«Enlever ce voile posé devant mes yeux»

Dernière mise à jour 17/10/12 | Article
«Enlever ce voile posé devant mes yeux»
Comment vit-on une chirurgie des yeux? «CHUV | Magazine» a suivi Myrta Ritz, l’une des 5’000 patients opérés chaque année à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin de Lausanne.
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Myrta Ritz, 72 ans, est assise dans la salle d’attente du bloc opératoire de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, vêtue de la tenue de papier verte qu’elle a enfilée quelques minutes plus tôt. Tout à l’heure, on viendra la chercher pour son opération de la cataracte. Elle est entrée à l’hôpital à dix heures et demie, et pourra repartir en tout début d’après-midi, avec un œil «tout neuf».

Des opérations comme celle que Myrta Ritz va subir, les chirurgiens de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin en pratiquent plus de 1’500 par année. Il s’agit de l'intervention de l’œil la plus couramment pratiquée en Suisse: le passage sur la table d’opération est très rapide (moins de vingt minutes), et ne nécessite pas de narcose complète.

L’opération de la cataracte est la chirurgie de l’œil la plus couramment pratiquée en Suisse

«J’ai déjà été opérée de l’œil droit (ndlr: on n’opère qu’un œil à la fois, en commençant toujours par celui qui voit le moins bien), et je n’ai pas eu mal du tout, confie Myrta Ritz. J’avais beau être consciente, je n’arrivais pas à voir ce que les médecins faisaient: l’autre œil était recouvert, et je ne percevais que des formes très floues, comme des toiles abstraites qui passaient devant mes yeux. Je dois avouer que j’ai trouvé le spectacle très beau!»

Une «incurable» optimiste

«Enlever ce voile posé devant mes yeux»

Myrta Ritz se prépare calmement à son opération. Cet après-midi, elle se réveillera avec un œil «tout neuf».

Confiance et optimisme sont probablement les deux traits de caractère qui définissent le mieux l’attitude de cette dynamique habitante de Saint-Saphorin-sur-Morges face au monde médical. «Cela fait plusieurs années que je vais régulièrement consulter mon ophtalmologue, raconte-t-elle. Comme je suis âgée de plus de 70 ans et que j’utilise encore ma voiture, je suis de toute façon tenue de faire des tests de vue tous les deux ans. Par conséquent, quand la décision a été prise de faire cette opération, ce n’était pas vraiment une surprise pour moi. La cataracte n’est pas quelque chose qui apparaît tout à coup, c’est plutôt comme un voile qui se dépose lentement devant les yeux.»

Myrta Ritz doit encore suivre un protocole bien précis qui commence plusieurs heures avant l’opération: «La veille et le matin de l’intervention, j’ai dû instiller plusieurs gouttes dans l’œil. Avec mon mari, qui souffre de glaucome, nous avons mis au point un système de minuteurs afin de ne pas oublier d’aider l'autre à prendre ses gouttes!»

Et lorsqu’on lui demande si elle a  ressenti ne serait-ce qu’une légère appréhension au moment de s’imaginer en train d’être opérée des yeux, la réponse est claire: «Non, je n’ai pas peur. Mon mari qui est un habitué de l’Hôpital ophtalmique, avait déjà une certaine expérience en la matière. Nous avons donc discuté un peu du déroulement de ce genre d’opération, et aujourd’hui je n’ai pas du tout d’appréhension. De plus, nous avons une confiance totale envers le savoir-faire des chirurgiens.»

Comment ça marche?

La cataracte se manifeste par une opacification partielle ou totale du cristallin, la lentille optique naturelle située à l’arrière de l’iris. Cette atteinte cause une baisse progressive de la vue.

L’acte chirurgical de cette maladie se déroule en trois phases: tout d’abord, le chirurgien ouvre la capsule du cristallin, le «cœur» de l’œil. Il l’émulsifie ensuite à l’aide d’un appareil à ultrasons et le retire. Dernière étape, il insère une lentille artificielle en matière synthétique, parfaitement tolérée par l’organisme et qui se déplie une fois introduite dans l’œil. L’ouverture est si petite qu’aucune suture n’est nécessaire!

Un travail d’orfèvre

Myrta Ritz, à jeun, n’est pas seule à attendre. Elle est en effet en compagnie de huit autres patients, tous venus pour la même opération. Malgré la cadence imposée par le nombre d’interventions pratiquées chaque jour, le personnel soignant prend le temps de venir régulièrement informer Madame Ritz sur le temps qu’il lui reste encore à attendre. Il s’agit également de continuer à donner les fameuses gouttes qui anesthésient l’œil et dilatent la pupille.

