Cannabis: médicaments à l’horizon

Est-il possible de s’opposer aux effets recherchés par les consommateurs de cannabis sur leur cerveau? Plus précisément, une molécule peut-elle bloquer l’action du tétrahydrocannabinol (THC), principe actif de cette drogue? Une étude internationale1 le laisse espérer. Elle montre – pour l’heure chez le rat et le singe de laboratoire – qu’il est possible d’enrayer l’exacerbation du système neuronal de récompense déclenchée par la consommation de cannabis. Cette découverte pourrait ouvrir une nouvelle voie thérapeutique contre les phénomènes de dépendance, ce grand fléau de la santé publique.
Risque de maladie mentale
Longtemps banalisée, souvent revendiquée, la consommation de cannabis peut exposer à de sérieux risques physiques et psychologiques. Tout particulièrement à l’adolescence, lorsque la maturation neuronale cérébrale n’est pas achevée. Une série de résultats médicaux et scientifiques convergent et concluent sur le fait que la consommation précoce et importante des principales substances responsables de dépendance augmentent les risques de maladie mentale. Une démonstration récente en a été faite pour le cannabis. D’autres travaux évoquent le risque de création de lésions cérébrales irréversibles.
Sans doute tous les usagers ne développeront pas de dépendance et tous ne seront pas atteints par les conséquences les plus graves de cette consommation. Mais on ne doit pas pour autant les sous-estimer, notamment chez les jeunes personnes les plus vulnérables, au fil des mois puis des années de consommation. Compte tenu des failles des politiques de prévention, il est très important de trouver les voies permettant de prévenir de tels risques.
Bloquer le «système de récompense»
Les auteurs de cette étude internationale2 annoncent avoir découvert que l'augmentation des niveaux d'une substance chimique naturelle peut bloquer les effets du THC sur le système cérébral de récompense.
Les chercheurs travaillaient, sur des rats et des singes, à réduire la consommation de substances cannabinoïdes et à prévenir les rechutes en bloquant le système cérébral de récompense du cerveau. Ils se sont plus particulièrement intéressés à une substance chimique naturelle présente dans le cerveau et connue sous le nom d’acide kynurénique (Kyna). Cette molécule a la propriété de modifier la forme d'un récepteur impliqué dans la modulation des effets du cannabis. Leur hypothèse de travail était qu’en réduisant l’effet de récompense induit par la consommation on peut réduire la dépendance.
Singes sevrés
En jouant sur différents mécanismes moléculaires, les chercheurs sont parvenus à augmenter les niveaux de Kyna – en agissant sur des activités enzymatiques spécifiques et en utilisant un composé bien connu dans les laboratoires: le Ro 61-8048. Ils expliquent parvenir ainsi à augmenter les niveaux intracérébraux de Kyna dans le cerveau des animaux qui pouvaient s’auto-administrer du cannabis sous une forme synthétique. Et cette augmentation correspond bien à une réduction massive de leur consommation. Le plaisir n’étant plus au rendez-vous, le THC ne présente pratiquement plus aucun intérêt.
Ces phénomènes se produisent plus précisément dans deux régions cérébrales concernées dans les mécanismes du système de récompense (le noyau accumbens et l'aire tegmentale ventrale). Par la suite, les animaux qui avaient été précédemment sevrés se montraient moins enclins à reprendre leur consommation, lorsqu’ils étaient traités par le Ro 61-8048. Sur l’animal les effets secondaires semblent minimes et a priori sans impact sur la mémoire. Autant d’éléments qui laissent espérer que la modulation pharmacologique des concentrations intracérébrales de Kyna puisse devenir une voie thérapeutique de la dépendance au cannabis.
Cannabis en pulvérisations thérapeutiques
Dans l’actualité médicale il est aussi question de cannabis utilisé à des fins thérapeutiques. La firme GW Pharmaceuticals annonce la commercialisation de Sativex®. Présenté sous forme de pulvérisation buccale, cette spécialité pharmaceutique à base de cannabis est proposée dans le traitement des phénomènes de spasticité dont peuvent souffrir les personnes atteintes de sclérose en plaques.
Sativex® est pour l’heure la seule préparation pharmacologique à avoir reçu une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de cette spasticité. Le médicament est actuellement disponible sur ordonnance au Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Canada, Danemark, Norvège, Israël, Autriche, Pologne, Suède, Italie et Finlande. Il le sera bientôt dans plusieurs autres pays européens (dont la France) ainsi qu’en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Koweït.
Cette spécialité est présentée par son fabricant comme un dérivé de plants de cannabis et contenant pratiquement les mêmes teneurs en THC (tétrahydrocannabinol) et en CBD (cannabidiol) que la plante. Son efficacité n’est pas aujourd’hui unanimement reconnue dans les milieux de la pharmacologie. Des essais sont également à un stade avancé (phase III) dans une autre indication: le traitement de la douleur chez les personnes souffrant d’affections cancéreuses évoluées.
1. Ses résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Neuroscience.Un résumé (en anglais) de ce travail est disponible ici.
2. Plusieurs équipes spécialisées ont ici travaillé aux Etats-Unis (US National Institute on Drug Abuse, Harvard Medical School, Université du Maryland), en Italie (Université de Cagliari) et en France (unité 1084 de l’Inserm, Poitiers).

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