VIH: en Suisse une première mondiale ouvre la voie aux greffes entre personnes séropositives
Le donneur était une personne âgée de 75 ans décédée d’une hémorragie cérébrale. Il était séropositif depuis 1989. Informé par son médecin traitant que la loi suisse autorise le don d’organes de personnes séropositives, il avait signé un consentement écrit. Le receveur avait quant à lui été diagnostiqué séropositif en 1987. Il avait été informé préalablement des risques potentiels supplémentaires encourus dans le cadre de cette greffe et avait signé un consentement éclairé.
Stratégie efficace
Pour réduire le risque que le foie transplanté ne transmette une souche virale du donneur non contrôlée, le traitement antirétroviral du receveur avait été modifié et adapté aux caractéristiques du virus du donneur après la greffe. Cette stratégie s’est avérée efficace: six mois plus tard, aucune transmission de virus n’a été détectée.
Cette première mondiale vient d’être suivie d’une greffe analogue pratiquée aux Etats-Unis. Elle ouvre des perspectives tout à fait inédites pour les personnes vivant avec le VIH. D’une part ces personnes peuvent désormais se déclarer donneurs potentiels d’organes. D’autre part, celles qui sont en attente d’un organe ont de meilleures perspectives de transplantation. Le travail suisse fait l’objet d’une publication dans l’American Journal of Transplantation du 25 avril 2016: «HIV-Positive-to-HIV-Positive Liver Transplantation»1.
Remarquable loi suisse
Il faut ici savoir que la transplantation d’organes provenant de donneurs séronégatifs vers des receveurs séropositifs vis-à-vis du VIH est pratiquée avec succès dans de nombreux pays, dont la Suisse. En revanche le don d’organe de personnes séropositives est interdit dans la plupart des pays par crainte de la transmission du virus du donneur au receveur.
«La loi suisse est remarquable dans le sens qu’elle autorise, depuis 2007, la transplantation d’organes de donneurs séropositifs, tout en la restreignant aux receveurs également séropositifs (Ordonnance de la loi fédérale sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules – 810.211). Cette situation lève une discrimination et suscite d’importants espoirs parmi les personnes touchées par le virus du sida», précise-t-on à Genève.
Bonne nouvelle
Bénéficiant de ce cadre légal unique, les HUG ont été le premier hôpital au monde à réaliser une greffe du foie entre un donneur et un receveur séropositifs pour le VIH en octobre 2015.
De notables incertitudes demeuraient quant au fait de savoir si la greffe allait transmettre une nouvelle souche du virus VIH plus difficilement traitable – ou encore si l’organe serait rejeté. Les six mois de recul montrent que le foie greffé n’a pas fait l’objet de rejet, et qu’il n’y a pas eu de perte du contrôle virologique chez le receveur. C’est là une bonne nouvelle pour tous les candidats à la greffe, comme l’expliquent les HUG: «Cette première mondiale ouvre d’importantes perspectives pour les personnes en attente de greffe. Cela permettra d’augmenter l’accès à la greffe des personnes séropositives en liste d’attente pour une transplantation d’organe. Dans le contexte bien connu de la pénurie globale de dons d’organes, les patients séronégatifs en liste d’attente bénéficieront également indirectement de cette percée, puisque toute greffe entre patients séropositifs va automatiquement diminuer le nombre total de patients en attente d’organe.»
Un espoir pour de nombreuses personnes. «Grâce aux progrès réalisés dans le traitement de l’infection VIH, notamment par les trithérapies, la plupart des patients séropositifs [vivant en Suisse] n’ont plus de virus détectable dans le sang. Par contre on estime qu’environ 15% des décès de personnes séropositives sont liés à des maladies du foie.»
Augmentation du pool des donneurs
En Suisse, à ce jour, seules quatorze personnes séropositives ont pu bénéficier d’une greffe de foie (de donneurs séronégatifs). Bien que certaines études aient suggéré une augmentation du risque de rejet lors de transplantations à des receveurs séropositifs, la mortalité chez les receveurs n’est pas augmentée comparée aux personnes greffées séronégatives.
Aux Etats-Unis, on estime que la levée de l’interdiction des transplantations entre personnes VIH pourrait augmenter le pool de donneurs potentiels de cinq cents patients par an. Pour les spécialistes suisses, «la possibilité pour les personnes séropositives de manifester leur accord par la signature d’une carte de donneur et, cas échéant, de donner leurs organes, contribuera à diminuer la stigmatisation, malheureusement encore trop présente, liée à l’infection VIH».
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1. Cette première mondiale a été rendue possible grâce au travail conjoint et pluridisciplinaire d’une équipe formée notamment de la Pre Alexandra Calmy – médecin adjointe agrégée, responsable de l’unité VIH –, du Pr Thierry Berney – médecin chef du service de transplantation–, du Pr Christian van Delden –médecin adjoint agrégé, responsable de l’unité d’infectiologie de transplantation–, et du Pr Emiliano Giostra –spécialiste des maladies du foie et suppléant du chef de service de transplantation. Une vidéo est disponible ici: https://www.youtube.com/watch?v=JaUt9_PHBcU
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