Scoliose: dépister tôt, pour mieux traiter
Parents, soyez attentifs
Il est recommandé de consulter un médecin de premier recours, un pédiatre ou un orthopédiste pédiatrique pour réaliser un dépistage si vous constatez:
- Une asymétrie des épaules
- Une asymétrie des plis de la taille
- Une asymétrie du dos lorsque l’enfant se penche en avant
- Et/ou si des cas de scoliose sont présents dans la famille
C’est totalement par hasard que les parents de Nina ont découvert que leur fille, alors âgée de 12 ans, était atteinte d’une scoliose. «Suite à un tassement de vertèbres après une chute sur la tête en jouant, notre fille a subi de nombreux examens radiologiques et IRM, raconte Charlotte, sa maman. C’est en traitant cette fracture de compression que la physiothérapeute a découvert, de manière fortuite, une scoliose préexistante.»
Après de nouveaux examens, le verdict tombe: Nina est atteinte d’une scoliose dite idiopathique, c’est-à-dire sans cause connue. «C’est le type le plus fréquent de scoliose, à distinguer des formes plus rares de scolioses neuromusculaires, congénitales ou liées à un syndrome connu comme une maladie génétique», explique le Dr Romain Dayer, médecin adjoint agrégé, responsable de l'unité Orthopédie et traumatologie pédiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève. Une déformation qui se développe sournoisement, sans entraîner de gêne particulière chez l’enfant, et peut donc facilement passer inaperçue.
Dépistage systématique
Survenant le plus souvent lors de la croissance, les scolioses idiopathiques concernent en effet environ huit filles pour un garçon. Dès l’âge de 10 ans, lorsque la puberté commence à s’installer, les premiers signes de la maladie peuvent être visibles. Dans 20 % des cas, elle apparaît dès 3 ans. D’où l’importance de procéder à un dépistage systématique chez le pédiatre ou le médecin généraliste dès le plus jeune âge, afin de détecter un début de déformation. «Historiquement, il existait un dépistage scolaire, qui a malheureusement été supprimé en Suisse romande», regrette le Dr Dayer. Aujourd’hui, le dépistage primaire relève donc des pédiatres ou des médecins de premier recours qui, lors du contrôle annuel de l’enfant, observent son dos et l’adressent à un spécialiste en cas de suspicion. «Parfois, il arrive qu’une scoliose soit passée inaperçue auprès du pédiatre et le dépistage est effectué plus tard par un physiothérapeute ou un ostéopathe, lors d’un bilan général», ajoute Romain Dayer.
Lors du suivi de leur enfant, en particulier des filles et/ou si des cas de scolioses sont présents dans la famille, les parents sont invités à être vigilants et à solliciter ce dépistage auprès de leur médecin. L’examen clinique est simple et rapide: l’enfant se penche en avant, jambes tendues, mains posées sur les genoux, ce qui permet au médecin d’observer la symétrie ou non de la colonne vertébrale. «On peut utiliser un scoliomètre, sorte de petit niveau à bulle, qui donne une indication du degré de la courbure», explique le spécialiste. Si la courbe est minime (inférieure à 4 degrés), le médecin poursuit le suivi pour vérifier que la scoliose ne progresse pas, ce qui est souvent le cas. À partir de 4 à 5 degrés de déviation, le diagnostic et l’ampleur de la scoliose pourront être confirmés par des investigations plus poussées dans un centre d’orthopédie pédiatrique qui procédera à des imageries (radiographies basses doses), et proposera un traitement adéquat.
Le corset pour éviter la chirurgie
Après évaluation du patient par l’orthopédiste pédiatre, selon l’importance de la courbe et l’âge de l’enfant, plusieurs orientations peuvent être prises. Le plus souvent, la situation est à bas risque évolutif. Un suivi pour surveiller la progression de la scoliose suffira alors. Si la situation présente un risque évolutif important, un traitement conservateur par corset correcteur est mis en place jusqu’à la fin de la croissance. «Je le portais entre 15 à 18 heures par jour et ne l’enlevais que pour me laver ou faire du sport. Le plus contraignant, c’était au niveau de l’habillage car il faut le mettre sous les vêtements, et il tient chaud! La nuit, c’était un peu compliqué au début, mais je me suis vite habituée, raconte Nina, très consciente de l’importance du dispositif. J’étais très sérieuse car je savais que l’enjeu était d’éviter lune opération.»
En effet, à condition d’être proposé tôt et de bénéficier d’une bonne adhésion du patient, le corset permet dans 90 % des situations d’éviter le recours à la chirurgie. Ce fut le cas pour Nina, dont la scoliose s’est considérablement réduite après 1 an d’utilisation du corset.
Dans de rares cas, la scoliose est très sévère d’emblée et une intervention chirurgicale s’avère alors nécessaire (lire encadré).
Chirurgie: des techniques qui évoluent
La spondylodèse est le traitement chirurgical standard en cas de courbe sévère (supérieure à 40 degrés chez les adolescents en croissance, ou 45 degrés chez les adultes). Il s’agit d’une fusion vertébrale qui consiste à fixer les vertèbres par voie postérieure, grâce à des implants, afin de maintenir un bon alignement de la colonne. Depuis une dizaine d’années, cette technique a évolué pour être moins invasive et améliorer le confort postopératoire du patient. Seules trois petites incisions de 3 à 4 centimètres réalisées dans le dos sont nécessaires, ce qui présente un intérêt cosmétique mais aussi musculaire en limitant l’altération des muscles et les pertes sanguines. Ce traitement chirurgical présente un taux de correction moyen de 60 à 70 % pour le réalignement de la colonne.
Depuis peu, une autre intervention chirurgicale, sans fusion, est également utilisée chez certains patients qui n’ont pas terminé leur croissance. Elle consiste à diminuer partiellement la scoliose en installant une bride par voie thoracique, laissant le reste de la correction s’effectuer au fil de la croissance. Pour le Dr Romain Dayer, médecin adjoint agrégé, responsable de l'Unité d’orthopédie et traumatologie pédiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève, tout l’enjeu est donc de dépister tôt les formes qui progressent. Avec comme idée globale de pouvoir éviter une situation trop sévère. «La chirurgie représente un coût important pour le système de santé mais aussi pour l’individu en termes de risques lors de l’intervention et de complications postopératoires.»
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Paru dans Le Matin Dimanche le 06/02/2022