Survivre à son rôle de proche aidant

Dernière mise à jour 04/11/20 | Questions/Réponses
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Pas facile de devenir proche aidant. Voici quelques pistes pour relever ce défi émotionnellement lourd.

Souvent, la vie n’est pas tendre. Parfois, elle bascule. Lorsque la maladie frappe, qu’un handicap survient, ou que l’état de santé se dégrade en raison de l’âge, une aide peut devenir indispensable pour que la vie à domicile reste possible. En tant que conjoint, parent, enfant, ami, voisin, etc. on peut, d’un jour à l’autre, devenir proche aidant. Comment investir ce rôle sans se perdre soi-même? Mercedes Pône, responsable du programme vaudois des proches aidants au Département de la santé et de l’action sociale et Martine Golay Ramel, présidente de l’Association Proche aidant Genève et auteur d’un livre sur le sujet, ont répondu à nos questions.

Qu’est-ce qu’être proche aidant?

C’est le fait d’apporter une aide régulière à une personne de son entourage atteinte dans sa santé et dans son autonomie. Ce soutien précieux permet au proche aidé de rester à domicile et d’être intégré dans la société. Sans cette aide, la vie à la maison est compromise. Être proche aidant est rarement un choix. C’est un rôle supplémentaire que l’on doit concilier avec sa vie familiale, professionnelle, etc. C’est une aide que l’on déploie naturellement, par sens du devoir ou par loyauté, raison pour laquelle de nombreux proches aidants ne se reconnaissent pas comme tel et minimisent l’ampleur de la tâche. C’est une réalité aux multiples visages: l’aide au conjoint atteint de la maladie d’Alzheimer, à son enfant souffrant de handicap, d’une maladie grave comme un cancer, d’une maladie psychique, à son parent, à son voisin vieillissant, voire même à son père ou à sa mère alors qu’on est mineur, etc. 

Quelles sont les difficultés de ce rôle?

«Il y a une diversité des situations et des besoins qui dépendent beaucoup de la pathologie», précise Mercedes Pône. Être proche aidant est un investissement important en termes de temps, d’abord. Il y a une multitude de tâches à accomplir qui exigent de nombreuses compétences: les courses, le ménage, la préparation des repas, les tâches administratives, la gestion des finances, les soins à la personne, les rendez-vous médicaux, etc. Cela demande beaucoup d’organisation, de responsabilité et de réactivité face à l’imprévu. Il faut concilier les différentes sphères de sa vie, ménager les autres membres de sa famille, sans s’oublier. Sur le plan émotionnel, c’est souvent difficile. «Être proche aidant s’ajoute à une histoire relationnelle, celle que l’on avait avec l’aidé avant que la relation d’aide s’installe», note Martine Golay Ramel.

Quels sont les signes d’épuisement?

Fatigue, baisse de moral, irritabilité, impatience, sensibilité à fleur de peau, troubles du sommeil, perte d’appétit, etc. sont les signes que le proche aidant atteint ses limites. «Celui-ci se heurte souvent à un manque de reconnaissance du travail effectué et à beaucoup d’exigence de la part de l’aidé», commente Martine Golay Ramel. Le corps s’épuise tandis que la relation à l’autre devient plus tendue. «Si on ne fait rien, c’est la porte ouverte à des négligences et à de la maltraitance, bien malgré soi», alerte Mercedes Pône. En parler est le premier pas pour s’en sortir. Pour cela, il ne faut pas hésiter à s’adresser aux professionnels impliqués dans la situation, qu’il s’agisse du médecin traitant, de l’infirmière de liaison, des aides à domicile, etc. Malgré la diversité des situations, ces problématiques sont bien connues des professionnels. «Il y a souvent un déclic qui doit se faire chez le proche aidant pour qu’il reconnaisse sa propre souffrance», observe Mercedes Pône. Pourtant, plus on réagit tôt, mieux c’est.

Comment se faire aider?

«Rester enfermé n’apporte rien de bon», poursuit-elle. Il faut sortir du silence. Chaque canton* dispose d’une ligne téléphonique gratuite, avec un professionnel de la santé ou du travail social au bout du fil. Toutes les questions, qu’elles soient d’ordre financier, organisationnel (besoin de répit, etc.), émotionnel, relationnel, peuvent être abordées. «Nous aidons les proches aidants à faire le point et à comprendre leurs besoins. Nous les aiguillons vers les aides existantes pour une réponse à la carte».

Comment soutenir un proche aidant?

Il est important d’ouvrir un espace de parole et de faire part de ses observations, mais en toute bienveillance. Il est fréquent que la personne qui est dans le faire ne partage pas son vécu et se ferme. Au-delà des aides financières possibles (rente d’impotence pour l’aidé), il existe des consultations psychologiques pour les proches aidants. Accompagner un proche dont l’état de santé ne s’améliore pas peut engendrer beaucoup de souffrance et de culpabilité. «Chacun a un chemin à faire pour dépasser ce qui peut s’apparenter à une torture morale», note Mercedes Pône. Les associations de proches aidants aussi sont des lieux d’échange. Enfin, il existe des ateliers spécifiques pour les proches aidants: on y apprend à demander et à recevoir de l’aide, à préciser ses besoins, à faire confiance aux professionnels, etc.

Quel sens donner à ce vécu?

En plus des multiples compétences que l’on acquière, il peut y avoir certaine satisfaction à aider l’autre. «Mais il faut garder la juste distance», prévient Martine Golay Ramel. Un tel investissement exige beaucoup d’humilité et de persévérance, «l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, si bien que l’accompagnement peut durer vingt à trente ans, souligne-t-elle. Malheureusement, nous devons encore lutter pour faire reconnaître leur importance et les économies sur le système de santé réalisées grâce à eux», conclut-elle.

En chiffres

  • Près de 20% de la population suisse fait preuve de solidarité envers un proche au moins 1 fois par semaine
  • 1,4 millions des 15 ans et plus sont concernés par cette problématique, selon l’Enquête suisse sur la santé (2017)
  • Dans le canton de Vaud, 63% des proches aidants sont actifs professionnellement
  • Selon le dernier « Age Report » (François Höpflinger, Valérie Hugentobler et Dario Spini, publié aux Éditions Seismo, 2019), 80 % des aidants sont d’un état de stress et de tension élevé. Ces derniers sont en moins bonne santé que la population normale et présentent un taux de mortalité plus élevé.

* Les cantons de Vaud et Genève délivrent une carte d’urgence proches aidants qui permet de déclencher un système d’aide auprès de l’aidé en cas d’urgence personnelle.

  • Plus d’informations sur www.journee-proches-aidants.ch/
  • Les proches aidants, Martine Golay Ramel, éditions Jouvence, 2011.

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Paru dans L’Illustré le 02/09/2020.

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