Maladie d’Alzheimer: nouvelles théories sur les origines biologiques et les facteurs de risque
Le vieillissement est un phénomène naturel qui occasionne bien des changements dans notre organisme et plus particulièrement au niveau de la viabilité de nos cellules. Chez les personnes porteuses de facteurs de risque, le vieillissement peut induire des troubles au niveau du système nerveux et l’apparition de maladies graves. La maladie d’Alzheimer se développe suite à la mort progressive des neurones et de leurs synapses localisés dans des régions spécifiques du cortex cérébral. Cette mort entraîne la perte progressive des fonctions cognitives comme la mémoire et donne lieu à la forme la plus fréquente de démence chez l’homme.
Dans cette maladie, un double processus de dégénérescence et d’inflammation se développe dans le cerveau du patient. Deux types de lésions sont responsables de la perte des neurones du tissu cortical. Le premier est l’accumulation de la protéine β-amyloïde qui cause des plaques séniles à l’extérieur des neurones et induit leur dégradation. Le deuxième est la mort de la cellule nerveuse à la suite de l’accumulation de protéines dites neurofibrilles tau. Face à ces processus pathologiques connus, les chercheurs pensent aujourd’hui que d’autres mécanismes peuvent exister. Selon eux, la flore intestinale, composée de bactéries et autres microorganismes tapissant naturellement les organes de notre tube digestif, pourrait avoir un rôle non négligeable dans le développement des maladies neurodégénératives. Le Pr Giovanni Frisoni, neurologue aux Hôpitaux universitaires de Genève et professeur en neurosciences cliniques, parle des actualités dans le domaine de la maladie d’Alzheimer.
P.S.: Quelles sont les nouvelles théories sur l’origine pathologique de la maladie d’Alzheimer?
G.F.: Il est largement accepté que la maladie d’Alzheimer se développe à cause d’une composante dite toxique, qui décrit l’effet néfaste des protéines neurotoxiques β-amyloïde et tau sur les cellules neuronales, et qu’elle possède également une composante immunologique ou inflammatoire. La question est à présent de savoir quelle composante se développe en premier et si l’une influence le développement de l’autre. L’implication de la flore intestinale dans la composante immunologique et inflammatoire des maladies neurodégénératives est une nouvelle voie à parcourir. Si la théorie sur l’influence de la flore intestinale ou microbiote s’avère vraie, on peut alors imaginer que l’inflammation se développe avant le dépôt des protéines neurotoxiques et que c’est le facteur qui le déclenche, et non la réaction du cerveau face à ces protéines néfastes. Nous disposons désormais d’assez d’évidences montrant par exemple que dans une autre maladie neurodégénérative, la maladie de Parkinson, une altération dans le tube digestif est le premier facteur qui peut mener à la neurodégénérescence.
Mais malgré cela, à ce jour, personne ne possède des évidences claires que la flore intestinale est vraiment responsable du développement des maladies neurodégénératives, y compris la maladie d’Alzheimer. L’effet de la flore intestinale sur le cerveau est un monde presque inconnu, mais je suis convaincu que dans une dizaine d’années nous aurons plus de réponses à ce sujet.
Y a-t-il des différences parmi les patients atteints de la maladie?
On peut séparer les patients atteints de la maladie d’Alzheimer en trois groupes distincts. Le premier groupe est composé d’individus qui ont moins de 60-65 ans et qui ont un début précoce de la maladie. Ces personnes possèdent fréquemment une mutation génétique qui se transmet d’un parent aux enfants. Dans ces cas-là, on ne peut pas faire beaucoup de prévention, mais ces patients peuvent bénéficier de nouveaux traitements tels que les anticorps monoclonaux anti-amyloïde que nous sommes en train d’expérimenter (voir notre article La véritable bataille contre l’Alzheimer commence).
Le deuxième groupe est celui des individus généralement âgés entre 65 et 75 ans et porteurs du facteur de risque génétique ApoE4 (voir notre article La maladie d’Alzheimer sous la loupe: détection précoce chez les jeunes?). Il faut tout de même souligner que toutes les personnes porteuses de facteurs de risque ne vont pas obligatoirement développer la maladie. Néanmoins, il leur est conseillé d’entraîner leurs fonctions cognitives très tôt afin de maintenir et d’augmenter leurs réserves saines de cellules neuronales et le nombre des connections entre les neurones (ainsi dites synapses). La stimulation des fonctions cognitives (lecture, études, apprentissage de langues, etc.) devrait être associée à une activité sportive régulière et au contrôle très étroit de maladies chroniques telles que le diabète et l’hypertension artérielle. En effet, celles-ci peuvent réduire la réserve neuronale, influencer le développement de plaques amyloïdes, entraînant la mort des cellules neuronales et favorisant le début de la maladie d’Alzheimer.
Le dernier groupe de patients est composé de personnes très âgées, qui ont 80-85 ans et plus. Dans ces cas-là, la toxicité des protéines neurotoxiques β-amyloïde et tau n’est que l’une des plusieurs composantes qui contribuent à la neurodégénérescence, comme des petits AVC. Cependant, les facteurs les plus coupables du développement des troubles cognitifs chez ce groupe de patients restent toujours inconnus.
Quel régime alimentaire devraient suivre les personnes à risque?
Il n’y a pas de régime à adopter qui soit spécifique à la maladie d’Alzheimer. Néanmoins, nous conseillons à nos patients d’avoir une bonne hygiène de vie, une activité physique régulière et de manger sainement, afin d’éviter tout développement de maladies cardiovasculaires qui peuvent influencer l’apparition de lésions microvasculaires et la diminution du nombre de connections neuronales, et donc de leur capacités cognitives. Leurs plats devraient être composés de viande blanche, d’huiles végétales et d’acides gras insaturés.
Existe-t-il des personnes moins à risque que d’autres de développer la maladie?
Les personnes qui portent une mutation génétique particulière au niveau de la protéine précurseur de l’amyloïde (Amyloid Precursor Protein ou APP), le peptide responsable de la mort des neurones, sont presque complètement protégées de la maladie. Mais ce sont des cas très rares pour l’instant, découverts seulement en Islande.
En quoi consiste le traitement de la maladie d’Alzheimer?
Comme thérapie médicamenteuse, nous prescrivons en principe des inhibiteurs de la cholinestérase, l’enzyme qui dégrade l’acétylcholine, afin d’augmenter la quantité de ce neurotransmetteur. L’acétylcholine est le neurotransmetteur cérébral qui «allume» le cortex et qui est particulièrement réduit dans le cerveau des patients atteints d’une maladie d’Alzheimer. Les médicaments cholinergiques augmentent les performances cognitives d’une partie des patients. Un effet similaire est joué par les médicaments actifs sur le neurotransmetteur glutamate. Cependant, nos espoirs sont ciblés sur des médicaments en cours de développement qui, agissant sur les protéines neurotoxiques amyloïde et tau, pourraient retarder, voir arrêter, la progression de la maladie. Mais cela est un chapitre de l’histoire de la maladie d’Alzheimer qui est en cours de rédaction. D’ici quelques années nous aurons, je l’espère, les résultats positifs des essais cliniques qui sont en cours à l’heure actuelle avec ce type de médicaments.
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