Mauvaises habitudes des 15-25 ans: le décryptage d’une diététicienne

Dernière mise à jour 18/10/12 | Article
Mauvaises habitudes des 15-25 ans: le décryptage d’une diététicienne
Entre 15 et 25 ans, on est entre la fin de l’adolescence et le début de la vie d’adulte: un moment critique de transition, et notamment au point de vue des habitudes alimentaires…

Une enquête Ipsos, réalisée en partenariat avec Logica Business Consulting pour Doing Good Doing Well et publiée jeudi, épingle certaines mauvaises habitudes alimentaires des jeunes qui constituent clairement des facteurs d’obésité.

Isabelle Darnis, diététicienne, spécialiste de l’adolescence et membre de l’association lyonnaise ABC Diététique (qui fait notamment des actions de sensibilisation en milieu scolaire), commente les principaux résultats de cette étude réalisée en septembre sur un échantillon représentatif de 1000 jeunes de 15 à 25 ans.

Un jeune sur cinq est en situation de surpoids ou d’obésité. Ce phénomène est sous-évalué puisque parmi eux, trois sur dix estiment êtres minces ou de corpulence normale.

«Il y a en effet un souci  de diagnostic. Personne ne veut s’atteler à ce problème… On a du mal à recruter pour s’occuper de ces patients. Les pros sont mal outillés. Il y a eu plusieurs PNNS, la diffusion de réglettes, il est très facile de calculer son IMC sur internet… Mais il y a un problème d’accompagnement. Les jeunes vont chez le médecin pour un rhume, pas pour dire qu’ils ont un problème de poids. De l’autre côté, le médecin ne fait pas forcément le chemin vers eux.»

Un certain nombre de mauvaises habitudes alimentaires très diffusées sont des facteurs d’obésité. Par exemple, 54% des 15-25 ans déclarent ne pas manger au moins un repas sur deux à heure fixe.

«Pour moi, ce n’est pas très grave… Bien sûr, le corps aime la régularité. Mais généralement, quand on entre dans la vie active – ce qui arrive de plus en plus vers 25 ans! – ou que l’on s’installe en couple, la régularité revient.»

48% des jeunes sondés ne prennent pas de petit déjeuner au moins un matin sur deux.

«Si ce n’est pas plus! C’est déjà à partir de la 6e que les chiffres chutent, les jeunes commencent à sauter le petit déj’. Au début, cela est dû à un manque d’encadrement parental, mais aussi aux rythmes scolaires. Les jeunes se couchent tard et donc se lèvent le plus tard possible. S’ils veulent éluder une étape, ce sera plus le petit déj’ que le choix des fringues! Pour eux cela n’a pas d’intérêt, surtout quand la faim n’est pas au rendez-vous. Mais le matin, il faut le temps que l’appétit s’installe! Il se peut aussi que le repas trop copieux de la veille ait une influence. Quoiqu’il en soit, les habitudes prises à l’adolescence peuvent perdurer.»

Plus d’un jeune sur trois déclare que lorsqu’il est stressé, il lui arrive de grignoter toute la journée pour se remonter le moral.

«La pub a banalisé le grignotage! Par exemple cette pub pour les Kinder Bueno, «pour les faims d’après-midi»… Mais de quelle faim parle-t-on? Parce qu’un Kinder Bueno c’est un petit plaisir, mais le plaisir ne remplit pas la faim. Aussi, quand on mange à la cantine ou à la fac, c’est souvent pas terrible… Alors les jeunes ont faim et se jettent sur des aliments très packagés, riches en graisses et en sucres. Et ce comportement n’est pas forcément transitoire! Je pense aussi qu’il faut redéfinir le grignotage. On grignote rapidement, debout. Quand on s’assoit, avec quelque chose que l’on s’est préparé, dans une assiette, c’est plus une collation. Cela se justifie. Mais souvent, les grands ados disent que ce genre de goûter est réservé aux enfants…»

Les jeunes consacrent très peu de temps aux différents repas: en moyenne, 9 minutes pour le petit déjeuner, 24 minutes pour le déjeuner, 27 minutes pour le dîner.

«C’est directement lié au  temps de repas, assis, ensemble, en famille.  Précisons que dans la restauration scolaire, il est recommandé de passer au minimum 20 minutes assis à table. En plus, les jeunes ont souvent la tête ailleurs, pour eux l’alimentation est fonctionnelle, ce n’est pas la peine d’y passer des heures…»

Seul un jeune sur trois déclare consommer quotidiennement à la fois des fruits et des légumes.

«Cela est rattaché à la question du coût, de la préparation plus contraignante. Le rôle parental dans l’apprentissage des fruits et des légumes est primordial… En outre, les jeunes connaissent par cœur le slogan «Mangez 5 fruits et légumes par jour», mais il a peu d’impact sur eux.  Ils se heurtent aux incitations par les pubs, avec des images de jeunes cool… En plus, quand on est jeune, on est immortel! On n’ est pas très touché par les menaces de diabète ou de maladies cardio-vasculaires… La dimension santé de l’alimentation, on y pense plus tard!»

61% des jeunes disent manger au moins une fois sur deux leur repas devant leur écran.

«C’est une affaire entendue dans un certain nombre de familles… Dans le cas des ados, ils ne veulent plus manger avec les parents et donc vont derrière leurs écrans… Si les parents tiennent à un temps d’échange, tous ensemble, assis à table, je leur conseille de maintenir le cadre, tout en établissant des temps décalés, une soirée plateau repas ou chacun mange ce qu’il veut et s’amuse, ou une soirée où le jeune cuisine…»

Il existe une «fracture alimentaire»: la proportion des jeunes en état de surpoids ou d’obésité est de un sur dix dans les foyers les plus aisés, alors qu’elle est de un sur quatre dans les foyers les plus modestes.

«Il est évident que les raisons socio-économiques du surpoids sont nombreuses. Plus on a un niveau universitaire élevé, plus on a les moyens de bien se nourrir, plus on consacre du temps à l’éducation alimentaire des enfants. C’est lié aussi au nombre d’écrans dans le foyers, plus important dans les foyers défavorisés. Télé et ordinateurs entraînent de la sédentarité, une réceptivité plus grande aux pubs alimentaires… De plus, si on mange devant un écran, on ressent moins bien la sensation de satiété.»

Enfin, l’alimentation n’est pas un poste prioritaire dans les dépenses des jeunes, puisque plus d’un jeune sur quatre est prêt à sacrifier la qualité et la quantité de son alimentation au profit de son habillement (31%) ou de la téléphonie mobile (25%).

«Oui, mais si de bonnes graines ont été plantées pendant l’enfance, ce résultat, comme les précédents, est juste transitoire. Sinon, il peut se prolonger bien après 25 ans…»

Article original: http://blog.slate.fr/bien-manger/2012/10/13/mauvaises-habitudes-15-25-ans-decryptage-dieteticienne/

 

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