«Comme on ne voit rien, cette voix qui nous dit que tout va bien est très rassurante»

«Madame Ritz? Nous allons pouvoir y aller!» annonce finalement un infirmier, qui l’emmène de l’autre côté de la porte coulissante séparant la salle d’attente du bloc opératoire. Au moment de passer le sas, elle nous apostrophe: «J’aurais une petite chose à vous demander: pourriez-vous me dire combien de temps aura duré mon intervention?»

Dans l’une des quatre salles d’opération de l’Hôpital ophtalmique, l’équipe entièrement féminine de la Dresse Hana Abou Zeid (une aide de salle, une infirmière-anesthésiste, une instrumentiste et une médecin assistante) se prépare. En entrant dans le bloc, on remarque les nombreux écrans, ainsi que l’imposant microscope qui servira durant toute l’intervention. Ici, pas de gros outils, de scalpels ou d’instruments volumineux: tout évoque l’orfèvrerie et le travail de précision.

«Enlever ce voile posé devant mes yeux»

Les chirurgiens de l’Hôpital Jules-Gonin pratiquent 1’500 opérations de la cataracte chaque année.

Une fois Myrta Ritz installée, tout va très vite: tandis que son assistante irrigue régulièrement l’œil, la Dresse Hana Abou Zeid, les yeux fixés sur son microscope, nettoie et dépose avec dextérité l’implant dans une semi-obscurité, le seul rayon de lumière de la pièce étant braqué sur l’œil de la patiente. La chirurgienne peut également la tenir au courant de l’évolution de l'intervention, en lui expliquant ce qu’elle est en train de faire. «J’ai beaucoup apprécié cela, nous confiera Myrta Ritz. Comme on ne voit rien, cette voix qui nous dit que tout va bien est très rassurante.» Avant de préciser: «Mais attention, il ne faut surtout pas croire que j’aimerais assister à l’opération de l’extérieur. Je n’ai pas besoin de voir ce genre de chose!»

On est impressionné par la différence de taille entre le minuscule globe oculaire brillant sous l’éclairage du scialytique et l’image du microscope projetée sur les écrans, qui évoque un grand aquarium en train de subir un nettoyage en profondeur. Mais déjà les lumières se rallument: l’intervention est achevée. Tout s’est bien déroulé, et la Dresse Abou Zeid prend congé de sa patiente avant de profiter d’une courte pause de midi.

Mais déjà les lumières se rallument: l’intervention est achevée. Tout s’est bien déroulé.

Coque et sandwich

«Alors combien de temps?» demande Myrta Ritz, toute juste sortie du bloc. «Quinze minutes pile!» Un sourire envahit le visage de la patiente, tout de même soulagée que l’intervention se soit bien passée. «C’est seulement à ce moment-là que l’on imagine ce qui aurait pu se passer, pendant les quelques secondes où l’on réalise ce qu’on vient de subir. Mais là encore, cela ne dure qu’un très court instant!»

Les infirmiers appliquent une coque sur l’œil opéré, coque qui pourra être retirée quatre heures après l’opération pour commencer un nouveau traitement par gouttes durant un mois. Mais les premiers bénéfices de l’intervention seront par contre sensibles dès le lendemain.

Alors qu’elle est ramenée dans la salle d’attente, Myrta Ritz lance: «Et maintenant, vous allez découvrir l’un des petits plaisirs de l’Hôpital ophtalmique: les sandwichs au jambon d’après-opération!»

Devant son café et la collation tant attendus, elle organise son retour; comme il lui est interdit de conduire, une de ses proches viendra la chercher d’ici à une quarantaine de minutes. Comme prévu, elle ne sera restée que trois heures et demie à l’hôpital.

«Enlever ce voile posé devant mes yeux»

Après une intervention rapide, Myrta Ritz peut enfin profiter de sa collation. Elle repartira moins d’une heure plus tard.

«Des toiles toutes bleues»

Quelques jours plus tard, nous retrouvons Myrta Ritz: «Je vous avais raconté que durant la première opération, j’avais vu de très jolis tableaux abstraits. Et bien cette fois, j’ai observé de grandes toiles bleues. Je ne sais pas à quoi ce changement est dû, mais c’était à nouveau un très beau spectacle!»

Une année à l’Hôpital ophtalmique, c’est...

65’000 consultations

9’000 gestes chirurgicaux

5’000 patients opérés

1'500 opérations de la cataracte

Aujourd’hui, quel bilan tire-t-elle de son expérience? «J’ai effectivement l’impression de mieux voir depuis mon passage à l’hôpital, confie-t-elle. Les contours des choses sont plus nets. Mon ophtalmologue m’a confirmé que tout était parfait, mais je devrai encore attendre pour ressentir tous les effets de l’opération. J’aurai évidemment toujours besoin de lunettes pour lire, mais je suis très contente de l'avoir fait!»

Source

CHUV Magazine, printemps 2011, http://www.chuv.ch/chuvmag_10.pdf

Photographies: Philippe Gétaz.

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