Repenser Alzheimer
Ne plus considérer Alzheimer et les autres atteintes neurodégénératives comme des maladies spécifiques, mais les intégrer dans le cadre plus large du vieillissement cérébral. Le professeur en psychologie clinique aux Universités de Genève et de Liège, Martial Van der Linden en a fait son combat. Avec le docteur Anne-Claude Juillerat Van der Linden, il a traduit Le mythe de la maladie d’Alzheimer des chercheurs américains Peter Whitehouse et Daniel George et tient un blog qui propose «une autre manière de penser le vieillissement cérébral»[1]. Pour ces deux spécialistes de la mémoire et de ses dysfonctionnements, la baisse des capacités cognitives survenant avec l’âge est plutôt influencée par de nombreux facteurs intervenant tout au long de la vie, et non par la seule présence des anomalies cérébrales couramment reconnues comme étant la cause de la maladie d’Alzheimer.
Principale pierre d’achoppement dans les critères traditionnels de la maladie d’Alzheimer: la difficulté d’établir un lien de causalité entre une atteinte cérébrale spécifique et les déficits cognitifs. Car si la présence de deux sortes d’anomalies dans des aires précises du cerveau est couramment définie comme étant la cause de la maladie, celles-ci se retrouvent aussi chez des personnes n’ayant développé aucun signe de démence sénile. Par ailleurs, lors d’autopsies de personnes ayant été diagnostiquées Alzheimer de leur vivant, on constate fréquemment plusieurs autres lésions dans les tissus cérébraux. De nombreuses explications à la maladie coexistent, faisant appel à des mécanismes différents, sans qu’aucune d’entre elle ne soit soutenue de façon convaincante par les données empiriques. Enfin, il n’existe pas de médicament ayant une réelle efficacité sur l’autonomie et la qualité de vie des patients ayant reçu le diagnostic d’Alzheimer.
Distinguer l’anormal du normal
Il n’existe pas d’entité spécifique, homogène, pouvant être définie comme la maladie d’Alzheimer. C’est au contraire un état complexe et hétérogène, avec de très grandes différences entre les personnes, tant dans la nature des difficultés cognitives que dans leur évolution. Ces différences entre les individus semblent dépendre de facteurs aussi variés que le niveau d’éducation, le statut socio-économique, le stress, une enfance défavorisée, des problèmes psychiatriques, l’activité physique et bien d’autres. Divers déficits cognitifs coexistent en outre chez les personnes âgées diagnostiquées Alzheimer. Et ce bien souvent hors du cadre des troubles de la mémoire, considérés comme le principal symptôme de la maladie. Devant tant de variables, il est bien souvent impossible de distinguer la maladie d’autres types de démences séniles.
Dès lors, pourquoi présenter Alzheimer comme une maladie épidémique contre laquelle il faut se battre et qu’il faut vaincre à tout prix? Et comment est-on passé d’une maladie rare, affectant essentiellement les personnes dans la cinquantaine, à une maladie pandémique identifiée sur la base de symptômes spécifiques? Cette manière de présenter les aspects problématiques du vieillissement du cerveau a été guidée par deux motivations principales. Face aux problèmes liés à l’accroissement de l’espérance de vie, il s’agit de financer la recherche. Or il est plus facile de convaincre quelqu’un de donner de l’argent pour lutter contre une maladie abominable que pour de simples difficultés liées au vieillissement. Par ailleurs, décrire l’usure des fonctions cérébrales en identifiant différentes maladies, dont celle d’Alzheimer, c’est entretenir l’illusion qu’il est possible de vaincre le vieillissement.
Dédramatiser et démédicaliser
Ce changement de perception des manifestations du vieillissement cérébral devrait permettre de modifier la façon dont sont diagnostiquées les personnes âgées, et donc d’éviter de les enfermer dans des maladies apocalyptiques. Il faut favoriser les interventions psychologiques et sociales, y compris dans les EMS, ainsi que la prévention visant à retarder les aspects problématiques du vieillissement cérébral ou à en diminuer les effets. Il s’agit également de laisser au médicament la place que la personne âgée souhaite lui donner, après qu’elle ait été correctement informée des mérites réels de la substance, de ses possibles effets secondaires et des alternatives psychologiques et sociales.
Référence
Adapté de «Le mythe de la maladie d’Alzheimer», par Pr M. Van der Linden, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève. InRevue médicale suisse 2013; 9: 244-5, en collaboration avec les auteurs.
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