Changement d’optique
EXPERTS
Entre de bonnes mains
Arrivé à 8 heures, il repartira le matin même avec un nouveau cristallin. Gilbert* a 76 ans et se fait aujourd’hui opérer de la cataracte à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne. Après un enregistrement à l’accueil, on l’a accompagné au bloc opératoire. Nous le rencontrons à l’Hôpital de jour où il attend son opération après les premiers préparatifs (la pose de gouttes et d’une coque de protection).
Si Gilbert* redoute l’intervention, il n’en laisse rien transpirer. Il se sait entre de bonnes mains, celles de la Doctoresse Abou Zeid qui a réalisé près de deux mille interventions de ce type. Et surtout, il était déjà là il y a deux semaines. Quand il s’est fait opérer la cataracte de l’œil droit.
* Prénom fictif
«Percevoir totalement»
Le gauche est au menu ce matin: le chirurgien va ouvrir son œil, en ôter le cristallin devenu opaque (ce qui trouble la vision) et le remplacer par une lentille artificielle. On s’interroge: voit-on le scalpel arriver devant ses yeux? Non, par contre «on voit des choses, pas comme un kaléidoscope… disons de l’art abstrait. Et il y a ce son dans votre crâne, comme la polisseuse d’un dentiste après un détartrage.» Voit-il mieux de l’oeil déjà opéré? «Plus net, moins jaune, plus bleu.» Le retraité concède une seule crainte avec un sourire: qu’on doive refaire l’opération si nous manquons nos photos!
C’est un examen de routine qui a amené Gilbert* à prendre la décision de se faire opérer. Tous les deux ans, sa vue doit être contrôlée pour pouvoir continuer à conduire. De plus, il consulte tous les ans son ophtalmologue. En août, celui-ci l’a averti qu’il faudrait à terme opérer sa cataracte. Ni une ni deux, l’amateur d’art (Rothko, Pollock et Matisse) a pris contact avec Jules-Gonin. «Il faut percevoir totalement».
* Prénom fictif
Programme cadencé
Avant de le retrouver pour l’intervention, nous faisons le tour des quatre blocs opératoires avec Britta Hüdepohl, infirmière cheffe de service. Stérilisation, réserve d’instruments, couloir variés et vue sur le lac.
Nous nous arrêtons pour détailler le programme opératoire. La cadence est importante, selon qu’il s’agisse d’injections contre la dégénérescence maculaire, de chirurgie de la cataracte ou de la myopie. En ce début de matinée, deux feuilles s’y ajoutent pour décrire les urgences. Il y en a habituellement cinq par jour au total.
Check list
Gilbert* a rejoint l’antichambre du bloc où il est placé sur une table d’opération mobile. Après un temps d’attente, il y rentre. Il est salué par la Doctoresse Abou Zeid qui vient de terminer une autre intervention. L’anesthésiste vérifie quelques points avec le patient. Gilbert* sera conscient, l’anesthésie n’est que locale. L’équipe se compose de quatre personnes: le chirurgien, l’anesthésiste, un infirmier instrumentiste et une aide-infirmière. S’adressant à ses collègues, le chirurgien reprend à haute voix les caractéristiques de l’opération à venir. Après désinfection, un champ opératoire vient couvrir le corps de Gilbert et ne laisse apparaître que son œil.
* Prénom fictif
Opérer au microscope
Lumière, moteur, action! L’éclairage de la salle est abaissé, remplacé par le halo puissant du microscope dans lequel regarde le chirurgien pour opérer. «Cette position demande une grande concentration, expliquera-t-elle ensuite. Imaginez, je regarde vers le haut alors que mes mains sont tournées vers le bas et doivent faire des mouvements vraiment très précis.»
Une toute petite incision de la cornée est faite sans toucher l’iris. Un matériel visqueux y est injecté pour maintenir le tonus de l’œil. Place à l’attaque du cristallin.
Avant de remplacer cette lentille naturelle par un substitut artificiel, il convient en effet de l’ôter. Cela ne peut se faire qu’après l’avoir coupée en quatre puis «dissous» à l’aide d’ultrasons (le fameux bruit de dentiste). Les gestes de la Doctoresse Abou Zeid sont tout à la fois précis et déterminés. Dans 199 cas sur 200, l’opération se déroule parfaitement, relate-t-elle. Et dans nonante-neuf sur cent, le résultat est très satisfaisant au bout du compte.
Un pliage qui raccourcit
La lentille est prête à être insérée dans l’œil. Particularité, elle est enroulée sur elle-même dans un injecteur. C’est cette technique qui permet de rendre l’opération beaucoup plus rapide et moins invasive. En effet, insérer la lentille «pliée» nécessite une incision beaucoup plus petite que si elle était à plat.
Jusque dans les années 1970, il fallait une heure d’opération et une semaine d’hospitalisation pour un remplacement du cristallin. Aujourd’hui, il s’agit d’une vingtaine de minutes à peine pour une intervention ambulatoire. Le prochain progrès (dont bénéficiera très bientôt l’hôpital) consistera à réaliser les incisions et d’autres étapes délicates avec un laser (le même que celui utilisé pour la chirurgie de la myopie). La précision accrue du rayon réduira à zéro le léger astigmatisme que crée nécessairement le geste du chirurgien quand il incise la cornée, ouvre la capsule du cristallin ou le fragmente.
La lentille se déplie, elle est bien placée, les incisions de la cornée sont étanches. L’opération est finie, elle aura duré moins d’un quart d’heure.
«Mais oui, je vous vois bien!»
Après une petite collation et un temps de repos, Gilbert* sort de l’hôpital une heure plus tard, tout à fait alerte. Nous voit-il net? «Mais oui, à travers la coque je vous vois très bien», sourit-il. Il appelle un taxi pour venir le chercher; effectivement, la coque de plastique qui enserre son œil gauche est la seule trace visible de son opération.
*Prénom fictif
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Cataracte
La cataracte est très fréquente. C’est la principale cause de cécité dans le monde.
C’est une maladie du cristallin (une lentille transparente à l’intérieur de l’œil) qui conduit à une dégradation progressive de la vision.