Jeûne et santé font-ils bon ménage?
Jeûner, c’est rebooster son corps. Depuis 50 ans, d’abord en ex-URSS, puis en Allemagne et aux USA, des médecins et des biologistes explorent les effets de la restriction calorique sur l’organisme et son influence sur certaines maladies. Une approche complémentaire aux perspectives inattendues. C’est ce que le documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade diffusé récemment sur Arte a mis en lumière. Le jeûne thérapeutique a ses adeptes et ses détracteurs. Récit d’une controverse.
Sibérie et Allemagne à la diète
En Sibérie, la diète est un élément central de la politique de santé publique. Un sanatorium propose même depuis 1995 un centre de jeûne où les patients ne boivent que de l’eau, et ce pendant une dizaine de jours. En 15 ans, 10’000 patients y ont fait une cure pour des problèmes de diabète, d’asthme, d’hypertension, d’allergies ou de rhumatismes. Cette pratique thérapeutique est le fruit de 40 ans d’expériences scientifiques pratiquées par des chercheurs soviétiques, d’abord sur des malades psychiatriques. Selon ces études, qui n’ont jamais franchi le mur de Berlin, autant un psychisme défaillant que des maladies somatiques seraient traités par le jeûne.
Mais comme sanatorium sibérien et hôpitaux psychiatriques d’URSS n’inspirent pas vraiment spontanément une grande confiance en matière de science et de médecine, regardons ce qui se fait sous des latitudes plus proches. En Allemagne, par exemple, 15 à 20% de la population affirme avoir jeûné et un centre de jeûne renommé existe aux bords du lac de Constance depuis 60 ans: la clinique Buchinger. Le menu y est un peu plus riant que dans les steppes sibériennes: soupe légère ou jus de fruits. Les patients viennent y suivre des cures d’une à trois semaines, par exemple pour soulager leurs rhumatismes ou retrouver un foie de taille normale.
A Berlin aussi, la diète est à la mode. Puisqu’on jeûne même à l’intérieur du plus grand hôpital public d’Europe, la Charité. En effet, dans une annexe de cette institution, un bâtiment réserve un étage aux patients qui y jeûnent selon la méthode Buchinger. Des gens qui souffrent principalement de syndrome métabolique, de problèmes cardiaques ou de rhumatismes.
Jeûner pour le fun
En France et en Suisse, il existe des stages de jeûne, mais, nuance, ils sont destinés aux gens… en bonne santé. Il s’agit essentiellement de boire des tisanes pendant une semaine. Une cure de bien-être destinée à remettre les compteurs à zéro et à éveiller l’esprit, sur un modèle importé d’Allemagne. Pas un gramme de nourriture solide, mais des aliments liquides. On ne se contente pas d’amour et d’eau fraîche, mais on consomme quelques tisanes et bouillons. Le reste du temps, c’est randonnées et rencontres avec des naturopathes, ou alors yoga et débats sur la nutrition. Une parenthèse consacrée à son corps et son alimentation, conçue comme un séjour de vacances.
Outre ces cures new age et hormis le cadre religieux (carême ou ramadan), le jeûne n’est pas pratiqué fréquemment sous nos latitudes. Et il provoque même souvent une certaine méfiance car on l’associe parfois à des dérives sectaires ou aux gourous et autres charlatans qui promettent la guérison par l’ascèse. Surtout que jeûner de manière extrême peut modifier le fonctionnement du cerveau. Pour le plus grand bonheur des sectes, avertissent les détracteurs de la diète forcée.