Obésité infantile: la publicité mise en cause
«Le profil nutritionnel de l’OMS peut aider à réguler»
Barbara Pfenniger, responsable alimentation à la Fédération romande des consommateurs (FRC), constate que d’autres pays ont déjà pris des mesures pour réguler les publicités des denrées alimentaires: «L’Autriche veut utiliser le profil nutritionnel établi par l’OMS pour réglementer la publicité. Ce profil classe les aliments en fonction de leur composition nutritionnelle. Cet outil n’interdit pas de vendre des produits qui ont un moins bon profil, mais permet de limiter leur marketing ciblé sur les enfants.» En 2020, la FRC et d’autres fédérations suisses et européennes avaient écrit à différents fabricants pour leur demander de cesser d’utiliser des mascottes sur leurs emballages. Les réponses tardent à venir. «Les enfants, dès 4 ans, décident déjà du type de céréales du petit-déjeuner achetées par leur famille, poursuit Barbara Pfenniger. C’est malhonnête de prendre les mineurs pour cible du marketing! La FRC a créé un emballage fictif de céréales qui décrypte bien les astuces utilisées pour séduire les plus jeunes. C’est un bon outil pour discuter en famille de cette thématique**.»
La pâte à tartiner à l’huile de palme qui met de bonne humeur toute la famille ou encore les friandises garantes d’une soirée réussie sont autant d’images positives de la malbouffe qui incitent les plus jeunes, ou leurs parents, à acheter de tels produits. Si les messages véhiculés sont joyeux, la valeur nutritionnelle est souvent déplorable. «Aujourd’hui en Suisse, 17,2 % des enfants sont en surpoids et chez les adultes ce pourcentage monte à 40 %, explique Laurence Margot, diététicienne indépendante installée à Pully. On ne peut plus nier que le surpoids est un problème de santé publique.»
Diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, problèmes métaboliques font partie des conséquences du surpoids, auxquelles s’ajoutent parfois des troubles du comportement alimentaire. « D’un côté, on fait l’apologie de la malbouffe via les publicités, entre autres et, de l’autre, on martèle les consommateurs de messages culpabilisants sur l’alimentation », déplore la Dre Anne-Emmanuelle Ambresin, médecin-cheffe de la Division interdisciplinaire de santé des adolescents (DISA) à Lausanne.
Malbouffe attrayante
Laurence Margot a terminé un travail sur la régulation de la publicité influençant les choix alimentaires des jeunes. Elle explique: «La Suisse est laxiste en matière de marketing ciblé sur les enfants. Certaines entreprises ont cependant signé une convention volontaire baptisée Swiss Pledge*, mais elle est peu contraignante. Elle impose une restriction des campagnes publicitaires destinées au moins de 12 ans et une interdiction de diffusion pendant les émissions de télévision pour enfants, mais cela n’a que peu d’impact. Les jeunes sont également devant l’écran pendant les primes times.»
Spots télévisés, affiches et mascottes: tout est pensé pour rendre la malbouffe attrayante auprès des petits. «Les grandes marques investissent des milliards pour vanter les mérites de leurs produits auprès des plus jeunes et ça marche, affirme la Dre Nathalie Farpour-Lambert, médecin responsable du Programme Contrepoids des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et consultante pour l’OMS. Les parents veulent faire plaisir à leurs enfants et se laissent parfois berner par des messages biaisés. À l’instar des céréales du petit-déjeuner, bourrées de sucres mais dont le paquet mentionne qu’elles sont riches en fibres ou en vitamines…»
Les supermarchés ont compris que les petits ont un pouvoir énorme sur leurs parents : sucreries et autres snacks soient placés à hauteur d’yeux d’enfants.
Étiquetage et marketing digital
Alors que faire pour éviter que nos bambins ne deviennent les victimes d’un marketing qui laisse entendre que la clef du bonheur se trouve dans un goûter hyper sucré, mais « riche en calcium », ou dans un hamburger vendu avec un jouet en plastique? «Il faudrait légiférer sur l’étiquetage et également sur le marketing digital, à savoir toute la promotion qui est faite sur les réseaux très prisés des jeunes, poursuit la Dre Farpour-Lambert. On pourrait également proposer des mesures incitatives en baissant la TVA des produits plus sains. Enfin, il convient de mettre en place une taxe sur le sucre. La Suisse n’oblige pas les fabricants à indiquer la quantité de sucres ajoutés, d’où la difficulté de les taxer…»
Le Dr Claude Bertoncini, président du Groupement des pédiatres vaudois, est catégorique: «Les entreprises utilisent la naïveté des enfants pour leur vendre des produits mauvais pour leur santé. Il faudrait interdire toute forme de marketing qui s’adresse à eux. Est-ce juste d’utiliser les mineurs comme des proies? La Suisse devrait taxer davantage la malbouffe. Et ce d’autant que l’on constate que le surpoids touche davantage les familles à bas seuil. Rendre de tels produits plus chers aiderait à en limiter la consommation, tout comme faire de la prévention dans les écoles.»
Et Laurence Margot de conclure: «La publicité ciblée viole plusieurs principes de la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU ratifiée par la Suisse en 1994. Parmi lesquels, le fait de le préserver de toute exploitation préjudiciable à son bien-être.»
Les coûts de l’obésité se montent à 9,5 milliards
La Dre Anne-Emmanuelle Ambresin, médecin-cheffe de la Division interdisciplinaire de santé des adolescents (DISA) à Lausanne, ne mâche pas ses mots, pour elle «ce n’est pas éthique de continuer à inonder les enfants de publicités pour la malbouffe». D’ailleurs, les coûts directs de l’obésité en Suisse sont estimés à 9,5 milliards par an. «Cela dépasse les coûts imputables aux méfaits de l’alcool et du tabac cumulés», explique Laurence Margot, diététicienne indépendante installée à Pully.
Pour la Dre Ambresin, l’obésité est un véritable fléau qui provoque un nombre important de maladies somatiques chez les jeunes. «Le monde médical sait aujourd’hui à quel point le microbiote est une mine d’or pour l’organisme. Les bactéries qu’il contient constituent un facteur protecteur pour la santé. La nourriture vantée par les publicités, en particulier les aliments trop sucrés, sont peu favorables au maintien d’un bon microbiote. Mettre des bonbons aux caisses des supermarchés fait partie de ces rouages marketing qui visent spécifiquement l’attraction des jeunes dès leur plus jeune âge! Ils contiennent des colorants, parfois même des additifs cancérigènes reconnus, et leur teneur en sucre les rend particulièrement addictifs! Il ne faut pas oublier que les adolescents sont dans une phase de leur développement cérébral qui sensibilise le système de récompense. Ils sont particulièrement sensibles à tout ce qui peut procurer un plaisir immédiat et ce type de nourriture en fait partie.»
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*swiss-pledge.ch
**frc.ch/comment-on-emballe-nos-enfants
Paru dans Le Matin Dimanche le 27/03/2022
La diversification alimentaire, une période clé
"Pour perdre du poids, ne faites surtout pas de régime "
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Premiers aliments et allergies
Obésité
L’obésité est une maladie qui augmente le risque de survenue d’autres maladies et réduit l’espérance et la qualité de vie. Les patients atteints de cette accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle nécessitent une prise en charge individualisée et à long terme, diététique et comportementale.