Le goût, un sens complexe et un instinct de survie
Le goût, juste une affaire entre la langue et le cerveau
Faux. Bien sûr, une cascade de réactions chimiques –encore mal connues dans le détail– s’active lorsque notre salive se mêle aux aliments pour libérer leurs molécules «sapides», autrement dit porteuses de saveurs. Captés par les bourgeons gustatifs nichés dans les papilles de la langue, les composés sucrés, salés ou encore amers sont traduits en influx nerveux pour fuser jusqu’à plusieurs structures de notre cerveau: le thalamus (analyse du goût), le système limbique (siège des émotions), l’hypothalamus (circuit de la récompense et du plaisir) et l’hippocampe (acteur de la mémoire). Mais le goût est un sens qui travaille en équipe: odorat, vue, toucher et même audition ont le pouvoir de modifier le goût parvenant au cerveau. C’est ainsi que coloré en rouge, un vin blanc pourra tromper les plus fins œnologues, qu’une pomme ayant perdu son croquant sera privée malgré elle d’une partie de sa saveur ou que tout aliment semblera méconnaissable en cas de nez bouché.
Nos préférences alimentaires se dessinent déjà in utero
Vrai. Les saveurs changeantes du liquide amniotique dans lequel le fœtus baigne restent dans sa mémoire gustative, tout comme les aliments qui sont présentés à l’enfant les premières années de sa vie. C’est ainsi que sur la base de nos gènes et de nos expériences culinaires, le goût se construit tout au long de la vie. Reste que la diversification alimentaire, étape initiée autour du cinquième mois du bébé et cruciale pour garantir au fil du temps les apports nutritionnels nécessaires à l’organisme, est un tournant majeur. La tactique pour élargir sans heurt la palette du goût? Miser sur la variété des aliments, dans leurs formes, leurs couleurs, leurs textures… sans forcer l’enfant (au maximum une cuillère à café, de temps en temps, s’il n’aime pas). Ainsi ouverts à une multitude de saveurs, lui (et ses parents!) vivront d’autant plus sereinement deux caps potentiellement chaotiques: la néophobie alimentaire des 2-3 ans, phase de crainte où l’enfant rejette tout ce qu’il ne connaît pas, et l’adolescence, où le jeune aura tendance à resserrer son alimentation sur quelques mets, généralement peu recommandables d’un point de vue diététique. Le mot d’ordre: patience… et garder en tête qu’il faudrait jusqu’à quinze expositions à un aliment qui nous rebute pour l’apprécier.
La grossesse change le goût
Vrai. En s’impliquant pour la santé de la mère et du fœtus, les papilles vont passer commande pour plus de salé et moins d’amer. Pourquoi plus de salé? Parce qu’enceinte, une femme a besoin d’augmenter sa consommation en sel pour assurer la profusion d’échanges chimiques s’opérant en elle. Quant à l’aversion pour l’amer, elle trouverait son origine dans les réflexes primitifs inscrits dans nos gènes depuis le temps des cavernes: l’amertume reste associée au danger pour notre cerveau.
Avec l’âge, l’attrait pour le salé augmente
Vrai et Faux. Le réflexe de saler davantage ses plats avec l’âge n’est pas lié à un palais qui devient plus friand d’anchois ou de chips, mais s’explique par la diminution du nombre de récepteurs gustatifs présents sur la langue. Résultat: la tentation de saler plus, voire trop. Un réflexe potentiellement néfaste puisqu’il aggrave le risque d’hypertension artérielle.
Le bout de la langue détecte le sucré, les côtés, l’acide, etc.
Faux. C’est en tout point de la langue que les quelque 10’000 bourgeons gustatifs cachés dans nos papilles font travailler la centaine de récepteurs qu’ils contiennent chacun. Ces «capteurs de saveur» sont de cinq sortes, correspondant aux cinq groupes de molécules nécessaires à notre survie que nous avons baptisées: sucré, salé, amer, acide et umami. Moins connu que les autres, ce dernier, qui signifie «délicieux» en japonais, fait référence à la saveur des aliments comme le bouillon, le fromage ou la viande, autant d’aliments riches en glutamate, une molécule nécessaire à notre production de protéines.
Le bruit perturbe le goût
Vrai. La finesse de notre goût serait perturbée dès 60 décibels, soit le son produit par une discussion normale! Les discussions houleuses terniraient la saveur des aliments. Quant à la télévision, elle nous fait tout simplement manger plus. L’explication à tout cela: le goût et la régulation de ce que nous consommons sont le fruit d’un dialogue entre les informations provenant de l’environnement (bruit, distraction, etc.) et ce qui est perçu «de l’intérieur» par nos sens. Dès lors, lorsqu’il est inondé de stimuli extérieurs, le goût s’éteint et les coups de fourchette se poursuivent par automatisme.
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Paru dans Planète Santé magazine N° 26 - Juin 2017