Sida: premier cas de rémission chez une femme née avec le VIH
C’est une règle non écrite: une conférence mondiale sur le sida se doit d’être marquée par une information spectaculaire. Celle qui vient de s’ouvrir à Vancouver («IAS 2015») l’aura été avec une annonce française –une annonce dont l’écho médiatique apparaîtra peut-être un peu disproportionné à nombre de spécialistes. Il s’agit d’une forme de présentation de cas. Soit celui d’une jeune fille âgée de 18 ans infectée par le VIH pendant la grossesse de sa mère. Elle est aujourd’hui «en rémission» –après avoir été sous traitement antirétroviral jusqu’à l’âge de 6 ans, un traitement stoppé par la suite. Ce cas mondial (présenté comme une «première mondiale») montre «qu’une rémission prolongée après un traitement précoce peut être obtenue chez un enfant infecté par le VIH depuis la naissance», a expliqué le Dr Asier Sáez-Cirión, de l’Institut Pasteur de Paris1 –dossier également géré par des spécialistes de l’Inserm et de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP).
«Perdue de vue»
L’enfant née en 1996 avait été «infectée en fin de grossesse ou à l’accouchement alors que sa mère avait une charge virale non contrôlée». Elle «a été immédiatement traitée par l’antirétroviral zidovudine pendant six semaines et diagnostiquée porteuse du VIH un mois après sa naissance». Deux mois plus tard, et suite à l’arrêt programmé du traitement prophylactique, elle présentait une charge virale très élevée, conduisant à la mise en route d’un traitement associant quatre antirétroviraux pendant les six premières années de sa vie, a mentionné le Dr Sáez-Cirión. Elle a ensuite été «perdue de vue» par le corps médical et «sa famille a décidé d’interrompre la prise des antirétroviraux». Revue un an plus tard, la petite fille avait une charge virale indétectable et il a été alors décidé de ne pas reprendre le traitement antirétroviral.
Maintenant âgée d’un peu plus de 18 ans, la jeune femme présente toujours une charge virale indétectable sans avoir jamais repris d’antirétroviraux. «La jeune femme ne présente aucun des facteurs génétiques connus pour être associés à un contrôle naturel de l’infection», souligne le Dr Asier Sáez-Cirión. Il assure que «c’est le fait d’avoir reçu très tôt après sa contamination une combinaison d’antirétroviraux qui lui permet d’être en rémission virologique depuis aussi longtemps».
On détient là, selon lui, «la preuve du concept qu’une rémission à long terme est, comme chez l’adulte, possible chez l’enfant». Si ce cas «est un fait clinique majeur qui ouvre de nouvelles perspectives de recherche», «cette rémission ne doit toutefois pas être assimilée à une guérison», a souligné (suri-Télé et dans Libération de demain) le Pr Jean-François Delfraissy. «Cette jeune femme reste infectée par le VIH et il est impossible de prédire l’évolution de son état de santé», a-t-il ajouté. Une information reprise par la BBC.
Le concept de rémission à long terme après la prise d’antirétroviraux souligne l’importance d’un traitement précoce pour contrôler l’infection par le VIH. Il avait déjà été mis en évidence et développé par l’étude ANRS Visconti publiée en 2013.
Raison d’espérer
La conférence 2015 de Vancouver aura (aussi et surtout) été marquée par l’annonce (faite par le Dr Meg Doherty) que l’OMS publiera de nouvelles recommandations avant la fin de l’année, préconisant un placement sous antirétroviraux (ARV) des patients infectés par le virus du VIH dès le diagnostic. Dès l’ouverture de la conférence, des chercheurs ont également appelé à ce changement radical de la prise en charge des patients VIH. «Un traitement immédiat aux antirétroviraux fait plus que doubler les chances d’une personne de rester en vie et en bonne santé», selon un texte signé par les chercheurs, qui indiquent que de nouveaux résultats, présentés au cours de la conférence, montrent qu’il est possible d’abaisser de 95% le taux de transmission du VIH. Il y a quelques semaines les premiers résultats de la vaste étude internationale START (Strategic Timing of Antiretroviral Treatment) – avait montré que les personnes traitées immédiatement, quel que soit leur taux de CD4, avaient 53% moins de risques de décéder ou de développer des maladies liées à l’infection.
Peu avant la naissance de la jeune femme dont le cas vient d’être présenté à Vancouver, une autre conférence internationale était, outre-Atlantique, marquée par les premières publications concernant l’efficacité des premières associations de trois médicaments antirétroviraux. Dix-huit ans déjà, dix-huit ans seulement. On peut voir là, tout bien pesé, de solides raisons d’espérer.
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1 Voir ici les informations diffusées par l’Institut Pasteur.
Du nouveau pour contrer le VIH
Agir contre les inégalités sociales de santé
VIH: stop aux idées reçues
Retour sur les 40 ans de la découverte du VIH
VIH: Des "cellules-réservoirs" stimulent continuellement le système immunitaire
Il y a 40 ans, des scientifiques de l'Institut Pasteur à Paris découvraient le VIH
VIH-Sida
Le sida est dû au VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Il se transmet par contact direct avec du sang contaminé, lors de relations sexuelles ou directement de la mère à l'enfant.