Toux: et s'il s'agissait d'un reflux?
Irritation? Allergie? Asthme? Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)? C’est bien souvent après s’être confrontée en vain à plusieurs investigations médicales, que la toux liée à un reflux gastro-œsophagien arrive dans le cabinet du gastro-entérologue. «Contrairement à une idée répandue, la toux n’est pas si fréquente en cas de reflux gastro-œsophagien, puisqu’elle touche seulement 20% des patients concernés, précise le Dr Laurent Bochatay, gastroentérologue au Groupement hospitalier ouest lémanique, à Nyon. Mais parfois, c’est grâce à elle que l’on découvre un reflux jusque-là insoupçonné.»
Place alors au diagnostic. «Généralement, un faisceau de symptômes caractéristiques suffit à confirmer la pathologie, sans devoir recourir à des examens invasifs», explique le spécialiste. Parmi ces signes: remontées acides, régurgitations liquides, douleurs ressenties au niveau du sternum, le tout survenant dans les deux heures suivant le repas, très rarement à jeun. La marche à suivre? «En l’absence de signes de gravité, le protocole le plus fréquent est la prescription sur quatre semaines de médicaments permettant de réduire la production d’acide par l’estomac, indique le Dr Bochatay. Il s’agit d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), plus connus sous le nom de leurs molécules, esoméprazole et oméprazole entre autres. En parallèle, des mesures dites "hygiéno-diététiques" sont conseillées (lire encadré). Si le traitement fonctionne, le diagnostic se confirme de lui-même.» Quant à la suite de la prise en charge, «l’objectif est de diminuer progressivement les médicaments tout en maintenant les bons réflexes au quotidien», poursuit l’expert.
10 à 20% de la population
Les bons réflexes en cas de reflux gastro-œsophagien
Même si elles suffisent rarement à éradiquer à elles seules le reflux gastro-œsophagien, certaines mesures hygiénodiététiques peuvent atténuer les symptômes. Les conseils du Dr Laurent Bochatay, gastroentérologue au Groupement hospitalier ouest lémanique, à Nyon:
- Espacer le temps entre la fin du repas et l’heure du coucher pour éviter la position allongée avec l’estomac trop plein.
- Placer un coussin sous les épaules afin de surélever le haut du corps durant la nuit.
- Eviter les boissons gazeuses.
- Restreindre les aliments gras (chocolat, fromage, etc.) et acides (orange, citron, etc.).
Limiter le surpoids, en particulier l’excès de graisse abdominale, à l’origine d’une pression sur l’estomac pendant la nuit.
Certains cas requièrent toutefois une tout autre attitude. Si la prise d’IPP ne donne pas de résultats probants, en cas de difficulté de déglutition ou de sensation désagréable lors du passage des aliments dans l’œsophage, une endoscopie et éventuellement une pH-impédancemétrie s’imposent.
L’objectif de la première: observer par le biais d’une caméra introduite par la bouche l’œsophage et l’estomac, afin de déceler d’éventuelles lésions causées par les remontées acides. Quant à la seconde, son principe est de croiser en temps réel les symptômes du patient avec les variations d’acidité dans l’œsophage. Un examen efficace, puisqu’il permet de confirmer ou d’infirmer directement la présence d’un reflux, mais plus contraignant. Et pour cause, il nécessite de faire descendre une sonde nasale jusqu’à l’estomac et de la maintenir sur 24 heures. Pendant ce laps de temps, le pH à l’intérieur de l’œsophage est mesuré en continu, tandis que chaque épisode de toux ou de remontée acide est notifié par le patient.
«Touchant 10 à 20% de la population, le reflux gastro-œsophagien se traite relativement bien dans une grande majorité des cas, relève le Dr Bochatay. Mais lorsque de telles investigations supplémentaires se justifient, elles sont cruciales.» Et de rappeler: «Le reflux gastro-œsophagien non traité est l’une des principales causes de cancer de l’œsophage.»
Quant aux origines du reflux, elles sont diverses, mais toutes liées à une mauvaise occlusion du sphincter œsophagien inférieur. Sous les traits d’un anneau musculaire complexe, cette structure bloque la remontée des aliments ou des liquides dès lors qu’ils sont entrés dans l’estomac. Mais, en raison d’une hernie hiatale (remontée de l’estomac dans l’œsophage) ou d’une anomalie du sphincter lui-même, l’occlusion peut être incomplète.
Bien qu’elles soient plus complexes, ces causes ne se soldent pas forcément par un acte chirurgical. «Depuis l’arrivée des IPP, la chirurgie est beaucoup moins fréquente que par le passé, relate le Dr Bochatay. Ce qui est plutôt positif. Non seulement car modifier ce sphincter œsophagien est complexe et délicat, mais également car la chirurgie ne donne pas toujours les résultats espérés sur le long terme.» En attestent ces chiffres: 10 à 30% des personnes opérées doivent, cinq ans après l’opération, reprendre un traitement d’IPP en raison d’une récidive de leurs symptômes.
Si les IPP apparaissent donc comme le remède clé, une prise sur le long terme les expose à la controverse en raison de leurs possibles effets secondaires. «En cas de prise sur plusieurs années, la principale conséquence observée est une légère augmentation du risque d’ostéoporose, détaille le Dr Bochatay. C’est une conséquence relative au vu des bienfaits considérables de ces médicaments, mais bien sûr à prendre en compte. Raison pour laquelle l’objectif est toujours de limiter le traitement, tant sur la durée qu’en termes de dosage.»
Version bébé, un reflux beaucoup plus anodin
Très fréquent, le reflux gastro-œsophagien des nourrissons est le plus souvent sans gravité. En cause: avalé depuis peu de temps, le lait remonte tout seul depuis l’estomac vers l’œsophage. La raison? Le sphincter censé éviter ce reflux n’est pas encore mature et étanche. Dans la grande majorité des cas, ces régurgitations sont bénignes, disparaissent au fil des mois et s’améliorent avec l’introduction des aliments solides.
Quand s’inquiéter?
«Le reflux simple ne donne pas la moindre toux chez les bébés, rappelle le Dr Andrés Pascual, médecin-chef co-responsable du Service de pédiatrie du Groupement hospitalier ouest lémanique, à Nyon. Mais il nécessite une prise en charge médicale dès lors qu’il s’accompagne de signes d’inconfort, d’une mauvaise prise de poids, de vomissements en jet ou si l’enfant devient pâle et peine à respirer pendant l’épisode.» Et de rappeler: «Un reflux intense et persistant peut cacher une autre pathologie. Il ne faut donc pas hésiter à consulter en cas de doute.»
Conseils
Les conseils du Dr Pascual pour limiter le reflux:
- Veiller à ce que le rot soit bien fait après chaque tétée ou biberon.
- Donner si besoin des quantités moins importantes mais de façon plus rapprochée.
- Vérifier que la tétine ne laisse pas passer le lait trop rapidement.
- Eviter une position prolongée dans le transat ou dans le maxi-cosi.
- Eviter le tabagisme passif, qui constitue un facteur aggravant du reflux.
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Paru dans le Quotidien de La Côte le 05/06/2019.
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