Le foie, usine de production et station d’épuration
Vrai/faux: La «crise de foie» est une maladie du foie
Faux: Lorsqu’on a trop mangé, surtout si l’on a abusé de matières grasses, on ressent parfois un inconfort digestif associé généralement à des vomissements et des maux de tête. C’est ce qu’on appelle familièrement une «crise de foie». Cette expression, typique de la langue française, est en fait erronée. Ces symptômes n’ont rien à voir avec le foie. Ils peuvent être dus à une simple difficulté à digérer les graisses ou encore à la présence d’un calcul dans le canal drainant la vésicule biliaire.
Logé dans la partie supérieure droite de l’abdomen, le foie, composé de deux lobes, est l’organe le plus volumineux de l’organisme. Il a la particularité d’être fortement vascularisé. Dans les autres organes du corps humain, le sang arrive par une artère et repart par une veine. «Le foie est le seul à être alimenté non seulement par une artère (l’artère hépatique) mais aussi par une veine (la veine porte), qui reçoit à elle seule 80% du sang venant du tube digestif», précise Pierre Deltenre, médecin adjoint au service de gastro-entérologie et d’hépatologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). En outre, il est doté de trois autres veines qui assurent le retour du sang vers le cœur.
Très polyvalent, cet organe est «une sorte d’usine», souligne le gastro-entérologue. Il sert en effet d’unité de fabrication, puisque c’est lui qui synthétise la bile (sécrétion qui permet la digestion et l’assimilation des graisses), ainsi que diverses protéines sanguines, comme l’albumine (qui véhicule notamment des hormones et des acides gras).
Vrai/faux: Le «régime hépatique» protège le foie
Faux: Il n’existe «aucun aliment toxique pour le foie, à quelques exceptions comme certains champignons», précise Pierre Deltenre, gastro-entérologue au CHUV. Parler de «régime pour le foie» n’a donc aucun sens. Pour préserver son foie, les seules bonnes mesures sont de limiter la consommation d’alcool et de mener une vie saine pour éviter l’obésité et les autres facteurs qui favorisent le développement d’une stéatose. En revanche, le café protège de certaines maladies hépatiques.
Une fonction immunitaire
Il fait par ailleurs office de station d’épuration. Comme l’explique le médecin du CHUV, «tout ce qui n’est pas absorbé par le système digestif arrive, via la veine porte, dans le foie». Celui-ci «métabolise» certaines substances, notamment l’alcool, des drogues, des médicaments. Ce qui signifie qu’il les transforme en produits non toxiques éliminés ensuite dans l’urine et les selles. En outre, il a une fonction immunitaire puisqu’il bloque et dégrade les microbes qui parviennent à traverser la barrière intestinale.
Le foie a toutefois du mal à se débarrasser des virus de l’hépatite, qui s’attaquent directement à ses cellules. Selon les virus en cause, les hépatites peuvent prendre plusieurs formes qualifiées par des lettres. Les plus courantes sont les hépatites A, B et C. Viennent ensuite les hépatites D et E, mais cette dernière «est en train de devenir épidémique», selon Pierre Deltenre.
A l’exception de l’hépatite A et de la plupart des cas d’hépatite E, ces pathologies provoquent une inflammation qui peut devenir chronique. On dispose toutefois de traitements –et d’un vaccin– contre les formes A et B et, depuis un an, de médicaments contre l’hépatite C. Ces traitements récents sont «très efficaces, commente le spécialiste du CHUV, puisqu’ils permettent de guérir la maladie dans 95% des cas». Ils ont toutefois l’inconvénient d’être extrêmement coûteux. Il faut compter entre 60 000 et 120 000 francs selon la durée du traitement (qui varie de trois à six mois) si l’on n’utilise qu’un seul médicament, sachant que parfois «il faut en employer un deuxième, presque aussi cher que le premier».
Gare aux excès de poids
Parmi les autres pathologies affectant le foie figurent les stéatoses dues à l’accumulation de graisses dans les cellules hépatiques. Certaines d’entre elles sont provoquées par une consommation excessive d’alcool qui, en Suisse, précise Pierre Deltenre, est «la principale cause des maladies du foie» (stéatoses, mais aussi cirrhoses et cancers du foie). L’abus de boisson peut également conduire à une hépatite alcoolique aiguë, responsable d’un «important taux de mortalité à court terme».
Comme son nom l’indique, la stéatose dite «non alcoolique» affecte des personnes qui ne boivent pas ou très peu mais présentent un excès pondéral, ainsi que d’autres facteurs de risques tels que le diabète, l’hypertension, l’excès de triglycérides et une insuffisance de «bon» cholestérol. Ce syndrome métabolique est en pleine expansion, en raison de l’épidémie d’obésité qui sévit partout dans le monde, en premier lieu aux Etats-Unis, et peut même être considéré comme une «maladie émergente», selon le gastro-entérologue.
Qu’elles soient dues à un virus, à l’alcool ou à un trouble du métabolisme, les pathologies du foie agissent comme un «incendie de forêt, explique Pierre Deltenre. De la même manière que le feu laisse derrière lui des sols brûlés, l’inflammation crée une cicatrice sur l’organe.» Lorsque la cicatrisation est importante, elle finit par se développer de manière autonome, ce qui se traduit par une cirrhose.
Cette maladie se manifeste par de nombreux symptômes, comme des saignements de l’œsophage. Non seulement elle peut être mortelle, mais en plus elle «fait le lit du cancer du foie», conclut le médecin. Quand la cirrhose s’est installée, elle est donc irréversible et on ne dispose d’aucun médicament spécifique pour y faire face. La seule solution est d’en traiter la cause en se débarrassant de l’infection virale, en cessant de boire ou en modifiant son alimentation afin de, quand c’est possible, limiter les dérèglements du métabolisme.
Obésité
L’obésité est une maladie qui augmente le risque de survenue d’autres maladies et réduit l’espérance et la qualité de vie. Les patients atteints de cette accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle nécessitent une prise en charge individualisée et à long terme, diététique et comportementale.
Cancer du foie
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 780 nouveaux cas de cancer du foie (carcinome hépatocellulaire), ce qui représente environ 2 % de toutes les maladies cancéreuses. Le cancer du foie touche plus souvent les hommes (75 %) que les femmes (25 %). Il survient principalement chez des personnes d’un certain âge : 45 % des patients ont entre 50 et 69 ans au moment du diagnostic, 45 % ont 70 ans et plus.
Hépatite C
Les hépatites virales sont des maladies inflammatoires du foie causées par différents virus, dont les virus de l’hépatite A, B, C, D ou E