Accompagner les enfants hyperactifs
Un article CHUV Magazine |
Au cours de leur croissance, de nombreux enfants et adolescents éprouvent des difficultés à rester tranquilles, à se concentrer, à gérer leurs émotions ou leurs stress, au point que cela inquiète leurs proches. Parfois, ces comportements deviennent si persistants qu’ils entravent l’épanouissement, l’apprentissage scolaire ainsi que les interactions avec la famille ou les amis. Le Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité et impulsivité (TDA-H), est très médiatisé, depuis une dizaine d’années. «Si les causes de ce trouble ne sont pas encore suffisamment connues, des études récentes suggèrent qu’un dysfonctionnement cérébral, associé à des facteurs génétiques et environnementaux, joue un rôle», explique le Dr Michel Bader, médecin cadre au Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SUPEA). Selon les estimations actuelles, ce syndrome affecte 5 à 7% des enfants et adolescents en âge de scolarité, en majorité les garçons.
«Dans un tiers des cas, le syndrome persiste à l’âge adulte.»
La présence et le degré des symptômes – diagnostiqués médicalement – peuvent varier sensiblement. Ainsi, dans certains cas, les problèmes d’attention sont au premier plan et l’hyperactivité et l’impulsivité ne se manifestent pas nécessairement. Il faut relever que des symptômes associés sont très souvent présents: troubles des apprentissages (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie), troubles de la coordination, troubles émotionnels de type anxieux et dépressifs, troubles du comportement, ou encore difficultés des fonctions exécutives (planification, organisation, contrôle attentionnel, cognitif et comportemental). Lorsqu’il n’est pas diagnostiqué à temps ou pris en charge par un traitement adéquat, le TDA-H peut avoir des conséquences graves pour l’enfant, telles que manque d’estime de soi, échec scolaire, difficulté à accomplir une formation professionnelle, ou un trouble des conduites qui peut entraîner un abus de substances à l’adolescence. Dans un tiers des cas, le syndrome persiste à l’âge adulte et s’accompagne de difficultés significatives dans la vie quotidienne. D’où l’importance de mettre en œuvre une prévention efficace pour dépister le TDA-H le plus précocement possible. Pour poser un diagnostic, les symptômes doivent être apparus avant l’âge de 7 ans, persister depuis plus de six mois, s’observer dans au moins deux situations différentes (par exemple, à l’école et à la maison) et entraîner une gêne significative sur le plan social, scolaire et dans les loisirs de l’enfant.
Impliquer la famille
A l’heure actuelle, la prise en charge du TDA-H vise à mettre en place un ensemble de mesures pour aider l’enfant à surmonter son handicap, développer au mieux ses capacités et s’épanouir dans sa vie affective et sociale. Après investigation, un accompagnement multidimensionnel est instauré. En plus d’un traitement médicamenteux, sous la forme d’un psychostimulant comme le méthylphenidate ou d’un nouveau médicament ayant une action différente, l’atomoxétine, plusieurs pistes d’interventions sont possibles. Pour aider l’enfant à mieux comprendre son fonctionnement, une psychothérapie de type psychodynamique, comportementale ou systémique peut être envisagée, ainsi que des approches de coaching parental ou de groupes d’enfants.
«Etant donné que les symptômes du TDA-H entraînent souvent une crise et un épuisement des parents et de la fratrie, il faut impliquer la constellation familiale dans le traitement. Des associations de parents, comme l’ASPEDAH (ndlr: Association Suisse romande des parents d’enfants avec déficit d’attention), font un travail d’écoute et de transmission d’informations formidable», se réjouit le Dr Michel Bader.
Nouvelles stratégies cognitives
Exerçant aussi une activité de chercheur au sein du SUPEA, le Dr Michel Bader a instauré un projet de recherche financée par le Fonds national suisse de la recherche sur l’impact d’un entraînement cognitif informatisé, centré sur la mémoire de travail et l’attention, en collaboration avec le Centre d’imagerie biomédicale (CIBM) et l’EPFL. Les 60 adolescents ayant pris part à la recherche ont exécuté des exercices et des jeux sur ordinateur. Au fur et à mesure des étapes, ils apprennent de nouvelles stratégies cognitives pour atteindre un seuil plus élevé de difficultés. Cette approche complémentaire pourrait favoriser la plasticité cérébrale impliquée dans les circuits cérébraux concernés. Mais cet entraînement cognitif aide aussi l’enfant à prendre confiance en lui et à trouver des solutions qui lui correspondent mieux.
En parallèle, le SUPEA souhaite mettre en place une unité spécialisée tertiaire pour réaliser des investigations pluridisciplinaires de cas complexes ayant des symptômes évocateurs d’un TDA-H. «Ce projet nous apporterait des moyens d’investigation qui nous permettraient de mieux comprendre les spécificités de chaque situation. Ainsi nous espérons être mieux en mesure de déterminer des stratégies de prise en charge, incluant les aspects cognitifs et émotionnels et pas seulement la médication, qui n’est pas la pilule miracle», conclut le prof. Olivier Halfon, chef de service du SUPEA.
Source
CHUV Magazine, Hiver 2013, http://www.chuv.ch/chuv-chuvmag-psy.pdf