Calculs rénaux: changer de régime pour éviter les récidives
«On dit souvent: coliques néphrétiques égal douleurs frénétiques. C’est exactement ça. Je tournais en rond sur le tapis du salon, incapable de rester tranquille tant la douleur était lancinante.» Jules est loin d’être le seul à avoir vécu cette pénible expérience: dans les pays industrialisés, «18,8% des hommes et 9,4% des femmes ont déjà eu des calculs rénaux», précise le Dr Kevin Stritt, chef de clinique du Service d’urologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Cette lithiase urinaire se manifeste lorsque des substances solubles normalement éliminées dans l’urine forment de petits cristaux insolubles. Quand ceux-ci grandissent, ils bloquent les voies urinaires.
Pression sur les reins
Quel régime adopter?
L’oxalate de calcium et l’acide urique, qui forment la majorité des calculs rénaux, sont apportés par la nourriture. Quand on a tendance à en souffrir, il faut donc limiter la consommation de certains aliments. Notamment ceux qui sont riches en oxalate, comme le chocolat et le cacao, les noix et noisettes, certains légumes (asperges, betterave, épinards, oseille), mais aussi la rhubarbe et les figues, ainsi que le thé.
Bien que les produits laitiers renferment une grande quantité de calcium, paradoxalement «il est recommandé d’en manger quotidiennement. Ils diminuent en effet l’absorption intestinale des oxalates et donc leur excrétion dans l’urine», explique le Dr Kevin Stritt, urologue au CHUV.
Quant aux aliments renfermant de l’acide urique, ce sont principalement la charcuterie, les abats, certains poissons (en particulier le hareng, le thon, les sardines) et les fruits de mer.
Dans tous les cas, les spécialistes recommandent d’éviter l’excès de sel et de viande, tout en consommant régulièrement des fruits et des légumes bien choisis.
Il y a calculs et calculs. Ils se distinguent d’abord par leur composition chimique. Les lithiases les plus fréquentes sont composées d’oxalate de calcium (70 à 90%), de phosphate de calcium (10 à 15%) et d’acide urique (environ 19%). D’autres, faits de différents sels minéraux, sont souvent associés «à des infections urinaires chroniques, à des maladies neurologiques ou à la prise de certains médicaments», constate l’urologue.
Les cristaux se différencient aussi par leur taille – qui va de quelques millimètres à quelques centimètres. Les plus petits ne provoquent généralement pas de symptômes. «L’une de nos études montre que, dans un tiers des cas, ils s’évacuent spontanément», constate le Dr Stritt. En revanche, les plus gros bloquent facilement l’uretère (canal conduisant l’urine des reins à la vessie), en «trois points de rétrécissement naturel». L’urine ne pouvant plus s’écouler, elle s’accumule dans les reins, sur lesquels elle exerce une forte pression. Il en résulte des crises de coliques néphrétiques, «ces intenses douleurs dans les reins qui irradient dans le bas-ventre et parfois dans les organes génitaux».
Certaines personnes ont un risque accru de développer des lithiases. Des prédispositions génétiques affectant le fonctionnement des reins, ainsi que des troubles métaboliques (surpoids, diabète, etc.), favorisent en effet leur production.
Toutefois, l’un des facteurs de risque les plus fréquents reste le manque d’hydratation. «Il est nécessaire de produire au moins deux litres d’urine par jour. Il faut donc boire plus de deux litres d’eau quotidiennement et répartir la boisson tout au long de la journée», rappelle le Dr Stritt. La nourriture joue également un rôle très important dans l’affaire (lire encadré).
Le traitement dépend du nombre, de la localisation et de la taille des calculs. «Quand celle-ci est inférieure à six millimètres, on se contente souvent d’attendre qu’ils soient expulsés, tout en prescrivant des anti-inflammatoires pour soulager la douleur», constate le médecin du CHUV. Ceux qui sont formés d’acide urique peuvent quant à eux être dissous à l’aide de médicaments (comme le bicarbonate de sodium) qui alcalinisent l’urine.
Face aux gros «cailloux», les urologues peuvent recourir à l’utéroscopie, qui consiste à introduire une caméra et des instruments, à travers l’urètre, les uretères puis dans le rein, afin d’en extraire les calculs. Chez des personnes bien sélectionnées, les spécialistes peuvent aussi les fragmenter à l’aide de la lithotripsie extracorporelle par ondes de choc. Enfin, pour les très gros calibres localisés dans le rein, «il peut être nécessaire d’avoir recours à une ponction directe du rein par lithotripsie percutanée».
Pas de pilule miracle contre les récidives
Les calculs rénaux ont une forte tendance à récidiver. «Dans 10% des cas, ils se reforment au cours de la première année qui suit la crise initiale, dans 20% des cas dans les cinq ans et dans 75% dans les vingt ans», souligne le Dr Stritt.
Un médicament susceptible de prévenir la réapparition de cristaux de sels de calcium a suscité un grand espoir: l’hydrochlorothiazide. Mais en fait, ce diurétique utilisé depuis les années 1960 n’a que peu d’effet, comme le montre une étude réalisée par huit grands hôpitaux suisses et publiée en mars dernier dans le très réputé New England Journal of Medicine. Les médecins et néphrologues ont divisé près de 420 personnes ayant déjà eu des colites néphrétiques en quatre groupes, celles des trois premiers recevant différentes doses du médicament et celles du dernier un placebo. Ils n’ont observé aucune différence: dans tous les groupes, le taux de récidive était de 59% au bout de trois ans. En outre, 8% des patients ont eu des effets secondaires.
Il faut donc se faire une raison. Pour prévenir les récidives, il n’existe pas de pilule miracle.La meilleure option reste de bien s’hydrater et de modifier ses habitudes alimentaires.
Jules, 80 ans: «Quand la douleur est à son paroxysme, j’ai envie de vomir»
«Il y a environ 35 ans, j’ai eu de fortes douleurs entre le rein et la vessie, mais je ne savais pas à quoi elles correspondaient. Après m’avoir fait passer une radio, mon urologue m’a expliqué que c’étaient des calculs rénaux. Au bout de quelques jours, ils sont passés tout seuls. Environ quinze ans plus tard, nouvelle crise, terrible. Je ne tenais pas en place et, quand la douleur était à son paroxysme, j’avais envie de vomir.Cette fois, j’ai tout de suite pensé qu’il s’agissait de coliques néphrétiques et je suis allé consulter en urgence. J’ai été traité par lithotripsie. Grâce à la péridurale, je n’ai rien senti, mais j’ai été saisi par le bruit et ma femme, qui m’attendait dans la salle d’attente, avait l’impression qu’on allait me casser. Ces derniers jours, j’ai eu des douleurs. Au début elles étaient différentes et je n’ai pas pensé aux calculs. Deux jours plus tard, j’ai à nouveau ressenti ce fameux mal lancinant que j’ai tout de suite identifié. Depuis, ça a cessé et je crois que les calculs ont été évacués. Je n’ai plus mal, mais j’en reste groggy, comme si j’avais reçu un coup de poing.»
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Paru dans Le Matin Dimanche le 17/09/2023
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Calculs rénaux
Des substances solubles, normalement éliminées dans l’urine vont, dans certaines conditions, former des petits cristaux insolubles dans les voies urinaires qui grandissent et deviennent une structure solide, appelée calcul rénal ou calcul urinaire.