Bébés secoués: un drame sans fin
(Texte: Aude Raimondi)
Des pleurs à répétition, des parents excédés et le geste de trop. Un nourrisson n’a pas une musculature aussi forte que celle d’un adulte. S’il est secoué, sa tête oscille d’avant en arrière. Ce mouvement peut avoir des conséquences dramatiques sur le bon fonctionnement du cerveau de l’enfant et même entraîner son décès.
Poser le diagnostic
Quand le cerveau bouge dans la boîte crânienne d’un bébé, les veines qui le connectent à son enveloppe subissent des lésions. Des hématomes se forment alors dans cette zone, sans compter le risque d’hémorragie au fond de l’œil (sur la rétine), lié à la forte pression dans le système veineux. Mais ces saignements sont parfois difficiles à repérer, même sur l’imagerie médicale.
En Suisse, les bébés secoués sont pris en charge dans les centres hospitaliers universitaires par des équipes spécialisées dans les cas de maltraitance des enfants. Elles ont pour rôle d’identifier et poser le diagnostic. «Quand la situation est complexe, nous ,collaborons avec des neuroradiologues, des chirurgiens pédiatres et parfois des médecins légistes, explique Sarah Depallens, pédiatre au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Cela permet d’écarter les diagnostics rares de maladies métaboliques qui pourraient expliquer des saignements».
Immense zone grise
Il existe en outre des bébés secoués qui passent sous les radars des médecins. Les symptômes ne sont parfois pas assez importants pour interpeller les parents. Pourtant, ces enfants ont des risques de développer par la suite des troubles de l’apprentissage, du comportement et des difficultés psychocognitives. «Il y a une cécité de la population à ce sujet, estime Sarah Depallens. Si c’est arrivé chez la maman de jour, par exemple, elle va avoir terriblement honte et risque de ne pas avouer. Les professionnels aussi ont tendance à être aveuglés, tant il est difficile d’imaginer une maltraitance sur un tout petit bébé».
Prévention lacunaire
Dans une grande majorité des cas, les agresseurs vivent sous le même toit que le bébé secoué. Il s’agit le plus souvent du père ou du conjoint de la mère. Lors des contrôles médicaux, les pédiatres font de la prévention en essayant, par exemple, de savoir si le bébé pleure beaucoup. Mais ce sont souvent les femmes qui amènent les enfants en consultation. Un grand nombre de pères ne bénéficient donc pas du message. Une campagne de prévention d’ampleur nationale serait sans doute bénéfique pour réduire ce type de maltraitance.