Quand les smartphones remplacent les appareils médicaux
D’après un sondage réalisé par le comparateur suisse Comparis, 53% des personnes interrogées possèdent un smartphone en 2013, contre 3% en 2007. Les smartphones donc, mais aussi leurs applications santé (plus de 20 000 sur Iphone® et 8000 sur Android®), connaissent un engouement certain de la part du grand public. Et ils pourraient même un jour franchir le seuil des hôpitaux pour être utilisés comme des outils de mesure par les médecins au quotidien.
Etude comparative
Le goniomètre est un outil utilisé par les médecins pour évaluer l’amplitude des mouvements articulaires. Des applications pour Iphone® remplissent la même fonction. L’idée d’une équipe de chercheurs suisses a donc été de comparer les mesures pour tester la fiabilité du logiciel. La finalité étant de déterminer son efficacité pour une éventuelle utilisation en routine.
Pour ce faire, trois cliniciens de l’équipe – un chirurgien orthopédique, le Pr B. Jolles-Haeberli, un physiothérapeute, M. L.C. Pereira et un médecin-assistant, le Dr S. Rwakabayiza – ont mis en œuvre une étude clinique. Ils ont choisi de mesurer les amplitudes articulaires actives et passives du genou, en flexion et en extension, de patients opérés d’une prothèse de genou ainsi que de volontaires sains.
Dans un premier temps, une étude pilote a été effectuée avec cinq volontaires sains pour déterminer le nombre de participants à l’étude nécessaires dans chaque groupe. A l’issue de ce premier test, les spécialistes ont choisi d’inclure vingt patients en phase postopératoire d’une pose de prothèse de genou, car ils peuvent présenter une grande variabilité des résultats de mesure. Vingt volontaires sains ont également été intégrés à l’étude, pour servir de point de comparaison.
Méthode de travail
En raison de sa facilité d’utilisation, c’est l’application Knee Goniometer® qui a été choisie. Les mesures ont ensuite été réalisées de manière standard (le patient était allongé sur le dos) trois fois de suite par le même clinicien (l’un des médecins et physiothérapeute), en l’absence des deux autres. Le goniomètre a été utilisé de la même façon qu’en routine, en le centrant sur le genou et en alignant un de ses «bras» le long du fémur du patient et l’autre le long de la jambe. L’application, pour sa part, a été paramétrée en fonction de la position du médecin, puis mis à zéro au sol (à l’horizontale), et enfin positionné sur le tibia du volontaire.
Des résultats… surprenants
En comparant les séries de mesures réalisées par le même clinicien, on retrouve de bons résultats pour le goniomètre et l’application. En revanche, en comparant entre elles les mesures réalisées par les trois cliniciens, on obtient une variabilité importante. Les spécialistes ont mis cela sur le compte de la fatigabilité du patient. Ils ont donc décidé de recruter six nouveaux participants opérés. Les mesures n’ont cette fois été prises qu’une seule fois par les trois cliniciens, et à la suite pour limiter la fatigue des patients. Dans ce cas-là, les résultats étaient bien meilleurs quand on comparait les mesures de chaque clinicien.
Une utilisation quotidienne possible
En conclusion, les chercheurs déduisent que cette application est utilisable en pratique clinique, au même titre que le goniomètre standard universel pour mesurer les amplitudes articulaires du genou. Ils en tirent également d’autres avantages: une fiabilité dans la mesure, une utilisation facile et rapide, et une désinfection facile grâce à des coques qui protègent le smartphone.
Enfin, les chercheurs avancent déjà une potentielle extension de l’utilisation de ces logiciels à d’autres articulations et évoquent le stockage des données mesurées dans des dossiers électroniques dédiés aux patients.
Référence
Adapté de «Mesurer l’amplitude articulaire du genou: goniomètre universel ou smartphone?», par S.Rwakabayiza, L.C. Pereira, E. Lécureux, B. Jolles-Haeberli, Service de chirurgie orthopédique et de traumatologie, CHUV et Université de Lausanne. In Rev Med Suisse 2013; 9: 2372-5. En collaboration avec les auteurs.