Quand bébé se fait un petit café

Dernière mise à jour 05/04/12 | Article
Un bébé dans une tasse
Un nouveau «trend» tout droit venu d’Australie fait son petit bout de chemin dans la Grande Pomme. Les jeunes enfants new-yorkais sont en train de troquer leur biberon de 4 heures pour la nouvelle boisson dans le vent: le babyccino.

A l’heure ou papa et maman sirotent un café en parlant finance ou politique, bébé lui se fait donc une petite tasse de déca édulcoré en les écoutant. Selon les préférences des revendeurs, le breuvage contient de la mousse de lait rehaussé d’un shot de café décaféiné ou tout simplement cette même mousse de lait relevée à la cannelle. Rien de bien effrayant, peut-être, mais pas sûr… Car contrairement aux idées reçues, une préparation décaféinée peut contenir entre 12-15 mg/tasse de caféine.

Avant de céder à une panique pour l’heure totalement non justifiée, revoyons un peu nos basiques en matière de caféine et ses effets sur l’enfant.

Si la substance est devenue la boisson de prédilection d’une bonne partie de la planète, elle a également un usage thérapeutique: «la caféine est un psychostimulant de la classe des méthylxanthines utilisée chez l’adulte et l’enfant en cas de migraine, de somnolence ou d’asthme dans certains pays, ainsi qu’en cas d’apnée du prématuré», explique le Dr Manuel Diezi, de l’unité d'Hémato-Oncologie Pédiatrique et de la Division de Pharmacologie Clinique au CHUV. 

Pour le grand public cependant, la caféine reste connotée à la boisson préférée de George Clooney... Une boisson au comportement largement addictif. «La caféine est l’une des drogues les plus consommée au monde. Ses sources principales sont bien entendu le café, mais aussi thé, et cacao qui peut également contenir un composé organique de la caféine, ainsi que de la caféine pure», continue le Dr Diezi.

Si de manière globale la caféine n’est pas mauvaise ni pour l’homme ni pour l’enfant, c’est en fonction de son dosage que grandira sa toxicité.  «Chez l’adulte, des doses élevées de caféine ont par exemple été associées à l’apparition de troubles du rythme cardiaque», commente l’expert.

L’enfant une proie facile?

On penserait à priori qu’un enfant aurait tendant à réagir différemment à la caféine qu’un adulte, une idée que nuance le Dr Diezi: «Le métabolisme de la caféine change et évolue en fonction de l’âge postnatal de l’enfant. Au-delà d’une année cependant, il est grossièrement similaire à celui de l’adulte. Il n’est pas exclu d’autre part, que le développement cérébral, qui ne s’arrête que très tardivement (vers l’âge de jeune adulte) puisse influencer la réponse à différents médicaments psychostimulants, dont la caféine. Si l’administration de caféine à des nouveau-nés, pour des indications thérapeutiques, est relativement courante, ses effets toxiques à court terme (tachycardie, troubles du sommeil) ou à long terme, avec d’éventuels troubles du développement, ne sont que peu étudiés chez l’enfant. Nous savons néanmoins que quelques études ont mis en évidence des effets pharmacologiques clairs, en particulier chez l’adolescent, notamment de troubles de l’endormissement et des somnolences diurnes.»

Soit, mais si un enfant se met à apprécier le babyccino, et se met à en boire de plus en plus, avec la permission de ses parents bien entendu, peut-il tomber dans un cycle de dépendance? «Si les quantités de caféine sont suffisamment importantes et la durée d’administration suffisamment longue, je ne vois pas pourquoi les enfants ne développeraient pas le même type de dépendance que les adultes. Les conséquences à long terme d’une telle dépendance ne sont cependant pas connues.» Mais pour ce qui est du babyccino, pas trop de souci à se faire souligne le spécialiste, les doses de caféine que l’on y trouve étant très faibles,  certains ne contenant même que de la mousse de lait. «Les versions “déca”, du babyccino contiennent de la caféine, mais en quantité nettement moindre. En buvant d’autant plus de “tasses”, on peut théoriquement arriver à des doses importantes, mais cela semble peu probable», continue le Dr Diezi. 

Et de conclure «Les aspects éthiques d’un tel marketing, le coût apparemment exorbitant d’une petite tasse de mousse de lait teintée de café ou de cannelle, et les éventuels autres aspects nutritionnels (contenu calorique: sucre? lait entier?) me semblent plus préoccupants.»

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