour la Pre Micali, il ne faut pas hésiter à consulter, car «beaucoup de problèmes peuvent se résoudre et ne jamais revenir». Plus tôt on intervient, mieux on peut modifier le cours des choses.
Normal ou pas?
Mais, en tant que parent, comment savoir si ce qu’on vit avec son enfant relève d’une difficulté passagère ou d’un trouble psychique? Les spécialistes sont justement là pour distinguer le normal du pathologique et établir un diagnostic différentiel. Un doute ou une inquiétude peuvent à eux seuls justifier la demande d’un rendez-vous médical, ne serait-ce que pour y trouver de la réassurance.
Mais lorsque certains signes sont présents, il est conseillé de consulter: changements physiques ou psychologiques chez l’enfant, tristesse durable, anxiété, agressivité, idées noires, goûts et intérêts restreints, comportements addictifs ou gênants pour l’entourage, régressions, difficultés relationnelles à l’école, avec les pairs ou la famille, entre autres. Certains enfants manifestent bruyamment leur mal-être, tandis que d’autres s’isolent et s’enferment dans le silence. Parfois, c’est tout le système familial qui souffre.
Cependant, tient à rassurer le Dr Trojan, «ce n’est pas parce qu’on pousse la porte d’un pédopsychiatre (ou psychologue) que l’enfant est malade». Le pédiatre peut aussi offrir une première écoute et référer, si nécessaire, la famille à un spécialiste. Le pédopsychiatre essaiera, quant à lui, de découvrir ce qui se cache derrière le motif de consultation.
Un concentré de compétences
Véritable pôle de compétences multidisciplinaire, les HUG répondent aux problématiques courantes comme aux plus graves, avec des réponses spécifiques. Le SPEA dispose d’une Unité ambulatoire péri-hospitalière, de soins hospitaliers (avec un hôpital de jour), d’une Unité de guidance infantile pour les 0 à 5 ans, de Malatavie Unité de crise pour la prévention et le traitement du suicide, soutenue par Children Action, et d’une unité de liaison. Les urgences pédiatriques proposent une intervention pédopsychiatrique rapide dans les situations de crise aiguës (décompensation, tentative de suicide, troubles graves du comportement, alcoolisation, etc.).
Après le temps des urgences, une hospitalisation est parfois nécessaire. Celle-ci est également indiquée dans les cas de dépressions et phobies scolaires graves, de tentatives de suicide ou de troubles de désorganisation psychotiques, par exemple. Ou encore lorsqu’une situation s’aggrave, que l’environnement familial n’arrive plus à faire face, ou qu’un traitement ambulatoire ne porte pas ses fruits. En effet, comme l’explique le Dr Rémy Barbe, responsable de l’unité des HUG, «il faut parfois du temps pour comprendre les besoins de l’enfant et de sa famille et déterminer les bons outils thérapeutiques pour les aider».
Le séjour –dont la durée moyenne est de 3 à 4 semaines– permet une rencontre approfondie, de poser un diagnostic plus abouti, et d’initier le traitement qui se fera essentiellement en ambulatoire. La richesse des équipes soignantes (personnalités, spécialités, âges et sexes différents) est, de l’avis du Dr Barbe, un véritable plus dans la prise en charge: «Le jeune peut avoir une diversité d’interactions qui permettent à l’équipe d’explorer différentes facettes de son fonctionnement psychologique.»
Inclure les proches
Que ce soit en soins hospitaliers ou ambulatoires, les outils à disposition sont nombreux, «et affinés au gré des connaissances scientifiques», précise la Pre Micali. Parmi eux: les thérapies individuelles, familiales, de groupe, les médiations et les médicaments. Le jeu et le dessin sont les supports privilégiés avec le jeune enfant, pour l’aider à s’exprimer et à entrer en relation avec le thérapeute. Chez les adolescents, ce sont davantage le verbal et l’émotionnel qui servent à tisser un lien de confiance. À tout âge, les parents représentent une part active des soins: «On ne peut pas penser la prise en charge du patient sans inclure sa famille (parents, fratrie, etc.) et le reste de l’entourage relationnel», indique le Dr Trojan.
La prise en charge s’appuie par ailleurs sur les innovations thérapeutiques. La recherche en neurosciences et en génétique ouvre de nouvelles pistes de traitement et de prévention, se réjouit la Pre Micali: «La période actuelle est très intéressante pour la pédopsychiatrie car nous commençons à comprendre pourquoi certains enfants développent des troubles». L’avenir, c’est aussi la Maison de l’enfant et de l’adolescent (MEA) qui verra le jour dans cinq ans. Une structure unique dédiée aux psychopathologies de l’enfant et de l’adolescent et à la recherche. La MEA accueillera les 0 à 18 ans ainsi que la consultation Santé jeunes pour les 12 à 25 ans.
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Article repris du site pulsations.swiss