Thigh-gap: gare à l’engrenage!
Rêver de jambes minces et fuselées n’a a priori rien de nouveau. En la matière, quelques inégalités demeurent forcément… Ainsi, certaines femmes présentent un espacement naturel entre les cuisses lorsqu’elles sont en position debout, pieds joints, d’autres pas. Question de masse corporelle, d’activité physique, mais également de nature. Certaines ne pourront en effet jamais voir d’espace se dessiner entre le haut de leurs jambes du fait de la structure de leur bassin, au même titre qu’il est impossible d’augmenter l’espace entre les deux yeux.
Sauf que, depuis quelques mois, un terme, le thigh-gap (littéralement, l’écart entre les cuisses), est venu désigner cette particularité de la silhouette féminine. Comme une traînée de poudre, il a déferlé sur les forums internet, les réseaux sociaux, et s’est immiscé dans les discussions à l’école. S’il pose problème, c’est parce qu’il va alors bien plus loin qu’une simple comparaison de morphologies, mais devient la quête absolue d’adolescentes prêtes à toutes les privations alimentaires pour l’obtenir.
Les signes qui doivent alerter
Faut-il pour autant parler de phénomène en soi? En réalité, pas vraiment, estime la doctoresse Alessandra Canuto, psychiatre responsable du programme Espaces de soins pour les troubles des comportements alimentaires (ESCAL) des Hôpitaux universitaires de Genève: «Il n’est, à l’origine, rien d’autre que la manifestation de la minceur, tout comme l’est le ventre plat. A ce titre, il peut servir d’indicateur de son propre corps face au miroir. Beaucoup d’adolescentes vont pouvoir aborder le sujet avec une simple curiosité, éventuellement comme motivation pour se mettre au sport et avoir des jambes un peu plus galbées. Mais l’histoire s’arrêtera là!»
Pour d’autres, le thigh-gap a pris une tout autre ampleur et a viré à l’obsession. Les signes qui doivent alerter? «Des restrictions alimentaires exagérées, du sport à outrance, une vie sociale qui s’amenuise, et surtout une tristesse profonde qui se cristallise autour d’une perte de poids jamais satisfaisante», indique Alessandra Canuto. «Pour des jeunes filles plus fragiles, chahutées par une adolescence qui leur fait perdre leurs repères, ce qui apparaît au départ comme une recherche d’amaigrissement somme toute assez banale peut rapidement basculer vers l’anorexie mentale», renchérit Laurent Holzer, médecin adjoint au Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à Lausanne. Avant de rappeler que «l’anorexie est une maladie grave, dont il est difficile de se remettre définitivement. La guérison est souvent un processus long, avec des risques de rechute élevés.»
Conseils
Quelques contacts
- ESCAL
Espaces de soins pour troubles du comportement alimentaire, Hôpitaux universitaires de Genève
Tél. 022 372 38 62
- SUPEA
Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Lausanne
Tél. 021 314 19 53
- ABA Association Boulimie Anorexie
Lausanne Tél. 021 329 04 39
Essentiel de réagir vite
Si les chiffres font état, en Suisse, d’un taux relativement faible de cas d’anorexie mentale – 0,5% de la population –, le taux de mortalité qui y est associé frôle les 5%, une proportion considérable pour un trouble mental. Quand les symptômes se manifestent, une prise en charge rapide, et aussi précoce que possible, est donc essentielle.