Notre comportement alimentaire en ligne de mire

Dernière mise à jour 02/06/16 | Article
Notre comportement alimentaire en ligne de mire
Votre médecin va être mieux armé pour résoudre votre problème de poids. Car dans cette démarche, le comportement alimentaire se révèle capital. Or, un outil unique est désormais à son service pour mieux cerner la question.

L'étude avait récemment ému le monde entier: d'ici 2025, nous annonçaient les épidémiologistes, au moins un cinquième de la population mondiale serait obèse. Le chiffre risquerait même de monter à plus de 30% pour les Britanniques, voire 40% pour les Américains du nord!

Or, même si la chirurgie de l'obésité fait des progrès remarquables sans être toutefois infaillible, la clé du problème reste bien toujours et encore le comportement alimentaire, qui joue un rôle capital quand on veut perdre du poids. La question est toutefois très complexe, où interagissent de très nombreux éléments. Car il n'y va pas que de la faim, plus ou moins bien maîtrisée, mais aussi de toutes les envies de l'individu, de sa propension au grignotage, voire de ce que les spécialistes nomment «l'alimentation émotionnelle».

D'où l'intérêt d'un outil unique, développé à la Haute Ecole de Santé de Genève, baptisé ESSCA (pour Evaluation Semi-Structurée des Comportements Alimentaires). Il va permettre aux praticiens de mieux cerner chaque problème individuel, grâce à un entretien articulé sur toute une série de questions précises.

Attention aux restrictions

La première étape consistera à tenter d'identifier les déterminants de la prise alimentaire: comment la personne explique-t-elle qu'elle a pris du poids, et quelles sont à son avis les causes de son comportement? Peut-elle déceler ce qui l'incite à manger, et a-t-elle compris pourquoi et quand elle s'arrête? Arrive-t-elle à différencier clairement sa sensation de faim de son envie de manger?

Il semble en effet que cette dernière question soit au centre du problème: comprendre si le comportement alimentaire découle plutôt d'une sensation physique (la faim), de l'environnement (vue d'aliments appétissants ou d'une assiette vide) ou au contraire des restrictions que l'individu s'impose. Car dans un tel cas, où la personne s'efforce de suivre un certain nombre de règles supposées lui faire perdre du poids ou ne pas en prendre (ce que les spécialistes nomment la restriction cognitive), le risque est grand que cela soit associé à des régimes stricts, largement déconseillés. Leur effet culpabilisant peut même mener à des comportements chaotiques et à une perte de contrôle bien plus délétère.

Influence de l'humeur

L'approche de l'ESSCA va ainsi permettre de mettre ou non en évidence un tel comportement restrictif. Le questionnaire fera notamment ressortir s'il s'agit d'un contrôle rigide, à savoir une régulation en «tout ou rien» (par exemple l'exclusion absolue d'aliments jugés trop caloriques) ou d'une approche plus flexible, où l'individu ajuste son comportement aux circonstances (par exemple en mangeant moins lorsque le repas précédent a été particulièrement copieux).

Le praticien sera aussi en mesure, grâce à cette approche, de déceler des comportements problématiques, voire pathologiques. Il pourra voir par exemple si des événements positifs ou négatifs de la vie ont une influence sur le comportement alimentaire de l'individu: mange-t-il différemment quand il est joyeux et détendu ou au contraire triste et contrarié? Ou s'il s'alimente systématiquement la nuit, et avec quelle fréquence. Il est important à ce sujet que puissent être identifiés les éventuels éléments déclencheurs de telles attitudes, si tant est que l'individu parvienne à faire le lien.

Facilement réalisable

Mais il est fondamental aussi –et l'ESSCA en a fait sa troisième partie– de s'intéresser aux dérives de comportement qui soit font souffrir l'individu, soit découlent d'une pathologie. Comme par exemple les accès hyperphagiques s'ils sont très fréquents, ou le malaise lié à la prise de conscience d'un comportement alimentaire inadéquat. Pire, des comportements pathologiques, comme les vomissements volontaires ou la prise de laxatifs destinés à compenser l'excès alimentaire. L'excès d'exercice physique peut être rangé dans la même catégorie, tout comme une restriction alimentaire visant l'amélioration de la silhouette ou du poids.

Bref: l'ESSCA, facilement réalisable par les médecins praticiens ou les diététiciens, permet d'obtenir une vue d'ensemble du comportement alimentaire de chaque individu, et de mieux l'orienter avant toute prise en charge pour excès de poids. Cet outil s'inscrit directement dans l'approche interdisciplinaire que recommandent les Drs François Pralong et Alain Golay dans un numéro de la Revue Médicale Suisse consacré spécifiquement à la nutrition et à l'obésité.

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Références

«Un outil pour évaluer les comportements alimentaires: ESSCA», par I. Carrard, M. Kruseman, M. Chappuis, N. Schmutz, et M. Volery, Rev Med Suisse 2016;12:591-6.

 

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