Nos enfants seront-ils bientôt tous sous Ritaline?
Le TDA-H – en bref
Les symptômes du TDA:
- problèmes d’attention et de concentration;
- difficultés à mener une tâche jusqu’au bout;
- difficultés à s’organiser;
- oublis et perte d’objets.
Le trouble du déficit de l’attention peut – ou non – s’accompagner d’une hyperactivité qui se manifeste par les symptômes suivants:
- difficultés à rester en place;
- agitation des mains, des jambes, etc.;
- impulsivité, comportement oppositionnel;
- parle beaucoup et interrompt les autres;
- difficulté à se détendre;
- grande sensibilité et difficulté à contrôler ses émotions souvent observées.
Au détour d’une conversation, vous apprenez que le fils de vos amis prend de la Ritaline©. Aujourd’hui, cette situation n’a plus rien d’exceptionnel. La prescription de ce médicament ainsi que celle des stimulants à base de méthylphénidate est en forte hausse en Suisse. Selon une étude de 2012 menée par l’Office fédéral de la santé publique, elle aurait en effet bondi de 40% entre 2005 et 2008. Au point d’en inquiéter les politiques, puisqu’au printemps dernier le Conseil national a chargé le Conseil fédéral de veiller à un meilleur encadrement de la prescription de ces substances afin d’en limiter les abus. Le méthylphénidate est utilisé pour traiter les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ce psychostimulant – qui est aussi un stupéfiant – augmente l’activité de la dopamine dans le cerveau. Il en résulte une meilleure concentration, une plus grande attention et donc une amélioration des performances, notamment dans les tâches scolaires, et parallèlement une meilleure intégration de l’enfant dans son milieu.
Sa délivrance serait-elle en train de se banaliser? Et comment expliquer ce phénomène? Le professeur Panteleimon Giannakopoulos, chef du Département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), y voit trois raisons principales: «Classiquement, la Ritaline© et les médicaments équivalents étaient prescrits chezles enfants souffrant de TDA-H. Mais le trouble est de plus en plus détecté également chez les adultes, qui peinent à fixer leur attention au travail et qui présentent des troubles du comportement comme une alternance de moments d’agressivité et d’abattement, par exemple. Son indication s’est donc élargie, le TDA-H de l’adulte étant désormais une entité reconnue avec des critères determinés dans la nouvelle version du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSMV). Par ailleurs, complète le spécialiste, cette substance est nouvellement délivrée (off label) pour potentialiser l’effet de certains antidépresseurs en apportant un léger effet stimulant».
Mais faut-il croire à une augmentation de la prévalence du TDA-H dans la population (9 % des enfants sont touchés et le trouble perdure depuis l’enfance chez 4-5 % des adultes)? Rien n’est moins sûr, répond le Dr Nader Perroud, psychiatre aux HUG: «Les chiffres ne le montrent pas. Par contre, en raison d’une forte médiatisation, le trouble est de plus en plus connu du grand public. Conséquence: confrontés à des difficultés de concentration à l’école ou à des problèmes au travail, les gens hésitent moins à consulter ». De leur côté, les psychiatres seraient de mieux en mieux formés à sa détection. Malgré tout, le spécialiste n’écarte pas une tendance au surdiagnostic pour répondre à la demande des patients. Une dérive qui est toutefois plus répandue aux Etats-Unis que chez nous.
Si le trouble est globalement mieux connu, il n’en reste pas moins que tous les médecins, qu’ils soient généralistes ou psychiatres, n’en ont encore une connaissance suffisante. Le risque est alors que le médicament soit délivré sans que le bon diagnostic ait été posé: «Malheureusement, c’est une erreur qui est encore largement commise car les effets du psychostimulant sont visibles même sur des patients sains, ce qui peut laisser croire à tort qu’on est face à un TDA-H ». Or, il est essentiel que les indications de la Ritaline© soient respectées pour assurer l’efficacité du traitement et pour contrôler ses effets secondaires, largement responsables de sa mauvaise réputation. Car ce stupéfiant stimule bien des systèmes au sein de notre corps. Les effets les plus redoutés sont les suivants: perturbations cardio-vasculaires (tachycardie), maux de tête, augmentation du niveau d’anxiété pouvant aller jusqu’à des attaques de panique, troubles de l’appétit (effet coupe-faim), nervosité voire agressivité, phénomène d’habituation du corps qui, à la longue, se fatigue à cause de cette surstimulation artificielle. Au vu de ces effets, faudrait-il préconiser des traitements moins lourds pour les enfants en déficit d’attention et hyperactifs? «On peut recourir à des médicaments non-stimulants ainsi qu’à certains antidépresseurs. Mais le méthylphénidate est un traitement de choix, d’autant plus s’il est soutenu par une psychothérapie», assure le Pr Giannakopoulos. Il permet en effet une atténuation, voire dans certains cas une disparition des symptômes.
Pour éviter une médication inappropriée ou une trop grande banalisation de ce trouble, Nader Perroud recommande de s’adresser en priorité à des médecins au bénéfice d’une spécialisation dans ce domaine.