Vaincre les troubles alimentaires
Pre Nadia Micali C’est probablement multifactoriel. L’adolescent vit de nombreux changements dans son corps et dans sa vie sociale. Les recherches montrent le rôle des facteurs hormonaux. C’est souvent sur un terrain génétique propice et dans un contexte particulier que les troubles se déclenchent à l’adolescence.
Y a-t-il des signes avant-coureurs durant l’enfance?
D’après les résultats d’anciennes études, que mon équipe cherche à vérifier, il semblerait que des difficultés alimentaires durant l’enfance (alimentation sélective, chipotage, manque d’appétit) soient un facteur de risque. La recherche actuelle montre que la génétique et l’environnement (traumatisme, abus sexuels et physiques, moqueries, importance que la société accorde aux apparences, etc.) en sont d’autres, mais les troubles alimentaires ont des causes multiples.
Quel est le rôle de l’éducation et des parents?
Lorsqu’un jeune a des troubles du comportement alimentaire, les parents en souffrent beaucoup. Aujourd’hui on sait que les difficultés observées dans la famille sont plutôt la conséquence des troubles, et non l’inverse comme on l’a longtemps pensé. Il faut donc arrêter de culpabiliser les parents. Au contraire, la famille a un rôle important dans la détection des problèmes et le recours aux professionnels de la santé.
Qu’est-ce que les parents devraient savoir?
D’abord, chaque enfant est différent dans son rapport à l’alimentation. Certains ont plus de difficultés à accepter de nouveaux aliments, ont des goûts précis, sont plus à l’aise avec certaines textures que d’autres. Par ailleurs, il existe des comportements alimentaires (difficultés à accepter de nouveaux aliments) qui font partie du développement et qui s’améliorent naturellement. Mais il faut s’inquiéter si l’enfant –dès 11-12 ans voire plus tôt– devient plus rigide, s’il s’impose un régime très dur, s’il écarte soudain certains aliments, s’il fait des choses en cachette ou s’il ment. Et consulter si son comportement alimentaire a des répercussions physiques ou psychologiques comme une prise ou une perte de poids, de la fatigue, des maux de tête, des troubles du sommeil, des difficultés dans le rapport aux autres (repli, isolement) et à l’école.
On parle beaucoup d’anorexie et de boulimie. Pourquoi?
Parce que ce sont les problèmes les plus fréquents et les plus dangereux. L’anorexie, qui touche 1 à 2% des jeunes, est un des troubles psychiatriques les plus graves (mortalité dans 10 à 20% des cas). La boulimie (2 à 3% des jeunes), qui se caractérise par des compulsions alimentaires avec des comportements compensatoires pour éviter de grossir, a aussi des conséquences somatiques sérieuses, notamment cardiaques. Encore plus fréquente (5% des jeunes), l’hyperphagie boulimique augmente les risques de surpoids et d’obésité et son cortège de morbidités. Elle se distingue de la boulimie par l’absence de stratégies pour empêcher la prise de poids.
Ces deux extrêmes se rejoignent-ils?
L’anorexie et la boulimie sont à la fois très différentes et liées. Dans les deux cas, il y a une grande importance accordée au poids, à la silhouette, et des comportements communs (restrictions et compulsions). Sur le plan psychologique, on observe une dérégulation émotionnelle, un tempérament anxieux, de la souffrance et de la honte, parfois. En grandissant, on peut passer d’un diagnostic à l’autre.
Comment soigner ces maladies?
C’est maintenant prouvé: les prises en charge hautement spécialisées et précoces améliorent le pronostic, c’est ce qu’on est en train de développer aux HUG. Quand il y a un problème, il ne faut pas attendre. Les parents sont une grande ressource pour soigner les enfants. Pour l’anorexie, les thérapies systémiques spécifiques développées au Maudsley Hospital (Londres), où je me suis formée, sont les mieux évaluées. Les thérapies cognitives et comportementales ont quant à elles fait leurs preuves contre la boulimie et l’hyperphagie boulimique.
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Article repris du site pulsations.swiss