Comment le cerveau se réorganise après une attaque cérébrale
Brusquement, un caillot de sang vient boucher une artère cérébrale ou, tout aussi soudainement, un vaisseau se rompt, provoquant une hémorragie dans le cerveau. On est alors frappé par un accident vasculaire cérébral (AVC). Dans la zone affectée par la lésion, la circulation sanguine est perturbée et les neurones se retrouvent privés d’oxygène et de nutriments, ou comprimés en cas d’hémorragie. Quoi qu’il en soit, le résultat est le même: les neurones meurent. De là proviennent les séquelles de l’AVC. Si l’accident affecte par exemple une aire cérébrale impliquée dans la motricité, il provoque des engourdissements, une perte de sensibilité ou une paralysie du visage, d’un membre ou d’un côté du corps. S’il touche une région gouvernant le langage, il induit des troubles de la parole.
Des neurones prennent le relais
Le cerveau fait toutefois preuve de plasticité et il est capable de se réorganiser. Cette caractéristique est d’ailleurs mise à profit dans les traitements de réhabilitation qui aident les victimes à retrouver une partie des fonctions qu’elles avaient perdues. Certes, lorsque des neurones meurent, ils ne repoussent pas. Cependant, précise Adrian Guggisberg, professeur au Département de neurosciences de l’Université de Genève et médecin-adjoint au service de rééducation des Hôpitaux universitaires de la même ville (HUG), «nous en avons une certaine réserve. Les neurones qui se trouvent à proximité peuvent reprendre peu à peu les fonctions de ceux qui ont été perdus». Pour prendre le relais et accomplir leurs nouvelles tâches, les cellules nerveuses doivent modifier leur activité et, pour ce faire, elles doivent réaménager les connexions qui les lient à leurs semblables. Or, comme l’ont observé le neuroscientifique genevois et ses collègues, «ces réarrangements se font surtout localement, dans les régions adjacentes à la zone cérébrale touchée par l’AVC, mais ils s’effectuent aussi à plus large échelle dans tout le réseau neuronal».
Signaux synchrones
Pour observer cette réorganisation du cerveau, les chercheurs genevois ont utilisé l’électroencéphalographie (EEG), qui mesure l’activité électrique du cerveau par l’intermédiaire d’électrodes collées sur le crâne. Au cours de cet examen, «le patient peut rester immobile et les yeux fermés. Il n’a pas besoin de participer en bougeant par exemple la main», souligne Adrian Guggisberg. C’est un avantage pour les victimes d’un AVC qui se retrouvent en partie paralysées. Grâce à l’EEG, le professeur de l’UNIGE et ses collègues ont pu constater que lorsque deux zones cérébrales interagissent l’une avec l’autre, donc lorsqu’elles sont connectées, «elles émettent des signaux électriques synchrones, à l’image des adeptes de la nage artistique qui parviennent à uniformiser leurs mouvements». Or, ajoute Adrian Guggisberg, «mieux les régions cérébrales situées autour de la lésion se synchronisent entre elles et avec des zones plus éloignées, meilleures sont les chances de récupérer les fonctions perdues dans les semaines ou les mois qui suivent l’AVC». L’examen par EEG permet ainsi de prédire si la victime d’un accident vasculaire cérébral a, ou non, de bonnes chances de retrouver l’usage de sa motricité ou de son langage.
Améliorer la réhabilitation
L’EEG pourrait ainsi être utile pour suivre les progrès des patients traités par des neuropsychologues, physiothérapeutes, ergothérapeutes, logopédistes et autres spécialistes impliqués dans la réhabilitation. Il pourrait aussi contribuer à définir les thérapies les plus à même de promouvoir la plasticité cérébrale et la récupération. Certaines méthodes encore expérimentales, comme la stimulation électrique ou magnétique transcrânienne (voir encadré), donnent en effet de bons résultats chez certaines personnes, alors qu’elles sont inefficaces chez d’autres. Dans ce cas, l’EEG aiderait les médecins à repérer les patients susceptibles d’en bénéficier. C’est dire que les recherches des neuroscientifiques de Genève ouvrent des voies prometteuses pour diminuer les séquelles des victimes d’un AVC.
De nouvelles méthodes de rééducation
Deux techniques, l’une encore en expérimentation, l’autre plus futuriste, pourraient permettre aux victimes d’un AVC de mieux récupérer leurs fonctions perdues.
La stimulation transcrânienne
Cette technique, non invasive, consiste à stimuler le cerveau d’un patient à l’aide d’impulsions électriques (par l’intermédiaire d’électrodes placées sur son crâne) ou magnétiques (via une bobine magnétique, elle aussi posée sur sa tête). Dans les deux cas, les courants utilisés sont «de faible intensité, mais ils suffisent à modifier l’activité des neurones et leurs interactions», souligne Adrian Guggisberg, spécialiste de neurosciences et médecin au service de rééducation des HUG. Des études ont conclu que cette méthode rend la récupération, du langage notamment, plus précoce et plus efficace. Mais parmi les victimes d’un AVC, certaines y répondent et d’autres pas. L’EEG pourrait contribuer à prédire quels patients seraient susceptibles d’en bénéficier.
Le neurofeedback
Par la seule force de leur volonté, et à l’issue d’un apprentissage, certaines personnes arrivent à modifier leur tension artérielle ou leur fréquence cardiaque. A condition toutefois qu’on leur donne un feedback de leur action en mesurant l’évolution de ces paramètres physiologiques. De la même manière, «certains individus arrivent à moduler l’activité de leurs neurones», constate Adrian Guggisberg. C’est ce que l’on nomme le neurofeedback. Cette méthode permettrait-elle d’améliorer les connexions entre les zones cérébrales d’une victime d’un AVC et ainsi, d’accélérer sa récupération? C’est ce que le chercheur et ses collègues sont en train d’étudier.
Du nouveau pour soigner l’hémophilie
Les défis de la recherche en basse vision
Une nouvelle piste pour lutter contre la stéatose hépatique
Accident vasculaire cérébral (AVC)
L'AVC, ou "attaque cérébrale", est la conséquence d'un manque d'apport de sang dans le cerveau (obstruction ou rupture d'un vaisseau). Les symptômes ne sont pas toujours réversibles.