S’équiper pour rester libre chez soi
Ce n’est qu’un seuil entre le salon et la véranda de la villa. Il s’enjambe aisément, sans même y penser. Pourtant, pour Pierre, atteint de sclérose en plaques, ce seuil est un obstacle: si l’on se déplace comme lui avec un déambulateur, franchir ces dix centimètres est malaisé. Marches à gravir, portes trop étroites et autres salles de bains inadaptées, une maison ou un appartement posent bien des défis à une personne à la mobilité réduite par l’âge ou la maladie. Il existe heureusement des parades: dans le cas du seuil, on installera une petite rampe. Visite à Genève d’un foyer qui s’adapte.
Ce matin, une spécialiste rend visite au sexagénaire. Nathalie Stump travaille comme ergothérapeute à l’Institution genevoise de maintien à domicile (imad). Avec Pierre et son épouse, elle fait le tour des adaptations déjà installées et montre la nouveauté du jour, un élément qui surélève les WC et leur adjoint des accoudoirs. Le but du dispositif est double: pouvoir se relever plus facilement puisque le mouvement part de plus haut, et disposer d’un point stable auquel s’appuyer ou se retenir. Une adaptation simple qui peut vraiment changer la vie de tous les jours, explique l’ergothérapeute.
Nous poursuivons vers la chambre et la salle de bains attenante. La porte et la cloison qui les séparaient ont été démontées pour que Pierre puisse passer avec son déambulateur de l’une à l’autre. Aménagement important, la cabine de douche a été élargie et adaptée pour qu’il soit possible de s’y asseoir. Pierre peut donc se doucher seul. De même, plusieurs poignées ont été posées au mur. Des garde-fous bien utiles dans une pièce où le risque de chute est très élevé (notamment à cause du sol mouillé).
«Un logement inadapté peut emprisonner quelqu’un », résume Nathalie Stump. En effet, plutôt que de devoir affronter des marches devant leur immeuble ou un ascenseur inadapté, certaines personnes renoncent à sortir et restent chez elles. D’où la nécessité de services d’ergothérapie comme ceux que fournissent l’imad et d’autres acteurs. En général, ce sont les médecins traitants qui suggèrent de s’y adresser (un remboursement est d’ailleurs possible si la consultation a été ainsi prescrite).
Les problèmes constatés dans les logements par l’ergothérapeute sont souvent similaires: «Des obstacles au déplacement, des sanitaires inadaptés, un lit devenu difficile à atteindre». Parfois, ils sont plus spécifiques si la vision est touchée ou si la personne connaît des tremblements. Mais dans tous les cas, «la mission est de rendre la personne le plus autonome possible dans son propre milieu».
Pour aider la personne à conserver son autonomie, l’ergothérapeute conjugue haute technologie et bricolage astucieux. Comme ces «rehausse-canapés», des cubes en bois qui les surélèvent de dix centimètres, permettant de s’en lever et de s’y asseoir beaucoup plus facilement. Pierre et sa femme ont également fait installer il y a un an un monte-escaliers. Des travaux lourds et chers (plusieurs dizaines de milliers de francs): il a fallu ouvrir la cage d’escalier qui conduit au sous-sol. Quant au rail qui soutient la plate-forme sur laquelle Pierre s’installe pour monter, il est fabriqué sur mesure pour cet escalier: «A moins que l’escalier ne soit tout droit, c’est inévitable, explique Mme Stump. L’angle de courbure n’est jamais pareil. » Un équipement qui « devenait urgent », raconte Pierre, la chambre et la salle de bains étant à l’étage.
La visite touche à sa fin; les adaptations ne guériront pas Pierre mais, effectivement, elles lui redonnent de l’autonomie chez lui. Avant de franchir la porte principale, nous montons deux marches et devons en descendre deux autres pour gagner l’allée. Somme nulle. Une petite rampe a heureusement été installée dernièrement; mais l’architecte de la villa, même absent, a dû nous entendre soupirer.