L’eczéma, la maladie de peau la plus fréquente chez les tout-petits
Tous les petits n’ont pas une «peau de bébé» telle que l’expression familière veut bien le laisser entendre. Il est fréquent en effet qu’ils soient sujets à la dermatite atopique, la maladie de peau la plus fréquente chez les plus jeunes. Si elle touche 10 à 15% de la population générale, elle survient le plus souvent durant la petite enfance.
Derrière les genoux, dans les creux des coudes ou dans les plis du cou, la peau s’assèche, elle est rouge, parfois suintante. De petits boutons et vésicules apparaissent, qui peuvent laisser place à des papules et des nodules. Et puis, les démangeaisons, avec parfois des saignements. «A terme, la structure de la peau se modifie. Elle devient plus sèche et moins souple», explique le Pr Wolf-Henning Boehncke, médecin-chef du service de dermatologie et vénéréologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Les chiffres
Dans 85% des cas, la dermatite atopique débute avant l’âge de 5 ans. Elle touche 20% des enfants de moins de 7 ans et environ 15% des 7 à 15 ans. Généralement, au fil des années, ces problèmes cutanés diminuent progressivement, avec une amélioration plus nette après la puberté.
Eczéma et allergie
Généralement, les problèmes d’eczéma se stabilisent à l’âge adulte. Toutefois, les enfants dits «atopiques» ont un risque accru de développer tout un spectre de symptômes pouvant atteindre la peau ainsi que les sphères ORL ou pulmonaire. Concrètement, ils sont davantage exposés aux allergies alimentaires, à l’asthme, aux conjonctivites ou rhinites d’origine allergique (rhume des foins).
De nouveaux traitements
Pour la minorité de patients résistant aux traitements locaux conventionnels, et chez qui les épisodes d’eczéma sont très rapprochés, de nouvelles perspectives thérapeutiques existent. Des traitements dits biologiques, qui ont pour but d’éviter les cascades inflammatoires, arrivent sur le marché. S’ils sont en attente d’accréditation en Suisse, ces thérapies sont en revanche déjà utilisées aux Etats-Unis. De nouvelles molécules, plus spécifiques sur les mécanismes d’action de la réponse inflammatoire, sont également en cours d’évaluation.
Protéine en défaut
La composante familiale joue un grand rôle dans la survenue de ce type d’eczéma. Une prédisposition génétique et immunologique en est à l’origine. Un déficit en filaggrine, une protéine chargée d’assurer l’imperméabilité de la peau, rend cette dernière plus poreuse. Résultat: la peau est plus sèche et plus réactive. Elle est plus vulnérable au passage d’allergènes et de micro-organismes (lire plus loin).
L’eczéma peut s’améliorer avec l’âge, mais il reste une maladie chronique qui nécessite une prise en charge quotidienne pour éviter les poussées inflammatoires. «L’éducation thérapeutique est centrale dans cette maladie. Il s’agit d’expliquer au patient et/ou à sa famille ses mécanismes et les gestes importants qui permettent de la contrôler», explique Julie Di Lucca, cheffe de clinique au département de dermatologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
Le traitement de base consiste en l’application d’une crème hydratante chaque jour pour lutter contre l’assèchement de la peau, après la douche de préférence. «Une douche (plutôt qu’un bain) ni trop longue ni trop chaude. Pour la toilette, favoriser les produits sans savon et se limiter aux zones qui se salissent, plutôt que de se savonner tout le corps», conseille la doctoresse. L’objectif de ces mesures est d’espacer le plus possible les crises et d’améliorer ainsi la qualité de vie, et d’éviter en particulier les démangeaisons qui peuvent gêner le sommeil. Lors des phases aiguës de la maladie, les médecins prescrivent des traitements locaux. Mais ces crèmes à base de corticoïdes suscitent la méfiance des patients (ou de leurs parents), qui craignent les effets secondaires. Pour la Dresse Di Lucca, «ces traitements ne sont pas problématiques s’ils sont bien conduits. Aussi, résume-t-elle, il est important, pour être gagnant vis-à-vis de la maladie, de taper fort et court, plutôt que faible et long».
Et le stress dans tout ça?
On s’interroge aussi beaucoup sur les facteurs qui favorisent les crises. «On sait que la peau eczémateuse est plus sensible aux agressions extérieures (humidité, transpiration, pollution, acariens, etc.)», affirme le Pr Boehncke. La question du stress est quant à elle délicate. «Aucune étude ne prouve ce lien chez l’homme, mais on s’y intéresse de plus en plus», déclare la Dre Di Lucca. Le Pr Boehncke, de son côté, explique que le stress, physique (UV, maladie, etc.) ou psychologique, active le système immunitaire et favorise indirectement les réactions inflammatoires à l’œuvre dans l’eczéma. «En clinique, on observe effectivement un lien avec la survenue d’infections ou de maladies de la petite enfance», reconnaît la Dre Di Lucca. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les maladies de la peau ont un impact important sur le bien-être et la qualité de vie et qu’en soi elles peuvent générer un stress qui, s’il est négligé, ne fera qu’empirer les choses. Pour cette raison, «il est capital, de l’avis du Pr Boehncke, de considérer le patient dans sa globalité, avec son ressenti, et de ne pas le réduire à sa peau».
L’eczéma de contact
A côté de la dermatite atopique, il existe d’autres types d’eczéma. Parmi eux, il y a l’eczéma de contact. Les réactions cutanées (rougeurs, démangeaisons, brûlures, vésicules, etc.) sont dues ici à un allergène. Ces allergènes peuvent être des agents conservateurs, des agents parfumeurs, des colorants ou des métaux (nickel), par exemple. On les retrouve ainsi dans de nombreux objets ou produits courants tels que les cosmétiques, les shampoings, les teintures capillaires, les produits de nettoyage, les textiles, les matériaux de construction ou les bijoux. Un eczéma de contact allergique peut apparaître quelques jours après le premier contact avec l’allergène déclencheur. Mais il se peut aussi que les symptômes apparaissent à la suite d’expositions répétées durant plusieurs semaines ou mois. Généralement, les symptômes disparaissent si on évite l’allergène, ce qui n’est pas toujours simple. Enfin, il se peut aussi que les personnes souffrant de dermatite atopique développent, comme conséquence de leur maladie, un eczéma d’origine allergique.
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Paru dans le Quotidien de La Côte le 27/09/2017.
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Dermatite atopique
Une peau sèche avec des plaques rouges, parfois suintantes, sur une ou plusieurs zones du corps, qui s’accompagne par de fortes démangeaisons. La dermatite atopique, plus connue sous le nom d’eczéma atopique, est une affection fréquente de la peau. En raison de l’inconfort qu’elle entraîne et de son impact sur l’image de soi, elle peut être vécue comme invalidante par ceux qui en souffrent. Environ 60% des patients développent la maladie au cours de leur première année de vie et 90% dans les cinq premières années. Si les symptômes ont tendance à s’atténuer, voire à disparaître avec l’âge, dans 10 à 30% des cas, ils persistent à l’âge adulte.