De la douceur pour nourrir les prématurés
La sphère orale, siège de fonctions vitales
Le développement des activités orales est une étape extrêmement importante dans la maturation du nouveau-né. En effet, plusieurs fonctions vitales sont directement liées à l’oralité: l’alimentation et la respiration, d’une part, et le développement du langage, d’autre part. L’exploration tactile et gustative, source de plaisir, est également fondamentale dans le développement psycho-affectif du jeune enfant.
Une coordination déficiente
Ces différentes facettes de l’oralité prennent forme au début de la vie intra-utérine. Toutefois, ce n’est qu’en fin de gestation, vers 34 semaines, que le fœtus devient capable de coordonner les activités alimentaires (succion, déglutition) et respiratoires de façon efficiente. C’est pourquoi les bébés prématurés, nés avant que cette coordination ne soit complètement développée, présentent souvent des dysfonctionnements au niveau de l’alimentation par voie orale. Les nouveau-nés atteints de certaines maladies congénitales peuvent également être sujets à de tels troubles.
Conséquences des troubles de l’oralité
La difficulté à coordonner l’acte de succion et de déglutition avec la respiration peut avoir des conséquences importantes. Elle nécessite, en première instance, que le nouveau-né soit alimenté par sonde et donc hospitalisé. De plus, elle augmente les troubles respiratoires (pause de la respiration, ralentissement du rythme cardiaque, «fausse route»). Confronté à ces sensations inconfortables, voire douloureuses, le nouveau-né peut en réaction développer un sentiment d’aversion pour tout ce qui touche la sphère orale, et perdre tout plaisir à se nourrir. Enfin, ces dysfonctionnements, qui nécessitent une prise en charge active, peuvent avoir des conséquences sur la croissance, le développement du langage et le lien parents-enfant.
Interventions simples et peu coûteuses
Face au sentiment de rejet qui peut se développer à l’égard de tout apport nutritif oral, il est extrêmement important chez le nourrisson de maintenir la sphère orale fonctionnelle en l’exposant régulièrement à une activité agréable, tout en y limitant les sources de douleur.
Plusieurs méthodes simples, identifiées récemment, semblent très prometteuses dans une telle optique. Si leur effet sur l’âge d’acquisition de l’alimentation autonome n’est pas encore significatif, elles permettent en revanche de réduire la durée moyenne de la prise en charge hospitalière et de favoriser le développement de l’oralité globale du nouveau-né.
Tout d’abord, la limitation des sensations douloureuses liées aux gestes médicaux (aspirations, pose et changement de sonde) et le recours à la succion de solutions sucrées lors de ces actes semblent améliorer le confort du nourrisson. L’introduction de la succion non nutritive, sous forme de tétine, de coton-tige ou tout autre objet semblable, s’est révélée également efficace, en habituant le nouveau-né aux mêmes mouvements buccaux nécessaires à une nutrition autonome. La stimulation de la zone orale, par exemple sous forme de massage spécialisé, accélère aussi la transition de l’alimentation par sonde à l’alimentation orale.
D’autres interventions, telles que le changement de posture pendant l’allaitement, le changement de rythme de la tétée, l’exposition récurrente à l’odeur du lait maternel ou encore l’utilisation de tétines de biberons avec régulation de flux, sont également considérées, mais doivent encore faire l’objet d’études plus approfondies.
Référence
Adapté de «Pédiatrie 1. Comment favoriser le développement de l’oralité en néonatologie?», Dr. Céline Julie Fischer et Prof. Jean-François Tolsa, Service de néonatologie, Département médico-chirurgical de pédiatrie, CHUV; Dr Céline Julie Fischer et Dr Anne Beissel, Service de réanimation néonatale et néonatologie, Hospices civils de Lyon, Hôpital Femme Mère Enfant, in Revue Médicale Suisse 2013:9:132-3, en collaboration avec les auteurs.