Le haut potentiel, fantaisie ou réalité?

Dernière mise à jour 06/12/18 | Article
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Une étude menée par une équipe de chercheurs de l’Université de Lyon montre les particularités des cerveaux des enfants à haut potentiel.

Des capacités cognitives et langagières plus élevées que la moyenne, une réflexion rapide, des questionnements profonds sur le sens des choses, une hypersensibilité, une grande empathie, un sens aigu de la justice, une forte intuition, etc. Si on devait tirer un portrait rapide des enfants à haut potentiel (HP), voilà ce qu’on dirait. Au-delà des observations cliniques, nous avons aujourd’hui encore peu de données objectives sur le sujet. Les neurosciences ont toutefois montré que les enfants HP avaient vraisemblablement une activité cérébrale plus intense, un meilleur «câblage» et une meilleure qualité de transmission de l’information, par rapport aux enfants «standards».

Lorsque les parents suspectent une intelligence plus élevée que la moyenne chez leur progéniture, on peut recourir à des échelles et tests pour objectiver les choses et poser un diagnostic. On parle de haut potentiel lorsque les tests révèlent un quotient intellectuel (QI) supérieur à 130. Environ 2 à 3% de la population serait concernée. Mais tous les enfants HP ne consultent pas. Il semblerait que ce soit davantage l’apanage de ceux qui vivent mal leur surdouance. Dans ce contexte, la démarche diagnostique s’avère d’autant plus essentielle que l’enfant se sent en inadéquation avec son environnement, voire en souffrance, à l’école, avec ses pairs ou au sein de sa famille.

Complexe ou laminaire?

Ainsi, et malgré un même diagnostic, tous les enfants HP ne se ressemblent pas: «Il y a des différences de comportement, de capacités et de personnalité importantes», analyse le professeur Dominique Sappey-Marinier, chercheur en neurosciences à la Faculté de médecine de l’Université de Lyon, dans une étude sur le sujet. Des différences sont visibles aussi bien en clinique que dans les résultats des tests de QI, notamment dans les scores obtenus aux deux index principaux, à savoir la compréhension verbale et le raisonnement perceptif. A partir de ce constat, Fanny Nusbaum, docteure en psychologie et co-auteure de l’étude, a défini deux groupes d’individus HP: les complexes et les laminaires. Chez les complexes, une différence importante apparaît entre l’index de compréhension verbale (souvent le plus élevé mais pas toujours) et l’index de raisonnement perceptif. Comment cela se traduit-il? «Par une dyssynchronie, c’est-à-dire un déséquilibre entre la sphère cognitive et émotionnelle, indique le Pr Sappey-Marinier. Alors que les laminaires ont une forte empathie et tirent un avantage de leurs fortes capacités intellectuelles, les complexes sont submergés par leur hypersensibilité.» Cette suractivité cérébrale propre à tous les enfants HP est moins bien canalisée chez les complexes. Ce déséquilibre pourrait être à l’origine des difficultés rencontrées: troubles de l’apprentissage, de l’attention, phobies scolaires, anxiété, etc.

Les preuves grâce à l’imagerie

Les chercheurs ont voulu vérifier ces hypothèses cliniques en recourant à plusieurs techniques d’imagerie par résonance magnétique (IRM). L’IRM fonctionnelle a montré que les régions cérébrales qui s’activaient n’étaient en effet pas les mêmes chez tous les individus testés, comme l’explique le spécialiste: «Nous avons pu observer une suractivité des régions pariétales, très impliquées dans les processus émotionnels et perceptifs, du cerveau des enfants HP complexes. A l’inverse, les zones impliquées dans le contrôle, l’inhibition et la rationalisation sont plus activées chez les laminaires». Aussi, l’IRM de diffusion a montré une augmentation de la connectivité cérébrale, propre aux HP, mais qui est répartie différemment entre les deux profils. Cette meilleure connectivité concerne davantage l’hémisphère gauche (responsable du langage et de l’auto-référence, soit l’analyse des événements par rapport à son système interne et ses propres références) chez les complexes et l’hémisphère droit (capacités visuo-spatiales, attentionnelles et ouverture, soit l’analyse des événements en fonction des références externes acquises par l’environnement) chez les laminaires. Pour le Pr Sappey-Marinier, ceci expliquerait pourquoi les laminaires sont davantage tournés vers l’extérieur, et à l’inverse pourquoi les complexes fonctionnent davantage en système interne et fermé: «Les complexes ont un monde interne très présent, d’une grande créativité, qui les empêche parfois d’être attentifs au monde extérieur, dont ils tiennent alors moins compte, ce qui perturbe les processus d’apprentissage».

Des résultats importants, d’une part parce qu’ils offrent une confirmation biologique des observations cliniques, et d’autre part parce qu’ils permettent enfin de mieux comprendre le fonctionnement de ces intelligences différentes.

HP un jour, HP toujours?

D’après les observations cliniques, il semble qu’être HP est une particularité que l’on conserve toute sa vie. A l’âge de 25 ans environ, le cerveau se stabilise, mais une certaine plasticité cérébrale demeure. Non seulement la neurogenèse se poursuit, mais l’organisation du cerveau évolue également. Un événement traumatique, le développement d’une capacité particulière ou un enrichissement quelconque peuvent modifier le cours des choses, mais les bases du cerveau à haut potentiel demeurent coûte que coûte. «On suppose qu’avec le temps, les HP complexes vont réussir à mieux se contrôler, permettant ainsi de réduire leurs difficultés d’adaptation et d’apprentissage», estime le Pr Sappey-Marinier.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 32 - Décembre 2018

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