Certaines pilules multiplient par six le risque de thrombose

Dernière mise à jour 06/02/13 | Article
Certaines pilules multiplient par six le risque de thrombose
Les contraceptifs de 3e et 4e générations sont mis en cause. Explications.

De quoi on parle?

Les faits
L’assurance maladie suisse CSS réclame plusieurs centaines de milliers de francs à la firme pharmaceutique allemande Bayer, qui fabrique la fameuse pilule Yasmin®. Elle invoque les coûts importants liés au traitement des victimes présumées du contraceptif hormonal.
Le bilan

En attendant l’épilogue de ce volet juridique, plus d’une dizaine de plaintes, qui visent quatorze pilules différentes, ont été déposées fin janvier par des patientes.

Les pilules de 3e et 4e générations n’ont pas fini de faire parler d’elles. Tandis que le fabricant Bayer fait face à la plainte de l’assureur CSS, le ministère français de la Santé mettra fin en mars prochain à leur remboursement par la Sécurité sociale. Pendant ce temps, les témoignages de femmes dont la santé a été mise en danger par ces contraceptifs se multiplient.

Méliane®, Yasmine®, Yaz® et les autres contraceptifs de 3e et 4e générations sont accusés d’augmenter sensiblement le risque de thrombose (formation d’un caillot de sang dans une veine ou une artère, qui bloque la circulation sanguine) chez leurs utilisatrices. Dans la population générale, trois à quatre femmes en âge de procréer sur dix mille sont victimes de thrombose chaque année. «Selon les études les plus récentes, ce faible risque est multiplié par six avec une pilule de 3e ou 4e génération et par trois avec une pilule de 2e génération à base de lévonorgestrel», détaille le Dr Olivier Julen, responsable de la contraception à la maternité des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Modification de la coagulation sanguine

Mais quelle en est la cause? Le professeur Philippe de Moerloose, spécialiste en angiologie et hémostase aux HUG, nous répond: «C’est lié d’une part à la dose d’œstrogènes et, d’autre part, au type de progestatif utilisé.» Les œstrogènes et les progestatifs sont des hormones féminines qui bloquent l’ovulation. Les progestatifs, par ailleurs, modifient la muqueuse utérine et la glaire cervicale, empêchant ainsi le passage des spermatozoïdes. «Mais, poursuit le spécialiste, les œstrogènes synthétiques modifient aussi la coagulation du sang et facilitent la formation de caillots. Un des rôles des progestatifs est d’atténuer ces effets coagulants. Or les progestatifs utilisés dans les pilules de 3e et 4e générations (le désogestrel et le gestodène notamment) sont, sur ce point, moins efficaces que ne l’est le lévonorgestrel, le progestatif phare de 2e génération. L’utilisation de ces nouveaux progestatifs peut donc favoriser les thromboses. Toutes les veines ou les artères du corps peuvent être touchées, même si cela survient le plus souvent dans les membres inférieurs. Le caillot fait barrage et empêche le sang de retourner vers le cœur, ce qui occasionne une vive douleur et un œdème.»

Mais le problème le plus redouté, c’est l’accident thromboembolique. Autrement dit, la migration d’une partie du caillot (l’embole) dans la circulation sanguine, puis l’effet de bouchon qu’il provoque en arrivant dans les petits vaisseaux d’un organe. Bien que rares, même chez les femmes qui prennent la pilule, ces accidents ont des conséquences potentiellement graves. Le cas de Marion, cette Française de 25 ans aujourd’hui handicapée suite à un accident vasculaire cérébral (AVC) survenu alors qu’elle prenait la pilule, en témoigne. En effet, lorsque le caillot atteint le cœur ou le cerveau, les parties de l’organe qui se situent en aval du bouchon subissent de graves dommages (infarctus du myocarde, AVC, décès ou séquelles comme l’hémiplégie ou la tétraplégie, l’aphasie, etc.) «Mais, précise Philippe de Moerloose, les thromboses artérielles sous pilule sont moins fréquentes que les thromboses d’origine veineuse, hormis chez les fumeuses de plus de 35 ans.» Lorsque le caillot est logé dans une veine, le premier organe qu’il rencontre s’il se détache est le poumon. Il provoque alors une embolie pulmonaire. A ce stade, il est essentiel de poser le diagnostic au plus vite et d’entamer un traitement pour éviter d’autres problèmes (nécrose d’une partie du poumon, hypertension pulmonaire, syndrome post-thrombotique avec ulcère cutané, voire décès).

