Bien manger pour son cerveau

Dernière mise à jour 13/07/22 | Article
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Une récente étude américaine confirme les effets positifs sur la cognition du régime Mind, tant chez les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer que chez celles qui sont en bonne santé.

La maladie d’Alzheimer en bref

Cette maladie neurodégénérative se caractérise par une atteinte progressive de la mémoire, mais aussi par des troubles du langage, de la perception, de l’action, etc., qui sont à l’origine d’une perte d’autonomie toujours plus grande. Elle peut aussi se manifester dans les premiers stades par des symptômes psychiatriques (anxiété, dépression). Elle résulterait de l’accumulation, dans le cerveau, de protéines toxiques (Tau et plaques d’amyloïde), responsables de la destruction progressive des cellules cérébrales, des connexions entre les neurones et d’une réduction du volume du cerveau. En Suisse, environ 150000 personnes souffrent de cette maladie qui impacte également lourdement les familles. Un chiffre probablement très sous-estimé, selon les experts. En cas d’inquiétude pour soi ou un proche, il est recommandé de consulter le plus tôt possible.

Maintenir son cerveau en bonne santé passerait-il par l’assiette? C’est ce qu’indique une récente étude américaine publiée dans le Journal of Alzheimer’s Disease[1]. Les chercheurs de Chicago se sont intéressés au régime Mind (lire encadré). Ce dernier reprend les principes de deux autres diètes bien connues et étudiées: les régimes méditerranéen et DASH (Dietary Approaches to stop Hypertension), une approche diététique pour prévenir l’hypertension artérielle.

De précédents travaux avaient déjà montré que Mind était associé à un déclin cognitif plus lent et à un risque plus bas de développer la maladie d’Alzheimer chez les personnes âgées. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont mis en évidence un meilleur fonctionnement cognitif chez les sujets ayant suivi ces préceptes nutritionnels, qu’ils souffrent ou non d’une maladie neurodégénérative de type Alzheimer. Les scientifiques se sont pour cela appuyés sur les données d’une étude longitudinale (Rush Memory and Aging Project). Pour chacun des 560 cas étudiés, un score «Mind» a été calculé sur la base de questionnaires portant sur les habitudes alimentaires. Ce score a été mis en rapport avec les résultats à des tests cognitifs ainsi qu’avec des données d’autopsies cérébrales. «La force de cette étude réside dans le fait que les chercheurs ont pu constater les lésions cérébrales provoquées par la maladie après le décès des participants. Néanmoins, il s’agit d’une étude rétrospective et observationnelle qui met en évidence une association entre des facteurs et non un lien causal», remarque le Pr Gilles Allali, directeur du Centre Leenaards de la mémoire au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Agir sur différents tableaux

Le régime Mind est bon pour le cerveau, cependant il ne saurait suffire à lui seul pour préserver sa mémoire et ses fonctions cognitives, nuance le Pr Paul Unschuld, médecin-chef du Service de psychiatrie gériatrique aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG): «Si on mange sainement, mais que l’on fume et que l’on ne pratique pas d’activité physique par ailleurs, on ne peut pas s'attendre à un effet protecteur fort. Il est essentiel d'adopter une approche holistique qui tienne compte des différents aspects de la santé et du bien-être personnel.» En effet, poursuit le Pr Allali: «Il n’y a pas qu’une seule voie pour contrer Alzheimer. Aujourd’hui, on se dirige vers des programmes de prévention multidimensionnels, comme pour la gestion des facteurs cardiovasculaires. Ceci est d’autant plus important dans un contexte de vieillissement de la population, où une même personne peut souffrir de plusieurs maladies neurodégénératives.» À l’heure où le médicament miracle pour soigner ou ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer n’a pas encore été trouvé, la prévention est cruciale.

Car oui, il est possible de réduire son risque individuel en s’attaquant aux différents facteurs de risque de la maladie: diabète, hypertension, excès de cholestérol, surpoids et obésité, sédentarité, tabagisme, isolement social, anxiété, dépression, troubles de l’audition, bas niveau d’éducation, pollution. «Une étude du Lancet de 2020[2] montre qu’en combinant différentes mesures de prévention on peut réduire de 40% le risque de démence ultérieure, ce qui est très significatif», indique le Pr Unschuld. De récents travaux montrent par ailleurs qu’une hygiène de vie saine peut réduire considérablement le risque de développer la maladie d’Alzheimer, même chez les personnes présentant un risque génétique accru. Dès lors, «pour retarder l’apparition des premiers symptômes, il faut investir les phases asymptomatiques de la maladie en favorisant un mode de vie sain et actif, dès l’âge de 40-50 ans», déclare le Pr Allali. Aussi, même lorsqu’un diagnostic est posé, on peut modifier la courbe d’évolution de la maladie par des mesures comportementales préventives.

Aux HUG par exemple, le Centre de la mémoire ouvre ses recherches aux plus de 50 ans sans trouble de la mémoire afin de dépister des facteurs de risque génétiques, biologiques et liés au style de vie. «Les personnes qui en cumulent plusieurs intégreront des programmes de réduction du risque comportant différents types d’interventions», précise le Pr Giovanni Frisoni, directeur du Centre de la mémoire des HUG.

En attendant la mise en place de programmes de prévention à large échelle, une hygiène de vie saine (sans tabac ni excès d’alcool), en étant physiquement, socialement et intellectuellement actif (lecture, mémorisation, raisonnement), est recommandée. Sans oublier de soigner un éventuel diabète, un excès de cholestérol, une hypertension, un surpoids, mais aussi sa santé psychique.

Manger «Mind»

Le régime Mind consiste à favoriser certains aliments et éviter le plus possible certains autres. «Sans être dogmatique, il s’agit d’en retirer les grands principes», commente le Pr Gilles Allali, directeur du Centre Leenaards de la mémoire au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Les fruits et légumes sont bons pour le cerveau, en particulier ceux à feuilles vertes (épinards, choux, laitue, etc.). Côté fruits, les baies (myrtilles, fraises, framboises), qui favorisent la neurogenèse, sont à consommer sans modération. Pour les en-cas, au lieu des chips ou des pâtisseries, opter pour les noix. Plutôt que la viande rouge, on met au menu poulet et poisson. Les légumineuses (haricots, lentilles, soja) peuvent d’ailleurs combler les apports en protéines. Enfin, cuisiner de préférence avec de l’huile d’olive extra-vierge (beurre et margarine sont à éviter). L’excès d’alcool est mauvais. Un verre de vin au repas est néanmoins toléré. Quant aux mets gras (y compris le fromage), frits ou sucrés, ils sont déconseillés.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 10/07/2022

[1] Dhana K, James BD, Agarwal P, et al. MIND Diet, Common Brain Pathologies, and Cognition in Community-Dwelling Older Adults. J Alzheimers Dis. 2021;83(2):683-692. doi:10.3233/JAD-210107

[2] Livingston G, Huntley J, Sommerlad A, et al. Dementia prevention, intervention, and care: 2020 report of the Lancet Commission. Lancet. 2020 Aug 8;396(10248):413-446. Disponible sur: https://www.thelancet.com/article/S0140-6736(20)30367-6/fulltext

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