Hypertension artérielle: et si les bienfaits du vin ne devaient rien à l’alcool?
Au départ, nous avons grappillé l’information en feuilletant numériquement le New York Times. Et cette information paraîtra bientôt dans la version papier du célèbre et vieux quotidien. Nicholas Bakalar attire l’attention du lecteur sur une étude catalane qui ne manquera pas de faire jaser. Elle vient d’être publiée dans le non moins célèbre Circulation Research. Les onze auteurs sont ici dirigés par Gemma Chiva-Blanch et Ramon Estruch (Hospital Clínic de Barcelona et Instituto de Salud Carlos III).
Leur travail? Un essai clinique qui n’a pas été mené contre placebo ni double aveugle, et pour (la bonne) cause. Il a concerné soixante-sept hommes âgés de 55 à 75 ans. Tous présentaient un risque élevé de souffrir d’une maladie cardiovasculaire. Et tous étaient volontaires pour boire quotidiennement des boissons alcoolisées. Pourquoi? Parce que des études expérimentales ont ces derniers temps montré que certains ingrédients présents dans les vins rouges avaient la propriété potentielle de faire baisser les chiffres de pression artérielle. Les vertus de ces vins semblaient résider dans les polyphénols.
Les polyphénols, des antioxydants naturels?
On désigne ainsi une famille de molécules très présentes dans le règne végétal et qui prennent aujourd’hui une importance croissante dans notre univers; on leur prête des effets bénéfiques sur la santé du fait de leur rôle d’antioxydants naturels. Or, ces antioxydants sont tenus pour avoir de l’intérêt dans le cadre de la prévention des maladies cardiovasculaires, cancéreuses, inflammatoires ou neurodégénératives. On les voit de ce fait de plus en plus fréquemment utilisés comme additifs dans l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique et ce, à l’image des oméga-3. Pour ce qui est des vins rouges, la question qui demeure ouverte est celle de savoir si l’action anti-hypertensive est entièrement induite par les polyphénols qu’ils contiennent ou si la fraction alcool de ces breuvages joue aussi un rôle.
A Barcelone, on a estimé que le moment était venu de (commencer à) répondre. Ainsi, l'objectif du travail était d'évaluer les effets de la consommation de vin rouge sur la pression artérielle et de mesurer dans le plasma les taux d’un vasodilatateur naturel (le monoxyde d’azote, NO) chez des sujets à haut risque cardiovasculaire. Une fois les soixante-sept volontaires réunis, on les a préparés durant une période de deux semaines dites de rodage. Ils ont ensuite été partagés en trois groupes correspondant à trois périodes de traitement. Alimentation commune mais agrémentée pour les uns de vin rouge (correspondant à 30 grammes quotidiens d’alcool), pour les autres de gin (30 grammes d’alcool également) et, pour les derniers, d’une quantité équivalente d’un vin dit «désalcoolisé». Nous y reviendrons. Chaque période était d’une durée de quatre semaines. La provenance et l’identité du vin rouge ne sont pas connues.
Le vin «désalcoolisé» arrive gagnant
Tous les examens nécessaires ont été pratiqués en temps et en heure: mesures précises (systoliques et diastoliques) et répétées de la tension artérielle, paramètres anthropométriques et mesures biologiques au sein du plasma pour évaluer la qualité de l’oxygénation sanguine. Conclusion? Les deux chiffres tensionnels (systolique et diastolique) baissent de manière significative; mais ils baissent surtout après la consommation du vin dont on a extrait la fraction alcoolique. Pour les auteurs, aucun doute: la consommation quotidienne de vin rouge désalcoolisé pourrait être utile pour prévenir ou lutter contre les hypertensions faibles et modérées. Selon les auteurs de Barcelone, les polyphénols du vin (et non l’alcool) aurait cette propriété anti-hypertensive par l’intermédiaire de l’effet vasodilatateur du monoxyde d’azote.
«Il y a eu de nombreuses études qui montrent les bienfaits cardiovasculaires associé à la consommation de vin rouge», explique Gemma Chiva-Branche. «Notre étude ne porte que sur la pression artérielle. Si vous voulez diminuer votre pression artérielle, boire du vin rouge sans alcool peut être une bonne mesure diététique». Le problème est que l’on ne peut pas parler, en toute rigueur, de «vin sans alcool». L’alcool est en effet consubstantiel au vin: «le vin est une boisson alcoolisée» obtenue par la fermentation du raisin, fruit, pour l’essentiel, de Vitis vinifera. En Europe, la définition légale fait valoir que le vin est le produit exclusif de la fermentation alcoolique, totale ou partielle, de raisins frais, pressés ou non, ou de moûts de raisins.
Comment, dès lors, pourrait-on prescrire des vins «désalcoolisés» aux hypertendus? Il faudra innover. Et parler peut-être de boisson, sinon de décoction, aux polyphénols. Le succès risque de ne pas être au rendez-vous. Les polyphénols d’une Romanée-Conti, d’un Haut-Brion, d’un Pinot noir du Valais voire d’un Bourgueil tinteraient peut-être mieux aux tympans des hypertendus. On peut imaginer que d’autres essais cliniques sont actuellement en cours d’élaboration, cette fois en France ou en Suisse.
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