Séniors: le fléau de la dépendance à l’alcool

Dernière mise à jour 02/12/24 | Article
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Le sujet est délicat et souvent tabou, mais le passage à la retraite est en soi un facteur de risque de dépendance à l’alcool. Lorsque celle-ci est déjà installée, les probabilités qu’elle s’aggrave sont élevées, avec les problèmes de santé et psychosociaux qui en découlent. Éclairage sur un phénomène sous-estimé.

En Suisse, près d’une personne sur cinq présente une consommation d’alcool à risque. Si l’ivresse ponctuelle concerne majoritairement les jeunes, avec l’âge, on observe une augmentation marquée de la consommation quotidienne d’alcool. Celle-ci touche 35% des 65 ans et plus. Avec le vieillissement de la population et la hausse de l’espérance de vie, la problématique de la dépendance à l’alcool des seniors pourrait prendre de l’ampleur.

Une dépendance tardive

Le saviez-vous?

  • Depuis 1992, la consommation quotidienne d’alcool a baissé dans toutes les tranches d’âge, sauf chez les plus de 65 ans.
  • Les coûts économiques en termes de santé publique sont plus élevés dans la catégorie des personnes chez qui une dépendance tardive à l’alcool s’installe.
  • Parmi les 65 ans et plus, 50% souffrent d’au moins trois maladies chroniques et 20% en présentent plus de cinq.

On sait aujourd’hui que la fin de l’activité professionnelle est une période de vulnérabilité chez les personnes dont la consommation d’alcool était déjà à risque mais contrôlée jusque-là, car cette transition peut être mal vécue. Dès lors, une dépendance peut s’installer tardivement, ce qui n’est pas dénué de conséquences: dégradation de la santé, dénutrition, accélération du vieillissement et des risques neuropsychiatriques, chutes, polymédication ou encore hospitalisations plus fréquentes.

Les cas de dépendance lourde en particulier nécessitent un soutien thérapeutique intensif, impliquant hospitalisations et séjours de longue durée au sein d’institutions dédiées. Leur prise en charge peut nécessiter des soins aigus et spécifiques en addictologie, le déploiement de services de soins à domicile ainsi qu’un hébergement dans des établissements psychosociaux. À noter que la présence d’autres troubles psychiatriques potentiellement sévères rend souvent la prise en charge complexe. Du côté des personnes elles-mêmes, le désarroi peut être important. En effet, même motivées à entamer des démarches vers une abstinence ou une réduction de leur consommation d’alcool, elles ne trouvent pas toujours le soutien adéquat. Les experts le confirment: la réalité du terrain montre bel et bien une absence dans la continuité des soins. À cela s’ajoute la réticence des établissements médico-sociaux à héberger ce type de patients, n’ayant pas de prise en charge thérapeutique spécialisée à offrir.

Le temps, un facteur aggravant

Ces situations sont en effet complexes. Souvent, il y a eu, dans le passé, une forte dépendance à l’alcool avec des suivis psychiatriques et des séjours de longue date pour soigner l’addiction, des hospitalisations multiples pour sevrage ou des atteintes sévères à la santé physique. Malgré cela, la dépendance à l’alcool reste importante, les rechutes sont fréquentes et la personne touchée est souvent dans le déni face à la quantité et la gravité de sa consommation.

Or, l’âge et l’évolution dans le temps n’arrangent rien et peuvent entraîner des conséquences négatives sur la santé (troubles cognitifs, par exemple). Ces difficultés compliquent le travail thérapeutique d’introspection et de modification des habitudes de la personne concernée. La vulnérabilité psychosociale s’accentue avec des pertes affectives, un isolement social, etc., l’absence d’activité professionnelle se conjuguant avec le désengagement de la famille, l’impuissance des proches et parfois le deuil du conjoint.

Déclin de la santé avec l’âge

De plus, avec l’âge, la santé tend naturellement à se péjorer (dépression, troubles cognitifs, problèmes de sommeil). En effet, le cumul de plusieurs maladies et de leurs traitements devient généralement la règle. Aussi, la dépendance à l’alcool à un âge avancé est fréquemment associée à des maladies mentales, d’où une baisse de la qualité de vie. Une alimentation irrégulière et de moindre qualité et un style de vie moins actif sur le plan physique et social, courants chez la personne âgée, fragilisent également la santé. Dans ce contexte, l’alcool peut devenir un refuge émotionnel pour faire face à un nouvel équilibre psychique et identitaire, expliquant ces addictions tardives.

Comment s’en sortir?

Il est important que la prise en charge proposée tienne compte des problématiques physiques et psychiatriques, mais aussi sociales et familiales. Souvent, elle nécessite l’intervention de différents professionnels aux compétences spécifiques ainsi qu’une très bonne coordination du réseau de soins. En incluant tous ces aspects, il est possible d’élaborer des traitements individualisés répondant aux besoins de chacun et chacune afin de favoriser un rétablissement durable.

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* Adapté de: Robatel J, et al. Alcoolodépendance et transition vers l’âge avancé: état des lieux, Rev Med Suisse, Vol.20, no877, 2024, pp.1107-1110.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 55 – Décembre 2024

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