Alzheimer: alléger le fardeau des proches
La maladie d'Alzheimer et les démences sont une ordalie pour les proches. Et ils sont nombreux en Suisse: l'association Alzheimer estimait ainsi en 2011 que 64 537 personnes atteintes d'Alzheimer vivaient à la maison, dont les deux tiers avec un proche. En outre, 6454 avaient besoin d'aide 24 heures sur 24.
Pour que cet accompagnement se passe au mieux, pour que les proches ne sacrifient pas leur santé physique et psychique, il est nécessaire de les prendre en charge. Neuropsychologue aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), Lara Fazio anime une consultation consacrée aux proches aidants. La spécialiste insiste: chaque démence ou maladie d’Alzheimer a un parcours unique qui ne ressemblera pas forcément aux représentations vues dans les médias. Et, pour les proches, il faut garder du temps pour soi.
Qui sont les proches aidants que touche la maladie d'Alzheimer?
Lara Fazio: Principalement les membres de la famille, et souvent les femmes. Les conjoints, les filles, les belles-filles sont donc en première ligne. L'évolution de la société a aussi créé une génération dite «sandwich»: des personnes qui, tout à la fois, travaillent, ont des enfants et s'occupent de leurs parents.
Mais les aidants peuvent aussi être des individus très proches de la personne malade, voire des voisins si elle est seule.
Quelle est la nature de l’aide qu’ils fournissent?
Au début de la maladie, c’est surtout une charge psychologique pour eux: un stress s’instaure, il faut supporter les répétitions que fait le malade, on le suit et on s’inquiète pour lui. Plus tard, il faut aider à la vie quotidienne pratique que le malade ne peut plus assumer: certains conjoints doivent commencer à régler les factures et s’occuper de la maison alors qu’ils ne prenaient aucune part à ces tâches jusque-là. Enfin, vient un moment où il faut aider le malade à manger, à faire sa toilette.
De quoi souffrent ces proches?
Ils peuvent être touchés de différentes façons. Dans leur humeur, et donc souffrir de dépression ou d'anxiété. Dans leur qualité de vie aussi, qui diminue avec le souci que l'on se fait pour le malade et la responsabilité que l’on a de lui. De manière générale, la santé psychique et physique du proche aidant peut se dégrader car celui-ci manque de temps pour consulter un médecin, pense moins à soi et est soumis à un stress chronique. Il y a un risque d'épuisement bien réel.
On constate souvent aussi un isolement des proches. On partage ainsi moins d'activités sociales, faute de temps à y consacrer, par honte ou par solidarité avec un conjoint qui en est exclu. Les contacts se réduisent progressivement aux soignants et aux assistants sociaux, un réseau dit formel. La dépendance de la personne touchée par Alzheimer peut enfin causer des soucis financiers aux aidants.
Comment les aider?
Trois dimensions sont à exploiter: améliorer la connaissance qu'ont les proches de la maladie d'Alzheimer ou de la démence, faciliter le recours aux aides extérieures et préserver le souci qu'ils ont d'eux-mêmes.
Que leur dites-vous donc sur la maladie?
Dans notre consultation «mémoire», nous recevons la personne malade et le proche aidant. Nous discutons et nous soulignons qu'il s'agit de maladies progressives dont chaque cas évolue de manière unique: plusieurs scénarios sont possibles.
Nous travaillons sur ce que les personnes savent de la maladie, ce qu'ils imaginent et ce qu'ils ont constaté chez la personne malade. Avec ces explications, le proche comprend mieux les réactions du malade et peut interagir de manière moins frustrante avec lui. Par exemple, on essaye souvent de raisonner les malades qui ont oublié quelque chose ou s’accrochent à une fausse croyance. Ceux-ci ne comprennent pas ce qu’on leur dit, s'angoissent et s'énervent. Dans un tel cas, cela peut valoir la peine de ne pas «monter en symétrie» et de plutôt quitter la pièce. Si l'on revient peu après, la personne aura oublié et on pourra reprendre la situation plus calmement.
Et sur un plan plus pratique?
A un stade plus avancé de la maladie, nous aidons les proches à accepter de l'aide, par exemple la visite quotidienne d'une infirmière. Pour les soucis d'ordre financier, nous les dirigeons vers des associations ou des services sociaux à même de les soutenir.
Nous les incitons également à s'occuper d'eux-mêmes, à garder des activités sociales, de loisir. A ne pas réduire leur existence à leur condition de proche aidant. Ils doivent prendre du temps pour eux, pour se reposer et se changer les idées; ils reviendront plus disponibles auprès de la personne malade.
Quelles idées reçues concernant l'Alzheimer rencontrez-vous dans votre travail de soutien aux proches?
Les proches craignent que les malades deviennent fous, agressifs, qu’ils ne les reconnaissent plus. Cela peut arriver, mais pas dans tous les cas et cette évolution est progressive. De plus, nous les aidons à affronter les éventuels troubles du comportement du malade, que ce soit en sollicitant une aide extérieure ou en leur montrant comment mieux y réagir.
A ce titre, les groupes de parole que proposent les associations sont un outil précieux pour échanger sur leur quotidien de proche, leurs stratégies pour faire face aux troubles et sur les sentiments –souvent une forte culpabilité, de la honte– que provoque leur situation.
Des émotions négatives fortes…
Oui. Mais un élément important de notre travail est aussi de montrer aux proches qu'il y a des sources de satisfaction dans le rôle qu'ils jouent. Leur démontrer par exemple que leur action procure du bien-être aux malades, qu'ils ont acquis un savoir-faire et qu'ils ont pu leur témoigner de l'affection. Ils sont là pour la personne malade qui compte pour eux. Ils peuvent en être fiers.
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