Faut-il faire un dépistage précoce de la scoliose chez l’enfant?
C’est une vidéo de moins d’une minute, réalisée par la Fondation Yves Cotrel pour la recherche en pathologie rachidienne*. On y voit une plage, le bord de la mer. Un couple de parents sèche ses rejetons, tout juste sortis de l’eau. Ils en profitent pour vérifier leurs colonnes: les enfants se penchent en avant jambes tendues, mains entre les genoux. Un regard rasant sur leur dos révèle clairement chez la fillette une bosse, causée par une asymétrie costale, c’est une scoliose. Alors que la colonne vertébrale de son frère présente une courbure régulière, tout est normal. Autre test, l’enfant est observé de dos, pieds joints, bras ballants. Si un triangle, une «lucarne», est visible entre l’un des bras et le torse, c’est également le signe d’une scoliose. Il faut consulter, rapidement.
La vérification est vraiment simple, elle est d’ailleurs faite de routine chez le pédiatre. Mais en quoi est-ce si important de détecter précocement cette affection? «Parce que les scolioses dont on ne connaît pas la cause, dites idiopathiques (ndlr. lire l’encadré), et qui sont les plus fréquentes, se développent sournoisement. Elles apparaissent chez des enfants parfaitement sains par ailleurs. Et s’aggravent pendant la croissance dans environ deux cas pour mille», explique Pierre Lascombes, médecin-chef du Service d’orthopédie pédiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
La scoliose est une déformation tridimensionnelle de la colonne vertébrale, due à la torsion d’une ou de plusieurs vertèbres, qui fait pivoter tout le thorax. Il en résulte une gibbosité, une bosse, qui est formée par les côtes.
Le dépistage et les soins prodigués viseront à essayer d’empêcher l’évolution de la déformation. D’où la nécessité d’une surveillance régulière.
La précocité de la maladie est un indice de gravité de la scoliose, puisque la déformation peut empirer pendant toute la période de croissance.
Radiographies en nombre
Une fois la maladie diagnostiquée, il faudra procéder à une radiographie permettant différentes mesures. L’enfant devra être revu quatre à six mois plus tard pour un examen comparatif afin de déterminer si la scoliose est évolutive. Il sera ainsi soumis à de nombreuses radiographies tout au long de sa croissance. Il importe donc de parvenir à limiter l’exposition des enfants aux rayons. Les HUG utilisent ainsi un système d’imagerie en trois dimensions à faible émission de rayonnements (EOS imaging). Ce qui représente un progrès notable.
«Nous avons également un projet de recherche, mené par Romain Dayer, médecin adjoint dans mon service, qui permettrait d’éviter toute irradiation. Il s’agirait de faire à intervalles réguliers des photos tridimensionnelles. Cela nous donnerait une sorte de carte de géographie du dos de l’enfant qui nous permettrait de suivre l’évolution de la gibbosité», s’enthousiasme Pierre Lascombes.
Enrayer l’évolution
Une fois la scoliose diagnostiquée, il faut l’empêcher de se développer. On pense en premier lieu à des méthodes non invasives, comme la physiothérapie. Malheureusement cela ne suffit pas. La physiothérapie permet de bien muscler la colonne vertébrale, d’améliorer sa mobilité, son équilibre, mais elle n’empêche pas l’aggravation de la scoliose.
«Seul le port d’un corset jour et nuit, soit plus de 18 heures par jour en l’enlevant juste pour le sport et la toilette, permet dans 70 à 80% des cas d’empêcher l’aggravation de la déformation», commente Pierre Lascombes.
Un traitement qui paraît d’un autre âge, mais qui fonctionne plutôt bien pourvu que l’enfant l’accepte. Le corset doit appuyer sur la gibbosité pour l’empêcher de se développer. Il ne doit pas causer de douleur.
Si la scoliose est très grave, il faut recourir à la chirurgie. Dans la majorité des cas, ces opérations ont lieu vers la fin de l’adolescence. Au détriment de la taille future de l’enfant?
Pas vraiment, estime le chirurgien. «Une vertèbre grandit au maximum d’un millimètre par an, explique-t-il. Si l’on opère dix vertèbres, on empêchera une croissance d’un centimètre par an, ce qui fera trois centimètres de perdus sur trois ans. Mais le fait de redresser la colonne lui fera gagner deux à trois centimètres, si bien qu’au final, il n’y aura pas de changement dans la taille définitive.»
Dans le cas d’un jeune enfant, on procède différemment puisqu’il a encore une longue période de croissance devant lui. On recourt à des tiges métalliques de croissance, il faut alors réopérer régulièrement pour les rallonger.
Heureusement, un tout nouveau système permet de rallonger ces tiges sans opérer, grâce à un système électromagnétique. Ce système étant activé par un aimant extérieur posé sur la peau.
Ce qui change tout pour un enfant qui autrement aurait été opéré de nombreuses fois.
Scoliose ou posture scoliotique?
Il existe deux types de scolioses:
- Les scolioses dites idiopathiques, un terme savant pour dire que les médecins n’en connaissent pas la cause, pour l’instant du moins. Un facteur héréditaire a néanmoins été mis en évidence. Cette catégorie de scoliose touche beaucoup plus souvent les filles que les garçons. Ce sont les scolioses les plus fréquentes, elles représentent 75% de tous les cas. Et touchent environ 2% de la population. Dans 10% de ces cas, la scoliose est évolutive, c’est-à-dire qu’elle évolue avec la croissance, ce qui n’est pas prédictible. Raison pour laquelle il est extrêmement important de surveiller de près tout cas de scoliose. Par ailleurs les scolioses idiopathiques ne sont pas douloureuses.
- Les scolioses secondaires, 25% des cas, sont dues à une autre pathologie. Comme des malformations de vertèbres ou de la moelle épinière, des maladies neurologiques ou neuromusculaires, voire même des tumeurs ou encore des infections de la colonne vertébrale. Il ne faut pas confondre ces vraies scolioses avec les attitudes scoliotiques.
L’attitude scoliotique, c’est typiquement l’enfant qui se tient mal, mais qui peut se redresser, il n’a pas de rotation vertébrale. L’attitude scoliotique peut aussi être due à une inégalité de longueur des membres inférieurs ou un problème au niveau du bassin. Ces problèmes corrigés, la «scoliose» disparaît. L’attitude scoliotique n’évolue jamais en scoliose.