Intolérance au gluten: un test sanguin vient d’être mis au point
Le gluten? C’est la fraction protéique, insoluble, présente dans les grains de céréales, et notamment du blé. Il semble en passe de devenir l'ennemi alimentaire numéro 1 dans le monde occidental. Le gluten est depuis longtemps exclu de l'alimentation des personnes atteintes par la maladie cœliaque, une affection qui touche environ 1% de la population mondiale. Mais il est aussi aujourd'hui honni par de nombreuses personnes qui n'en souffrent pas. Elles sont convaincues que l'ingestion de gluten aurait des effets fâcheux sur leur organisme.
Sous-diagnostic
La maladie cœliaque est la conséquence de réactions immunitaires anormales de l’organisme face au gluten présent dans l'alimentation. Cette allergie provoque des troubles digestifs (nausées, vomissements, ballonnements et diarrhées) ainsi que divers autres désordres organiques. On estime aujourd’hui que la maladie cœliaque toucherait environ une femme sur soixante et un homme sur quatre-vingt. La plupart (environ 80%) restent non diagnostiqués, et ignorent donc leur état.
Hollywood
Aujourd’hui les stars d’Hollywood chantent les louanges des régimes sans gluten. Près d'un tiers des citoyens américains disent aujourd'hui s'intéresser aux aliments de ce type, et cet engouement gagne peu à peu l'Europe. Le Dr Christophe Deluze (Genève) résume la situation en ces termes: «Beaucoup de gens se disent aujourd’hui intolérants ou allergiques au gluten, parce qu’ils méconnaissent les vrais symptômes et conséquences de ce trouble. Et certains praticiens de médecines alternatives prônent l’exclusion alimentaire du gluten dans tous les cas, sans s’assurer au préalable que leurs patients souffrent bien de la maladie.»
Ostéoporose
Ce désir d'échapper aux effets néfastes (réels ou supposés) du gluten pourrait fort bien, de manière paradoxale, compliquer le diagnostic de la maladie cœliaque. La prévalence de cette affection est estimée à 0,7% aux Etats-Unis, mais 83% des personnes touchées ne le savent pas. En pratique il est difficile de faire et de confirmer ce diagnostic pour deux raisons. D’abord parce qu’il y a de nombreux autodiagnostics basés sur une réaction symptomatique aux régimes sans gluten. Ensuite parce que les recommandations officielles (effectuer une biopsie intestinale quand la personne consomme encore du gluten) sont rarement suivies.
Les nombreuses personnes qui suivent un régime sans gluten devraient en recommencer à en consommer durant les semaines ou les mois précédant une biopsie intestinale. C'est là une précision d'importance car les personnes atteintes qui suivent un régime sans gluten (sans savoir si elles sont allergiques) s'exposent à des complications, comme l'ostéoporose.
Verdict en trois jours
C’est dans ce contexte qu’une équipe de chercheurs de l'Institut de recherche médical australien Walter and Eliza Hall, annonce avoir mis au point un test sanguin permettant un diagnostic plus rapide (et nettement moins inconfortable) de la maladie.1 Ce test mesure, à partir d’une prise de sang, les quantités de cytokines libérées par la réponse des lymphocytes T au gluten après trois jours de consommation de ce dernier. Son verdict positif est hautement prédictif de la maladie cœliaque: il a permis de détecter la majorité des participants connus pour être intolérants, et s’est avéré négatif chez toutes les personnes qui ne l’étaient pas.
L’étude a été menée chez 48 personnes (27 malades traités, 4 malades non traités et un groupe contrôle de 17 personnes en bonne santé). Les auteurs expliquent que leur test sanguin a permis le diagnostic de la maladie, à la fois avec précision et au bout de trois jours seulement. Des études complémentaires de plus grande ampleur seront toutefois nécessaires pour tirer pleinement parti de cette découverte. Le test ne sera pas mis à la disposition de l'ensemble de la population avant plusieurs années.
L’ivraie et le bon grain
Ce test pourrait également être une méthode permettant d’assurer le suivi de l’efficacité de traitements qui visent à rétablir une tolérance de l’organisme au gluten (comme Nexvax2 ®, un composé développé par la firme ImmusanT où travaille l’un des auteurs de la publication).
Les allergies et les intolérances au gluten progressent de par le monde. Une partie d'entre elles peuvent sans doute être attribuées à l'effet nocebo. Ce nouveau procédé pourrait permettre d’aider les médecins et les personnes concernées à séparer le bon grain de l'ivraie.
1. Ce travail vient d’être publié dans la revue Clinical & Experimental Immunology. Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici.