Des cas de guérison du sida suscitent l’espoir
De quoi on parle?
Quatre acteurs américains de la «Porn Valley», à San Fernando, en Californie, ont récemment annoncé leur séropositivité. Les tournages ont été interrompus, le temps que les autres acteurs soient testés. L’industrie pornographique reste largement opposée à l’utilisation du préservatif sur les plateaux.
Sur Twitter, un acteur s’est dit soulagé que sa contamination ait été découverte rapidement, car cette détection précoce va lui permettre de lutter efficacement contre la maladie à l’aide de médicaments.
Les traitements se sont en effet nettement améliorés et confèrent aujourd’hui une qualité de vie correcte aux patients, tout en prévenant la transmission de la maladie. Mais pourra-t-on aller plus loin et guérir tout à fait du sida? Des annonces récentes le laissent penser. Elles suggèrent que certaines personnes contaminées sont capables de contrôler leur maladie sans avoir recours à des médicaments. Ces cas, pour l’heure isolés, pourraient inspirer de nouvelles thérapies.
L’arrivée en 1996 des premiers traitements du sida par trithérapie antirétrovirale a constitué une «révolution thérapeutique», selon le Dr Alexandra Calmy, responsable de la consultation des maladies infectieuses et VIH/Sida aux Hôpitaux universitaires de Genève. «Ces médicaments ont fait baisser de 80% la mortalité des personnes contaminées et peuvent maintenant être pris en un seul comprimé par jour, avec moins d’effets secondaires que par le passé», indique-t-elle. Les antirétroviraux jouent aussi un rôle déterminant dans la lutte contre l’épidémie: on sait en effet depuis la fin des années 2000 que les personnes séropositives correctement traitées peuvent avoir des relations sexuelles non protégées sans risquer de contaminer leur partenaire.
Réservoirs de virus
Si efficaces que soient les trithérapies, elles ne permettent cependant pas d’éradiquer totalement le VIH: dès que les patients arrêtent de prendre leurs médicaments, le virus refait surface. «C’est parce qu’il demeure à l’état latent dans des cellules infectées que nous appelons des réservoirs, à partir desquelles il peut être réactivé», explique Erwann Loret, responsable du laboratoire de recherche sur le VIH à la faculté de pharmacie de l’Université française Aix-Marseille.
Dans ces conditions, une guérison complète du sida semble difficile à envisager. Et pourtant, c’est ce qui est arrivé à Timothy Brown, également connu sous le nom de «patient de Berlin». Testé positif au VIH en 1995, cet Américain n’a plus montré de signe d’infection depuis 2007. C’est qu’entre-temps, il a été atteint d’une leucémie, et a dû subir une greffe de moelle osseuse. Or le donneur de moelle possédait une particularité génétique rare, présente dans moins de 1% de la population, qui le rendait naturellement résistant au VIH. Suite à sa greffe, Timothy Brown a donc été soigné non seulement de sa leucémie, mais aussi du sida.
Moins d'un malade sur trois est traité
Chiffres
D’après l’Onusida, l’organisme de l’ONU dédié à la lutte contre le sida, quelque 34millions de personnes dans le monde vivaient avec le virus du sida fin 2011. La couverture thérapeutique de la maladie a fortement progressé au cours de la dernière décennie: alors que seules 300 000 personnes étaient sous traitement il y a dix ans, elles sont aujourd’hui près de 10 millions. Cet été, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a édicté de nouvelles recommandations, qui visent à traiter les séropositifs plus tôt qu’actuellement, avant que leurs défenses immunitaires ne soient trop altérées. Ce changement de stratégie signifie que 26 millions de personnes dans le monde devraient recevoir des médicaments, contre 17 millions selon les critères précédemment retenus. D’après l’OMS, cette nouvelle approche permettrait d’éviter 3 millions de décès et 3,5 millions de nouvelles infections d’ici à 2025.
Bébé guéri
«Cette approche ne peut pas être envisagée comme traitement de routine contre le VIH, car la greffe de moelle est une opération très lourde, mais le cas est intéressant du point de vue de la recherche», estime Alexandra Calmy. Certains scientifiques imaginent en effet rendre les cellules des malades insensibles au virus du sida, en y introduisant une copie du gène de résistance à la maladie. Cette thérapie génique est en cours d’évaluation.
En mars dernier, des médecins américains ont annoncé une autre «guérison» du sida: celle d’une petite fille contaminée à la naissance par sa mère, qui n’était pas soignée. Le bébé a reçu des antirétroviraux quelques heures seulement après sa naissance, puis pendant dix-huit mois, avant que les médecins perdent sa trace. Lorsqu’ils l’ont retrouvé, quelques mois plus tard, le virus n’était plus détectable dans son sang, ce qui laisse entendre que le traitement précoce reçu par l’enfant lui a permis de maîtriser la maladie.
Vivre sans traitement
Chez les adultes aussi, être rapidement mis sous traitement pourrait avoir des avantages. Ainsi, les quatorze patients de l’étude française «Visconti», qui ont reçu des antirétroviraux quelques semaines après leur contamination et ensuite pendant trois ans, vivent désormais sans médicaments, pour certains depuis plus de sept ans. Les spécialistes estiment ainsi que chez les personnes traitées précocement, une sur dix environ pourrait se passer d’antirétroviraux au bout de quelques années. Toute la difficulté étant de savoir quand arrêter les médicaments, et chez qui. Pour Alexandra Calmy, le message est de toute façon clair: «Faites-vous dépister! Agir tôt est essentiel, car cela permet en tout cas d’éviter de tomber malade et de transmettre le virus.»
Reste que si l’on souhaite guérir un jour toutes les personnes séropositives, de nouvelles approches thérapeutiques devront être mises au point. L’une d’entre elles consisterait à rendre les cellules réservoirs visibles par le système immunitaire, afin qu’il les purge du VIH. Ce type de traitement avancé ne devrait cependant pas être disponible avant plusieurs années.
Pas de vaccin efficace à ce jour
Recherche
Trente ans après la découverte du VIH et malgré la forte mobilisation de la recherche, il n’existe toujours pas de vaccin efficace contre le sida. Le principe classique de la vaccination, qui consiste à stimuler le système immunitaire pour qu’il apprenne à reconnaître un virus et à bloquer son entrée dans les cellules, ne semble pas bien fonctionner dans le cas du VIH. Ainsi, le vaccin le plus prometteur de ce type, testé par l’armée américaine sur 16 000 hommes en Thaïlande, n’offre une protection que de 30% environ contre le sida. D’autres approches vaccinales ont vu le jour, dont certaines visent à apprendre aux cellules immunitaires à se débarrasser des cellules infectées qui servent de réservoirs au virus. Dans ce cas, le vaccin est dit thérapeutique et non préventif, puisqu’il est administré alors que l’infection a déjà eu lieu. «La vaccination thérapeutique semble appropriée contre le sida car il s’agit d’une maladie à développement lent, qui n’apparaît que plusieurs années après la contamination», estime Erwann Loret. Le chercheur français teste lui-même actuellement une nouvelle stratégie vaccinale qui consiste à neutraliser la protéine TAT, sécrétée par les cellules infectées et qui les protège des défenses immunitaires (voir infographie).
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VIH-Sida
Le sida est dû au VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Il se transmet par contact direct avec du sang contaminé, lors de relations sexuelles ou directement de la mère à l'enfant.