Quelle que soit sa génération, cependant, la pilule combinée est un facteur de risque des maladies thromboemboliques parmi d’autres. Or il faut surtout se méfier de son association avec d’autres facteurs. Ainsi, en présence d’une prédisposition génétique (anomalie de la coagulation sanguine), d’antécédents familiaux de thrombose, de facteurs de risque cardiovasculaires (tabagisme, hypertension artérielle, diabète), d’un excès pondéral, d’une immobilisation prolongée lors d’un voyage, d’une chirurgie ou d’un traumatisme, la plus grande prudence s’impose. Quand il y a le moindre doute, le gynécologue doit orienter sa patiente vers d’autres moyens de contraception.

Plus de risques pendant la grossesse

Les femmes doivent-elles jeter leur plaquette de pilules à la poubelle? «Surtout pas, répond le Dr Olivier Julen. La contraception permet d’éviter la survenue de grossesses non planifiées ainsi que les difficultés qui en découlent. Le risque thromboembolique veineux est bien plus important durant la grossesse et le post-partum (environ plus de 30 à 40 cas pour 10000 femmes enceintes par an). De plus, le risque de thrombose veineuse est surtout majoré durant les premiers mois d’utilisation. Toutefois, poursuit le gynécologue genevois, les pilules de 3e et 4e générations devraient être réservées en cas d’effets indésirables mineurs mal tolérés sous contraception orale de 2e génération ou en cas d’indications spécifiques bien identifiées (acné modérée persistante, rétention d’eau par exemple). Aussi, conclut-il, comme avec n’importe quel médicament, le risque zéro n’existe pas. Toute prescription médicamenteuse doit être précédée d’une information personnalisée et faire l’objet d’un suivi thérapeutique adéquat.»

Circulation sanguine normale

 

Reconnaître un accident thrombo-embolique

Symptômes

En présence de l’un des signes décrits ci-dessous, il est impératif de téléphoner sans attendre à son médecin traitant.

  • Une douleur vive et soudaine au niveau de la cuisse et/ou du mollet. Elle est due à la pression exercée par la stagnation du sang dans la veine.
  • Un gonflement au niveau de la jambe ou du mollet.
  • Une rougeur, une sensation de chaleur, une dilatation des vaisseaux sanguins, le plus souvent dans les membres inférieurs.
  • Des douleurs brutales dans la poitrine, associées à une difficulté respiratoire et à une forte angoisse, symptomatiques d’une embolie pulmonaire.
  • Une toux sèche, des sueurs froides, une coloration bleuâtre des lèvres, de la peau et des ongles peuvent accompagner les douleurs thoraciques.
  • Des maux de tête sévères et inhabituels ne cédant pas aux antidouleurs.
  • Des troubles visuels soudains.

Quelles sont les alternatives

Choix

Quelles alternatives contraceptives s’offrent aux femmes présentant un risque élevé de thrombose? «Une contraception hormonale à base de progestatif seul, comme la pilule microdosée, répond le Dr Olivier Julen, responsable de la contraception à la maternité des HUG. L’implant, un bâtonnet inséré sous la peau qui diffuse en continu un progestatif, le dispositif intra-utérin (DIU) ou stérilet hormonal, l’injection trimestrielle sont des solutions hormonales de plus longue durée. » A cela, il faut ajouter les méthodes non hormonales telles que le stérilet au cuivre et le préservatif, ce dernier étant le seul à protéger des infections sexuellement transmissibles. Quant aux méthodes naturelles (prise de la température, abstinence périodique, etc.),«elles ne sont pas recommandées en première intention car leur taux d’échec est élevé. Ces moyens contraceptifs ne sont donc pas une alternative  chez les sujets à risques et les jeunes femmes. Enfin, en matière de contraception, le choix final appartient à la patiente, qui le fera en fonction de ses besoins, de ses représentations et de ses moyens», conclut le spécialiste. 

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