«J’ai mal au cœur, on arrive quand?»
«J’ai mal au cœur, je vais vomir… On arrive quand?» Derrière ce refrain qui retentit à chaque voyage en voiture ou presque, une vraie pathologie: le mal des transports. Bénigne, elle n’en demeure pas moins des plus éprouvantes pour ses victimes, en proie à des nausées, des vomissements et des sensations de chaleur parfois très intenses.
Mais si l’estomac semble chavirer, il n’est qu’un dommage collatéral d’un conflit qui se situe bien plus haut, au niveau du cerveau. Là, surtout dans le cervelet, centre de gestion stratégique de nos mouvements et de notre coordination, un dialogue de sourd tonitruant fait rage. Les protagonistes: les trois systèmes de perception que sont la proprioception (ensemble des récepteurs renseignant sur la position de notre corps dans l’espace), la vision et le système vestibulaire de l’oreille interne (détectrice de nos mouvements et de notre équilibre). «Le problème est que les messages qu’ils émettent sont contradictoires, au sein de leur propre organisation et entre eux, indique le Pr Jean-Philippe Guyot, médecin chef du service d’otorhino-laryngologie aux Hôpitaux universitaires de Genève. Le conflit est surtout criant entre le système vestibulaire, convaincu que nous sommes en mouvement, et la vision qui penche pour l’immobilité.»
Repos, un écran et une oreille sensible
Partir reposé
La clé pour mieux supporter le voyage: bien dormir les jours qui précédent! Evident, mais souvent contraire à ce que nous faisons, tiraillés entre un emploi du temps surchargé avant le départ et les incontournables préparatifs. Or, une dette de sommeil décuple le malaise occasionné par l’épreuve du voyage, l’éventuel futur décalage horaire, et le mal des transports lui-même.
Ecrans miracles?
A l’origine du mal des transports: notre corps et notre oreille interne qui certifient que nous bougeons et nos yeux qui sèment le doute. Si les instructions sont de regarder au loin pour dissiper les messages discordants, fixer un écran serait la pire option. Et pourtant, faire le test d’un voyage avec un écran sur l’appui-tête pour les enfants, c’est l’adopter. Plusieurs études, depuis la France jusqu’aux Etats-Unis, ont pu vérifier le phénomène, sans que les subtilités des processus en jeu ne soient encore comprises.
Expérience concluante
Voici ce qui constitue peut-être un indice clé pour comprendre le phénomène: les personnes ayant perdu la fonction de leur oreille interne, maladie rare et sans influence sur l’audition elle-même, ne souffrent d’aucun mal des transports. Pour le prouver: exercice «toupie» sur un fauteuil incliné en arrière réalisé sous contrôle médical. Au bout de quatre ou cinq tours, pas la moindre sensation désagréable pour ces patients. Pour leurs homologues sans pathologie de l’oreille interne, vomissements garantis.
Ça tangue
Ainsi, si le bateau sur lequel nous nous trouvons tangue de gauche à droite par exemple, notre oreille interne le détecte, mais nos yeux occupés par une grille de sudoku ne le voient pas.
«S’y ajoutent d’autres conflits, notamment dans le seul système vestibulaire où la perception des mouvements d’accélération (vers l’avant notamment) se heurte à celle d’autres mouvements de la tête, en particulier selon un axe vertical (observable lorsque nous hochons la tête)», poursuit le spécialiste. L’un des meilleurs exemples de ce phénomène est la condition des cosmonautes. «En apesanteur, les mouvements de rotation du corps sont parfaitement perçus, mais les notions d’accélération ne le sont plus du tout. Cette divergence déclenche un mal des transports très violent.» Pourtant, «ni l’entraînement intensif ni les tests réalisés avant les voyages auxquels s’astreignent les cosmonautes ne permettent de prévoir lesquels d’entre eux vont le plus en souffrir, ni comment l’amoindrir, constate le Pr Guyot. Mais la plupart s’y adaptent au bout de quelques jours.» Tout comme le mal de mer s’estompe généralement au bout de deux ou trois jours de croisière.
Habitude
Comment? C’est une autre partie de l’énigme. «Il y a de toute évidence un phénomène d’habituation, affirme le Pr Guyot. On n’en mesure pas encore toutes les subtilités tant les mécanismes en jeu sont complexes, mais on en devine l’un des aspects lorsque, assis dans un train, nous avons les yeux rivés sur notre smartphone et que nous avons l’impression que nous bougeons alors que c’est le train voisin qui a démarré. Cette sensation erronée, due à notre vision périphérique, est corrigée par la vision centrale à l’instant même où nous regardons avec attention par la fenêtre.»
Des astuces qui peuvent soulager
S’il n’existe pas à ce jour de traitement miracle capable de faire disparaître le mal des transports, quelques astuces permettent de l’atténuer considérablement. Les conseils du Dr Gabriel Alcoba, médecin au service de médecine tropicale et des voyages des Hôpitaux universitaires de Genève.
Prendre un repas avant le voyage. Partir à jeun intensifie les nausées, l’idéal est d’opter pour un menu léger et équilibré.
Choisir sa place quand cela est possible, dans le train par exemple, préférez le sens de la marche.
Fixer un point à l’horizon. L’idée est de limiter les discordances entre le mouvement détecté, à juste titre, par l’oreille interne, et l’immobilité trompeuse perçue par la vision quand elle reste focalisée sur l’intérieur du bateau ou de la voiture.
Faire des pauses régulières. Lors d’un long trajet en voiture, s’arrêter pour prendre l’air et marcher toutes les deux heures est le minimum.
Ne pas regarder un point vers le bas, comme un livre posé sur les genoux par exemple. Une position trop penchée de la tête accroît le risque de nausées.
Bien s’hydrater, avec de l’eau! Gare aux faux amis: café et boissons sucrées déshydratent.
Pas tous égaux
Et puis, il y a l’inégalité criante du problème. Les enfants de plus de deux ans, les femmes, surtout si elles sont enceintes, en période de menstruation ou sous traitement hormonal, et les personnes souffrant de migraines semblent plus vulnérables face au problème, sans que l’on sache précisément pourquoi. «L’explication se situe probablement dans la façon dont le cerveau gère plus ou moins bien les incohérences qu’il reçoit, et cela en fonction de la personne et des conditions dans lesquelles elle se trouve au moment du voyage», poursuit le spécialiste.
Mais alors, que faire? «Il n’y a hélas aucun remède miracle, annonce le Pr Guyot. Pour dissiper le problème de fond, il est toutefois possible de limiter le conflit entre les systèmes neuro-sensoriels impliqués par certaines astuces, notamment en forçant le regard vers un point d’horizon à l’extérieur (lire encadré).» Et quand cela ne suffit pas? Un traitement à base d’antihistaminique, par exemple, pourra être prescrit pour apaiser les nausées.
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