Hyperactif, moi?
«C’est un hyperactif!» Cette façon de décrire une personne – souvent un enfant – qui ne tient pas en place et parle beaucoup, est passée dans le langage commun. Pourtant, derrière ce jugement galvaudé se cache une véritable pathologie au sens médical du terme: le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) – ou hyperactivité, qui concerne environ 3% des adultes et jusqu’à 9 % des enfants. Loin d’être anodin, il impacte toutes les sphères du quotidien: vie sociale, familiale et professionnelle. Répondant à des critères spécifiques, ce trouble peut néanmoins se traiter efficacement, à condition de bien le diagnostiquer.
Des critères bien définis
Le TDAH se traduit à la fois par des signes d’inattention et de l’hyperactivité. Différentes manifestations sont décrites, parmi lesquelles une grande difficulté à soutenir son attention, que ce soit durant une tâche professionnelle, la lecture d’un livre ou encore une réunion. Les personnes présentant un TDAH ont ainsi du mal à tenir compte des détails, à se conformer aux consignes, notamment dans les obligations professionnelles. Elles peuvent sembler ne pas écouter quand on s’adresse à elles, sont facilement distraites, ont des oublis fréquents (lorsqu’elles font les courses par exemple) et perdent souvent les objets, y compris ceux du quotidien ou nécessaires à leur travail.
Plus de divorces et moins d’études longues
Par ses caractéristiques, l’hyperactivité peut fortement impacter la vie des personnes concernées, notamment dans le domaine professionnel. En effet, ces personnes atteignent moins souvent un niveau de formation en hautes écoles que le reste de la population, parviennent plus difficilement à entrer dans la vie active, sont davantage confrontées à la perte d’emploi et sont globalement plus endettées. Le TDAH s’invite également dans leur vie personnelle, puisqu’elles sont deux fois plus susceptibles de divorcer. «Ce trouble peut également être à l’origine de problèmes comportementaux et de délinquance, souligne le Pr Nader Perroud, médecin adjoint agrégé, responsable de l’Unité du trouble de la régulation émotionnelle des HUG. À titre d’exemple, environ un détenu sur quatre souffrirait de TDAH, souvent non diagnostiqué et non traité.»
L’hyperactivité peut également se manifester par une agitation physique, avec une incapacité à tenir en place, immobile ou assis, le besoin de se lever souvent de sa chaise, d’agiter les jambes, etc. Au niveau de la communication, les personnes concernées ont tendance à parler souvent, fort et trop, mais aussi à avoir de la peine à attendre leur tour pour prendre la parole. «Chez les adultes, cela est plus mal perçu que chez les enfants. Dans le cadre professionnel, un collaborateur qui parle trop et trop fort, interrompt les autres ou est monté sur ressorts, peut être compliqué à gérer, explique le Pr Nader Perroud, médecin adjoint agrégé, responsable de l’Unité du trouble de la régulation émotionnelle des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Ces personnes vont alors souvent mettre en place des mécanismes adaptatifs pour masquer le trouble, par exemple en étant très sympas, en développant leur humour, etc.».
L’impatience, enfin, est une autre caractéristique du TDAH. Une simple file d’attente peut ainsi devenir un moment extrêmement compliqué pour les adultes qui en sont atteints. «Cette difficulté à attendre son tour peut prêter à sourire, mais entraîne parfois une mise en danger, par exemple dans des bouchons en ville où les personnes hyperactives vont changer de file, doubler imprudemment ou s’énerver au volant», ajoute le spécialiste.
Il a en effet été démontré que le risque de décès chez les personnes avec TDAH est plus élevé que dans la population générale, notamment dans les accidents de la circulation, mais aussi dans des sports à risque.
À ne pas confondre avec d’autres troubles
Posé par un psychiatre, un pédiatre ou un professionnel de santé qualifié, le diagnostic de TDAH se base sur un test neuropsychologique et un entretien clinique pour déceler la présence de symptômes spécifiques depuis au moins l’âge de 12 ans. «Face à une suspicion chez un adulte, nous pouvons être amenés à interroger la famille, à retrouver des carnets scolaires, qui sont des sources d’information précieuses pour retracer les signes déjà présents dans l’enfance et confirmer le diagnostic», explique le Pr Perroud.
Par ailleurs, il est parfois difficile de dissocier l’hyperactivité d’autres pathologies psychologiques comme une dépression, une anxiété, des abus de substances (notamment de cannabis) ou encore des apnées du sommeil, qui peuvent «mimer» les symptômes du TDAH. On estime que 80% des adultes avec TDAH sont d’ailleurs concernés par l’un de ces autres troubles.
Ça se soigne?
Chez l’adulte, le traitement du TDAH associe généralement une amélioration de l’hygiène de vie (sommeil, complémentation en fer et vitamines si nécessaire, activité sportive, etc.), une psychothérapie ou une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et des médicaments. Parmi eux, le méthylphénidate (Ritaline®) est le plus souvent délivré en première intention, y compris chez les enfants. Très efficace, il permet de calmer l’impulsivité et d’améliorer la concentration. «Il est important de proposer un accompagnement au cas par cas, selon l’impact des symptômes sur les différentes sphères de la vie de l’individu, ajoute le Pr Perroud. Mais plus on détecte et traite tôt un TDAH, plus on préviendra l’apparition de troubles associés et plus la qualité de vie s’en trouvera améliorée.»
Gare aux idées reçues
L’hyperactivité n’est pas une vraie maladie.
Faux. C’est une vraie pathologie au même titre que la dépression, la schizophrénie ou encore le trouble bipolaire. De nombreuses études neurobiologiques montrent que ce trouble résulte d’un dysfonctionnement du système exécutif, le grand «chef d’orchestre» du cerveau, qui gère la capacité à se concentrer et planifier.
L’hyperactivité concerne surtout les hommes.
Faux. Longtemps considéré comme une pathologie masculine, le TDAH concerne également les femmes. Mais ces dernières auraient tendance à intérioriser les symptômes et sont moins concernées par l’aspect hyperactif que par les difficultés d'attention. Elles ont donc été délaissées au niveau diagnostique, mais sont tout autant touchées.
L’hyperactivité est héréditaire.
Vrai. À l’instar des troubles bipolaires et de la schizophrénie, le TDAH a une forte héritabilité. Un enfant aura un risque accru de plus de 50% d’être concerné si l’un de ses parents possède un TDAH. Mais d’autres facteurs sont impliqués dans l’apparition du trouble, notamment durant la grossesse (hypertension, tabagisme, stress, etc.), un faible poids à la naissance, des carences affectives extrêmes durant l’enfance, un traumatisme crânien ou encore un déficit en ferritine.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 29/09/2024